Ile Maurice: Christelle Spéville - Portrait des mots pour guérir, un slam pour résister

À 37 ans, Christelle Spéville est une slameuse reconnue, une voix qui porte et qui émeut. Pourtant, derrière cette femme qui monte sur scène avec assurance se cache un parcours semé d'embûches. Originaire de Rodrigues, elle vit à Maurice depuis près de vingt ans et travaille comme prestataire de services pour une firme privée. Elle a récemment remporté la compétition Konkour Slam Abolision Lesklavaz catégorie 26 ans+, organisée par le Centre Nelson Mandela en collaboration avec le ministère des Arts et de la Culture.

Dès son enfance, Christelle Spéville trouve refuge dans l'écriture. À seulement 11 ans, elle commence à rédiger des poèmes dans un cahier, un espace où elle se sent en sécurité. «À l'époque, je ne connaissais même pas le mot "slam"», confie-t-elle. Mais écrire devient un exutoire, un moyen de panser ses blessures invisibles. Car Christelle a longtemps été victime de harcèlement scolaire. Plus petite et plus mince que les autres, elle subit moqueries et remarques blessantes, parfois même de la part d'enseignants.

«J'étais renfermée sur moi-même, avec un énorme manque de confiance en moi. Je ne m'aimais pas physiquement, et les autres me faisaient me sentir inférieure.» Mais un jour, tout change. Lorsque ses camarades découvrent ses poèmes, au lieu des critiques, elle reçoit des félicitations. Pour la première fois, elle se sent valorisée, ses mots ont du poids. «C'est grâce à l'écriture que j'ai repris confiance en moi. Ça m'a sauvée.»

∎ La jeune slameuse recevra son prix des mains du Premier ministre Navin Ramgoolam aujourd'hui.

Du slam pour dénoncer, pour exister

En 2019, Christelle franchit un nouveau cap en publiant sur Facebook une vidéo dans laquelle elle récite un poème sur la violence domestique. Le succès est immédiat : la vidéo devient virale, touchant des milliers de personnes. «C'est à ce moment-là que j'ai découvert le slam», explique-t-elle. «J'ai rejoint une organisation qui soutient les femmes victimes de violence et j'ai commencé à slamer pour dénoncer les injustices.»

Depuis, elle n'a cessé d'élever sa voix pour défendre des causes qui lui tiennent à coeur : l'anxiété, le harcèlement de rue, la schizophrénie... Ses slams sont des cris du coeur. «Je ne slame pas juste pour slamer. J'écris pour dire quelque chose, pour réveiller les consciences.» Sa passion pour l'écriture va bien au-delà du slam.

Sur sa page Facebook Seeds of Rodrigues, elle valorise les talents de son île natale et partage ses réflexions. «On me dit souvent que j'aurais dû être journaliste ou écrivaine», souritelle. «Peut-être qu'un jour, je publierai un recueil ou un roman... Qui sait ?»

Une victoire chargée d'émotion

Lorsque Christelle apprend l'existence du concours Abolition Lesklavaz, qui célèbre la résistance et l'héritage des esclaves, elle n'hésite pas une seconde. «Ce thème me parlait profondément. Je voulais exprimer ce que je ressens en tant que descendante d'esclaves.» La compétition est intense, mais Christelle s'investit corps et âme. Elle ne se contente pas de réciter son texte : elle bouge, danse, utilise l'expression corporelle pour transmettre son message avec encore plus de force.

«J'ai toujours dit être poète, pas performeuse. Mais là, je me suis prouvée que je pouvais aller plus loin.» Aujourd'hui, 1eᣴ février, sur scène, elle déploiera toute son énergie pour présenter le slam gagnant. Un moment fort en symboles, où elle recevra des mains du Premier ministre Navin Ramgoolam un chèque de Rs 25 000. Cependant pour elle, la plus grande victoire est ailleurs : «Ce n'est pas juste un concours. C'est un hommage à ceux qui ont souffert, une manière de dire que nous sommes encore debout.»

Aujourd'hui, Christelle est une femme transformée. Elle continue d'écrire, de slamer, mais aussi d'explorer d'autres horizons. Passionnée par le social, elle s'investit pour aider les autres. «Je veux donner aux gens ce que l'écriture m'a donné : un espace pour s'exprimer, se libérer.»

Elle prévoit aussi de nouvelles expériences artistiques, tout en gardant une part de mystère. «Je vais faire du slam autrement... mais je préfère garder la surprise», lance-t-elle d'un sourire malicieux.

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