Après la société civile, les eurodéputés ont manifesté leur « préoccupation urgente » sur l'utilisation des financements accordés à Madagascar par le Fonds monétaire international, et leurs conséquences écologiques et socio-économiques. Car le président Andry Rajoelina a lancé deux projets routiers potentiellement financés par le FMI, dans le cadre de l'aide pour la « résilience et durabilité »
Après la société civile malgache, 35 députés européens ont adressé une lettre fin décembre à la directrice générale du FMI pour lui faire part de leur « préoccupation urgente ». Issus de formations politiques différentes, ils craignent que cette somme des projets routiers assurés par l'enveloppe budgétaire de 321 millions de dollars concédée au nom de la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD) serve à financer deux « projets routiers destructeurs » pour les forêts primaires environnantes. Elle devrait être décaissée d'ici à la fin du premier semestre 2025.
« Nous avons exhorté le FMI à veiller à ce que son fonds de résilience ne soit pas utilisé à mauvais escient à Madagascar, confie l'eurodéputée Annalisa Corrado à RFI. Nous avons souligné l'importance sociale et environnementale de la protection des écosystèmes déjà critiques à Madagascar et de la gestion des risques posés par les projets routiers proposés. En ce 30 janvier, nous attendons toujours une réponse du Fonds monétaire international », qui gère le FRD.
Au siège du FMI à Washington, le chef de mission pour Madagascar, Frédéric Lambert, assure « prendre très au sérieux les craintes exprimées dans cette lettre » et joue l'apaisement. « Il y a une réponse qui est en cours, qui devrait parvenir aux eurodéputés rapidement. Je voudrais clarifier que le financement qui est accordé par le FMI, donc au titre de la FRD, apporte un appui budgétaire aux réformes des politiques climatiques. La FRD n'est en aucun cas un financement de projets comme la construction d'une autoroute, par exemple », veut-il rassurer.
Le FRD « ne peut pas déterminer la façon dont l'État dépense les financements »
Frédéric Lambert reconnait toutefois que le gouvernement peut utiliser comme bon lui semble cette enveloppe. « Certes, on ne peut pas déterminer la façon dont l'État dépense les financements que l'on consent. Les États sont souverains. Ce que voudrait la société civile, c'est que l'on fixe dans le programme une condition qui dise "vous ne pouvez pas dépenser cet argent pour l'autoroute". C'est compliqué à faire. En revanche, on insiste sur des réformes dans le cadre de la FRD qui devraient répondre à certaines préoccupations exprimées. »
À commencer, par exemple, par la refonte du décret de 2004 sur la « mise en compatibilité des investissements avec l'environnement ». Une réforme importante aux yeux du FMI puisqu'elle impose aux futurs projets d'investissements publics qu'ils favorisent et prennent en compte la résilience au changement climatique.
« On encourage d'ailleurs les autorités à appliquer ce décret qui n'a pas encore été approuvé, souligne le représentant du FMI. Donc, on essaie quand même de faire en sorte qu'il n'y ait pas de politiques qui aillent à l'encontre de ce qu'on essaye de faire avec la FRD et notamment la préservation des forêts et de la biodiversité. »
La construction du projet autoroutier reliant la capitale sur les Hautes-Terres à Tamatave, premier port de l'île, sur la côte est, a déjà démarré. Le tracé définitif n'a toujours pas été révélé.