Incarcérée depuis le mois d'août, l'activiste tunisienne Sihem Bensedrine avait entamé à la mi-janvier une grève de la faim à laquelle elle a mis un terme jeudi 30 janvier. Mais son sort continue de révolter ses soutiens.
Quatre jours après son hospitalisation dans un service de réanimation d'un hôpital tunisois, Sihem Bensedrine a mis fin à sa grève de la faim. Ayachi Hammami, l'un de ses avocats, doit se contenter des quelques bribes d'informations que l'administration pénitentiaire veut bien laisser filtrer. « Tout ce que nous avons comme informations, c'est qu'elle est sous perfusion et que son état de santé général est très mauvais », indique-t-il.
La septuagénaire l'avait entamée à la mi-janvier pour protester contre son incarcération. À la tête de l'Instance Vérité et Dignité mise en place après la révolution pour faire la lumière sur les exactions commises pendant les années de dictature, l'activiste est accusée d'avoir falsifié un rapport de l'organisation.
Ayachi Hammami voit dans son incarcération plutôt un règlement de comptes. « Le rapport qui est sorti après quatre années de travail de cette instance a gêné les différents réseaux mafieux et d'oppression du régime de Ben Ali. Elle croit que ce sont ces réseaux qui sont derrière ce qui se passe maintenant pour elle. Ils sont en train de prendre leur revanche parce qu'elle a dévoilé à l'opinion publique les atrocités de l'ancien régime. C'est cela l'explication de Sihem elle-même », explique-t-il.
La Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) demande sa libération immédiate. « Nous considérons qu'il s'agit d'une détention arbitraire sur un dossier qui est monté de toutes pièces, a réagi Yosra Frawes, directrice du bureau Maghreb-Moyen-Orient de l'ONG. Sa place n'est pas en prison et ne doit pas être derrière les barreaux. »
« Le mode opératoire de la répression en Tunisie est tout à fait une restauration de la répression systémique que subissait le peuple tunisien durant la dictature de Ben Ali, poursuit-elle. Cet acharnement contre toutes les voix dissidentes, journalistes, magistrats, défenseurs des droits humains, opposants politiques (...) toutes ces manoeuvres-là, on les a vues avec le régime de Ben Ali et elles sont en train de se reproduire aujourd'hui. Pire encore, nous pensons que Kaïs Saïed est en train de reproduire des formes de répressions empruntées aux dictatures les plus sanguinaires de la région, comme la dictature du maréchal al-Sissi en Égypte. »
Alors qu'elle a déjà passé six mois en prison, la détention provisoire de Sihem Bensedrine vient d'être prolongée de quatre mois.