Genève — Les pays participant à la session d'urgence devraient soutenir la création d'un mécanisme d'enquête
Le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies devrait créer un mandat indépendant pour enquêter sur les abus commis par toutes les parties au conflit actuel lors de la session d'urgence prévue le 7 février au sujet de la crise dans l'est de la République démocratique du Congo, ont déclaré aujourd'hui Human Rights Watch et d'autres groupes de défense des droits humains. Plus de 77 organisations congolaises, régionales et internationales de défense des droits humains ont publié une lettre commune appelant à la création d'un tel organe international.
La session de l'ONU s'apprête à se concentrer sur le conflit armé entre le groupe armé M23 et l'armée congolaise, soutenue par la Mission de la Communauté de développement de l'Afrique australe (Southern African Development Community, SADC) en République démocratique du Congo (SADC Mission in the Democratic Republic of Congo, SAMIDRC) et une coalition de milices responsables d'abus connues sous le nom de « Wazalendo » (« patriotes » en swahili). Les combats récents ont donné lieu à des atrocités généralisées contre les civils, y compris des exécutions extrajudiciaires, du travail forcé, des violences sexuelles et des déplacements forcés.
« La crise sécuritaire et humanitaire actuelle est une conséquence de l'impunité dont jouissent les groupes congolais et étrangers responsables de crimes graves commis en RD Congo depuis les années 1990 », a déclaré Stewart Muhindo Kalyamughuma, activiste de la Lutte pour le changement (Lucha). « Pour sortir de ce cycle de violence et d'impunité, il est essentiel que les abus et les violations des droits humains qui sont actuellement commis en RD Congo soient systématiquement documentés afin que la vérité soit connue et que les responsables aient à répondre de leurs actes. »
L'ambassadeur de la RD Congo à Genève a demandé la convocation d'une session d'urgence du Conseil des droits de l'homme le 3 février, au nom de 48 pays du monde entier.
Les combats dans l'est de la RD Congo se sont intensifiés ces dernières semaines lorsque le M23 et les forces armées rwandaises alliées se sont emparés de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, et ont progressé jusque dans la province du Sud-Kivu. L'ONU a rapporté qu'au cours des combats récents, près de 3 000 décès ont été enregistrés dans la seule ville de Goma. Les combats ont déplacé un grand nombre de personnes, perturbé l'acheminement de l'aide humanitaire et provoqué des pénuries alimentaires à Goma.
Le M23 et l'armée congolaise, ainsi que leurs alliés, ont été impliqués dans de graves abus contre les civils, y compris les personnes déplacées à l'intérieur du pays, a déclaré Human Rights Watch.
Les groupes de défense des droits humains ont insisté sur la nécessité de mettre en place un organe d'enquête indépendant et impartial afin que tous ceux qui sont responsables d'abus graves répondent de leurs actes, quelle que soit leur affiliation. Ils ont souligné que les organes existants n'ont pas été mis en place pour répondre de manière adéquate à l'ampleur et à la gravité des abus. Le Conseil des droits de l'homme devrait établir un mécanisme qui garantirait une documentation rigoureuse des violations des droits, identifierait les responsables et recommanderait des mesures pour prévenir de futures atrocités.
Human Rights Watch a déclaré qu'un mécanisme d'enquête indépendant est crucial pour plusieurs raisons. Premièrement, il fournirait un compte-rendu complet et impartial des violations du droit international humanitaire et des droits humains dans l'est de la RD Congo, en faisant la lumière sur les abus commis par toutes les parties. Deuxièmement, il aurait un effet dissuasif sur les violations futures en montrant que la communauté internationale s'engage à la reddition des comptes. Enfin, il offrirait aux victimes et aux survivants une mesure de justice en reconnaissant leur souffrance et en ouvrant la voie à des réparations.
L'Union africaine et les communautés économiques régionales africaines ont récemment indiqué que les violations du droit international humanitaire, telles que les attaques contre les civils et les forces de maintien de la paix, constituent des crimes de guerre.
La réunion ministérielle d'urgence du Conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA a souligné les résultats d'une réunion d'un sommet de la Communauté d'Afrique de l'Est (East African Community, EAC), de la Communauté économique des États de l'Afrique centrale (CEEAC), de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (International Conference on the Great Lakes Region, ICGLR) et de la SADC en appelant au respect et à l'adhésion au droit international humanitaire et à la protection des civils, des personnes déplacées à l'intérieur du pays et des forces de maintien de la paix.
L'appel lancé dans la lettre conjointe des organisations de défense des droits humains souligne l'escalade de la crise actuelle et le besoin pressant de rendre des comptes dans l'est de la RD Congo, a déclaré Human Rights Watch.
« Les pays membres du Conseil des droits de l'homme de l'ONU devraient agir de manière décisive pour créer le mandat indépendant demandé pour l'est de la RD Congo », a déclaré Allan Ngari, directeur du plaidoyer au sein de la division Afrique de Human Rights Watch. « La population de l'est du pays endure d'immenses souffrances depuis de nombreuses années. Il est extrêmement important de prendre des mesures décisives pour mettre fin aux cycles de violence et d'impunité et promouvoir un avenir fondé sur la justice et le respect des droits humains. »