L'agence de notation Moody's a annoncé le 30 janvier qu'elle maintenait la note souveraine de Maurice à Baa3, mais en abaissant la perspective de «stable» à «négative». Cette décision reflète les incertitudes croissantes quant à la capacité du gouvernement à maîtriser sa situation budgétaire, dans un contexte marqué par un déficit public plus important que prévu et un endettement en hausse.
Le gouvernement a réagi ce matin : «Nous sommes très heureux et soulagés de la décision de Moody's. Le maintien de la note Baa3 nous permet de maintenir le statut d'investment grade', qui est essentiel à la santé de notre économie», estime Navin Ramgoolam, Premier ministre et ministre des Finances, dans un communiqué.
Un déficit budgétaire plus élevé que prévu
Selon Moody's, le gouvernement nouvellement élu a révélé, dans son rapport «State of the Economy» publié en décembre 2024, que le déficit budgétaire de l'exercice 2024 a été réévalué à 5,7 % du Produit intérieur brut (PIB), contre une estimation initiale de 3,9 %. Pour l'année fiscale 2025, les projections ont également été revues à la hausse, atteignant 7,6 % du PIB, bien au-delà de l'objectif initial de 3,4 %.
Cette détérioration s'explique par une baisse des recettes publiques et des dépenses accrues, notamment en raison des engagements pris lors de la dernière campagne électorale. En conséquence, Moody's estime que la dette publique mauricienne atteindra 77 % du PIB d'ici juin 2025, un niveau nettement supérieur à la médiane des pays bénéficiant d'une notation Baa3, qui est de 58 %.
Les entreprises publiques sous pression
L'agence met également en garde contre l'aggravation des difficultés financières de plusieurs entreprises publiques (State-Owned Enterprises, SOEs), notamment dans les secteurs des services publics. Ces entreprises, dont certaines vendent leurs services à des prix inférieurs aux coûts de production, affichent des pertes qui pourraient nécessiter une intervention budgétaire du gouvernement.
À la fin de l'année fiscale 2024, la dette des entreprises publiques représentait 10 % du PIB, et plus de 50 % de cette dette était garantie par l'État. Une assistance financière publique à ces entreprises pourrait donc accentuer la pression sur les finances de l'État.
Un ajustement budgétaire nécessaire mais difficile
Moody's estime que le gouvernement devra mettre en oeuvre un plan de consolidation budgétaire dès l'exercice 2026. L'agence prévoit un ajustement budgétaire représentant 2,7 % du PIB entre 2025 et 2026, qui inclurait des réformes fiscales et des réductions de dépenses.
Cependant, l'exécution d'un tel plan comporte des risques significatifs. L'augmentation des impôts sur les sociétés ou les revenus des particuliers pourrait nuire à l'attractivité fiscale de Maurice, un élément clé de son positionnement comme centre financier international. D'un autre côté, une hausse de la TVA ou d'autres taxes indirectes pourrait être impopulaire politiquement et socialement.
Moody's souligne également que 30 % des dépenses publiques sont allouées aux programmes sociaux, notamment les retraites et les allocations familiales. Toute réduction dans ce domaine pourrait être politiquement délicate.
Des atouts qui soutiennent encore la note Baa3
Malgré ces défis, l'agence estime que Maurice bénéficie toujours de plusieurs atouts qui justifient le maintien de sa note souveraine à Baa3 :
· Une économie diversifiée, relativement résiliente aux chocs externes.
· Un secteur financier solide, avec une large base de financement domestique.
· Un niveau de réserves de change élevé, atteignant 8,5 milliards de dollars US en décembre 2024, soit plus de 13 mois de couverture des importations.
De plus, le cadre institutionnel et la gouvernance de Maurice restent solides, bien que le dernier audit ait révélé des failles dans la supervision des entreprises publiques et la gestion budgétaire.
Perspectives : quels scénarios pour Maurice ?
L'agence indique que la perspective pourrait être rétablie à «stable» si le gouvernement parvient à mettre en oeuvre des mesures crédibles de redressement budgétaire, notamment en améliorant la collecte des recettes et en limitant l'endettement des entreprises publiques.
En revanche, un manque d'avancées dans la consolidation budgétaire ou une hausse du coût du financement de la dette pourrait entraîner une dégradation de la note souveraine dans les mois à venir.
Avec cette annonce, Moody's envoie un signal d'alerte aux autorités mauriciennes, les pressant d'adopter des réformes urgentes pour éviter une détérioration de leur notation et, par conséquent, une augmentation du coût du financement du pays.
«Résultat de la gestion irresponsable du régime MSM»
Quand au gouvernement mauricien, il explique que l'état de l'économie à son arrivée en novembre 2024 suscitait de vives inquiétudes. «Sur la base des seuls chiffres, l'île Maurice se situait déjà en-dessous des critères de Moody's pour l'obtention de la note Baa3. Il estime que la dégradation de l'économie et des institutions est le résultat de la gestion irresponsable du régime MSM.
Pour mitiger ce bilan négatif, le gouvernement a travaillé d'arrache-pied pour rétablir une relation de confiance avec Moody's. En adoptant une approche transparente, avec des chiffres qui sont fiables et honnêtes, le gouvernement a fait le contrepoids des indicateurs financiers insuffisants. Moody's estime aussi que l'équipe dirigeante a su restaurer la gouvernance et la crédibilité des institutions, qu'elle a la volonté et les compétences pour redresser la situation. (...)
Le gouvernement reste cependant concerné par le 'negative outlook'. Le risque d'une baisse de notation reste réel. Pour l'éviter, le pays devra initier un programme de consolidation fiscale conséquent et des réformes économiques substantielles pour redresser l'économie.
Le Dr Ramgoolam tient à réaffirmer la détermination du gouvernement à travailler en ce sens. Le maintien du statut d'investment grade' est un objectif qui permet de relancer l'économie mauricienne, ce qui bénéficiera à tous les Mauriciens.»