Ile Maurice: L'appel du large

Maurice ne peut se permettre d'ignorer l'immensité bleue qui l'entoure, nous rappelle, encore une fois, le dernier discours-programme. Depuis des années, les experts soulignent l'urgence de greffer à nos stratégies de développement une dimension maritime ambitieuse, embrassant ce que l'on nomme désormais «économie bleue». Pourtant, sous les promesses d'une prospérité océanique, les défis et menaces foisonnent, exigeant lucidité et préparation.

L'océan Indien, véritable carrefour stratégique, est le théâtre de convoitises et de périls. Ses eaux regorgent de richesses : vastes zones de pêche, réserves d'hydrocarbures, voies maritimes commerciales et trésors touristiques. Ces ressources, si elles étaient judicieusement exploitées, pourraient redessiner l'avenir économique de Maurice et de nos voisins. Mais l'abondance attire aussi des dangers : pêche illégale, trafic de stupéfiants, piraterie, pollution, sans oublier les défis globaux que sont le changement climatique et l'érosion côtière.

Au-delà des menaces évidentes, comme la piraterie qui hante nos mers ou les marées noires qui souillent nos côtes, s'ajoutent des failles plus subtiles. Maurice, comme bon nombre de ses voisins, peine à surveiller ses eaux territoriales et ses 2,3 M de km2 de zone économique exclusive. L'absence de moyens - navires adaptés, personnels formés, infrastructures modernes -, malgré l'appui et la présence des Indiens, fragilise notre capacité à réagir. À cela s'ajoute un manque criant de coordination entre les différents acteurs maritimes, tant au niveau national que régional. Ces lacunes institutionnelles, souvent liées à l'instabilité politique et à la corruption, affaiblissent davantage nos réponses face aux crises.

L'exemple du naufrage du Wakashio et de la gestion désastreuse qui en a suivi est encore dans tous les esprits. Cet épisode a mis en lumière l'impréparation et le manque d'équipement de notre pays pour faire face à des catastrophes maritimes. La mer, dans sa générosité, peut être implacable lorsque nous la négligeons.

L'économie bleue demeure porteuse d'espoirs. Cependant une stratégie maritime ne saurait être une simple déclaration d'intention. Pour en faire une réalité, il faut des bases solides : une évaluation rigoureuse des risques, des objectifs clairs et un engagement collectif. Cette évaluation est cruciale pour mesurer l'écart entre les ambitions affichées et les sacrifices qu'elles impliquent. Peut-on vraiment bâtir une économie bleue tout en détournant nos maigres ressources vers des projets terrestres coûteux et discutables ?

La mise en oeuvre d'une telle stratégie doit s'appuyer sur un socle de collaboration régionale. Nos voisins -Madagascar, Comores, Seychelles  partagent avec nous cet océan généreux mais vulnérable. Pourtant, la plupart des pays de notre région manquent des moyens nécessaires pour développer des plans d'action communs. La coopération avec des partenaires internationaux, tels que l'Inde, les États-Unis ou l'Union européenne, pourrait être un levier puissant pour pallier ces lacunes.

L'élaboration d'une stratégie maritime doit inclure tous les acteurs concernés : communautés locales, scientifiques, industriels, ONG et décideurs politiques. Cette approche participative est la clé pour équilibrer les enjeux économiques, environnementaux, sociaux et sécuritaires. Une fois adoptée, cette stratégie ne devra pas être figée, mais continuellement adaptée aux défis changeants de notre temps.

Vers un nouvel horizon

Le moment est venu de répondre à l'appel du large. Maurice peut devenir un phare dans la région, une nation insulaire qui conjugue exploitation durable de l'océan et protection de son patrimoine naturel. Mais cet avenir exige des choix courageux et une vision claire. L'économie bleue ne sera pas un miracle, mais elle peut être une boussole, guidant notre île vers un développement équilibré et résilient. La mer est là, éternelle, et elle attend que nous l'écoutions. Sauronsnous répondre à son murmure ?

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