Congo-Kinshasa: La RDC appelée à investir dans le diagnostic des maladies au niveau local

4 Février 2025

KINSHASA — Les autorités sanitaires doivent recourir aux solutions innovantes pour la détection des maladies les plus courantes en République démocratique du Congo (RDC), estiment des scientifiques et des chercheurs congolais.

Mulangu Sabue, virologue et enseignant-chercheur à l'université de Kinshasa, suggère que pour chaque maladie courante, il y ait des tests rapides disponibles au niveau local pour un diagnostic immédiat.

Il ajoute aussi que « des drones civils pourraient transporter les échantillons des centres de santé isolés vers des laboratoires équipés », afin de contourner l'obstacle que constitue l'absence ou le mauvais état des voies de communication.

"L'investissement dans le domaine de la détection des maladies n'est pas conséquent. Notre pays a fait face à de nombreuses crises sanitaires ces dernières années et cela devrait nous pousser à rester alertes"Philomène Lungu, université de Lubumbashi

Le chercheur recommande en outre d'améliorer la qualité des ressources humaines disponibles. « Il est important de mieux former les équipes locales pour analyser les tendances et mener des investigations épidémiologiques dès l'apparition de signes d'augmentation des cas, permettant une intervention rapide et précise des autorités centrales et provinciales », explique-t-il.

Les recommandations de Mulangu Sabue font suite à la détection tardive d'une forme grave de paludisme qui a touché le district sanitaire de Kwango, dans le sud-ouest de la RDC, et qui a fait plus de 160 morts en novembre et décembre 2024.

Pour Philomène Lungu, professeure à l'université de Lubumbashi, « la crise actuelle démontre la nécessité de continuer à investir dans la capacité de détection des maladies, mais pas uniquement celles qui sont déjà sous surveillance. »

« Aujourd'hui, ajoute-t-elle, l'investissement dans ce domaine n'est pas conséquent. Notre pays a fait face à de nombreuses crises sanitaires ces dernières années et cela devrait nous pousser à rester alertes ».

« Maladie inconnue »

En effet, les premiers cas de décès dus à ce paludisme grave alors appelé alors « maladie inconnue », caractérisée par de la fièvre, des maux de tête, l'écoulement nasal et une difficulté respiratoire, ont été signalés par les autorités locales dès le mois de novembre 2024.

« Du 10 au 25 novembre, la zone de santé de Panzi avait déclaré 167 décès, les uns dans la communauté, les autres au niveau des structures médicales. Le taux de létalité était alors de 6,4 % », rapporte Apollinaire Yumba, ministre provincial de la Santé, interrogé par SciDev.Net.

Il ajoute qu'au 11 décembre, l'expansion de la maladie s'étendait déjà dans 8 des 30 aires de santé qui composent la zone de santé de Panzi. « L'équipe de l'INRB (Institut national de recherche biomédicale) avait alors prélevé 164 autres échantillons en plus des 11 échantillons envoyés à Kenge puis à Kinshasa au lendemain de l'épidémie », précise-t-il.

L'analyse des échantillons avait finalement permis de conclure qu'il s'agissait d'une forme grave de paludisme. « L'alerte a été donnée, mais l'investigation a traîné, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu une réponse immédiate. C'est une zone qui est extrêmement reculée, avec des voies d'accès assez difficiles », explique Mulangu Sabue.

Pour lui, « c'était un problème logistique pour avoir accès à la zone et faire des prélèvements adéquats, renvoyer les prélèvements à Kinshasa pour la confirmation ou pour la recherche de l'étiologie. Il y a aussi des poches d'insécurité là-bas qui expliquent aussi le retard », poursuit ce dernier.

Situation préoccupante

Face à cette difficulté à identifier la maladie, l'intervention s'était limitée au traitement des symptômes. Deux tonnes de médicaments, offerts par l'OMS, avaient été distribuées aux populations, sous la gestion du Centre des opérations d'urgence de santé publique du ministère national.

Louis Massing, coordinateur médical de Médecins sans frontières (MSF), souligne que « malgré les difficultés logistiques, MSF avait organisé des cliniques mobiles en collaboration avec les autorités sanitaires locales pour fournir des soins immédiats ».

« Nous avions trouvé une situation préoccupante de par le nombre de cas notifiés, la symptomatologie que présentaient les patients, faite de fièvre, de toux, d'asthénie, dont le diagnostic n'était pas encore confirmé à notre arrivée sur place. Nous avons aussi fait le constat que la situation était plus préoccupante dans trois aires de santé (Tshakala-Panzi, Panzi-Makita et Kanzangi) », confie Louis Massing.

Des moustiquaires imprégnées d'insecticide avaient été distribuées par l'ONG dans les zones affectées. Cependant, le coordinateur médical de MSF fait savoir que, jusqu'à la fin de la mission de MSF, un mois après le début de la maladie, il n'y avait pas d'informations sur le cas index. « Mais tout le monde pense que ce premier cas serait venu de l'aire de santé Tshakala-Panzi », dit-il.

Des mesures avaient également été prises par le gouvernement local pour contenir la maladie. « Dès les premiers jours de la maladie, nous avions instruit les services de la Direction générale de migration, de l'Agence nationale de renseignements de pouvoir limiter le flux migratoire. L'équipe technique que nous avions déployée sur le terrain a fait la sensibilisation en faisant la promotion de mesures barrières dans l'ensemble de la population », explique le ministre provincial de la Santé.

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