Monsieur le Président, Dr Jerome Walcott, Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues et amis, chères collègues et amies, bonjour, bonne année et bienvenue à nouveau au Siège de l'OMS, chez vous.
Comme vous le savez, pour moi, l'année 2024 s'est terminée par une grosse frayeur au Yémen, lorsque l'aéroport de Sanaa a été attaqué alors que j'y attendais mon vol de retour. Je tiens à exprimer ma profonde gratitude à chacune et chacun d'entre vous qui m'avez appelé ou envoyé un message de soutien. Votre gentillesse a été source de réconfort dans un moment difficile. Je tenais à vous exprimer ma gratitude et aussi, je remercie Dieu de m'avoir épargné.
J'ai eu de la chance, mais ces instants m'ont rappelé la menace sous laquelle vivent chaque jour de si nombreuses personnes dans des situations dangereuses dans le monde entier, y compris bon nombre de mes collègues de l'OMS, et le personnel humanitaire en général. Pour elles et pour eux, et pour l'OMS dans son ensemble, 2024 a été une année de défis majeurs. Ce fut aussi une année marquée d'importants jalons.
Lors de la Soixante-Dix-Septième Assemblée mondiale de la Santé en mai, les États Membres ont approuvé notre nouvelle stratégie mondiale en matière de santé, le quatorzième programme général de travail, 2025-2028, ou PGT14, qui a pour objectif ambitieux de sauver 40 millions de vies au cours des quatre prochaines années. Vous avez également approuvé un ensemble historique d'amendements au Règlement sanitaire international ; et vous êtes convenus de conclure les négociations sur l'Accord de l'OMS sur les pandémies à temps pour la prochaine Assemblée mondiale de la Santé.
En novembre, nous avons également conclu le premier cycle d'investissement de l'OMS, qui a permis de mobiliser la moitié des ressources dont nous avons besoin pour mettre en oeuvre le quatorzième programme général de travail au cours des quatre prochaines années ; et en décembre, j'ai rejoint le Président Emmanuel Macron pour inaugurer l'Académie de l'OMS à Lyon, en France - une étape majeure pour faire de l'OMS une organisation ayant un véritable impact dans les pays.
Dans le cadre de notre triple mission consistant à promouvoir, à garantir et à protéger la santé, nous avons aussi de nombreuses réalisations à célébrer.
Tout d'abord, notre mission est de promouvoir la santé et de prévenir les maladies, en nous attaquant à leurs causes profondes. Comme vous le savez, les maladies non transmissibles, notamment les maladies cardiovasculaires, le diabète, le cancer et les maladies respiratoires chroniques, représentent sept des 10 principales causes de décès dans le monde.
L'un des principaux objectifs de l'OMS est de s'attaquer aux facteurs de risque des maladies non transmissibles dans les aliments que les gens mangent ; dans l'air qu'ils respirent ; les routes qu'ils empruntent ; et les produits qu'ils consomment, y compris le tabac - la principale cause de décès évitable dans le monde.
Ce mois-ci marque le 20e anniversaire de l'entrée en vigueur de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac. Au cours des deux dernières décennies, grâce à la Convention-cadre de l'OMS et à l'ensemble des mesures techniques MPOWER qui la soutiennent, la prévalence du tabagisme a chuté d'un tiers au niveau mondial.
L'année dernière, la Géorgie, la République démocratique populaire lao et Oman ont introduit le conditionnement neutre des produits du tabac ; avec l'appui de l'OMS, le Viet Nam a interdit les cigarettes électroniques et les produits du tabac chauffés ; et grâce à notre partenariat dans le cadre de l'initiative pour des fermes sans tabac, nous avons aidé plus de 9000 cultivateurs de tabac au Kenya et en Zambie à passer de la culture du tabac à la culture de haricots à haute teneur en fer.
Un autre objectif clé est de s'attaquer aux facteurs de maladie dans l'alimentation des gens. En 2024, le Liban, Maurice et le Népal ont adopté des politiques s'appuyant sur les meilleures pratiques pour l'élimination des acides gras trans. Trente-quatre pays ont maintenant adhéré au plan d'accélération pour mettre fin à l'obésité, ce qui représente un tiers de la population mondiale atteinte d'obésité. Nous avons publié de nouvelles lignes directrices sur l'émaciation et apporté un soutien à 14 pays parmi les plus touchés pour qu'ils les mettent en oeuvre.
Nous constatons également des progrès dans la prévention des décès et des traumatismes dus à la noyade, aux accidents de la route et à la violence. Nous intégrons les sciences du comportement dans un plus grand nombre de domaines de notre action, et nous continuons d'aider les pays à mettre en place des systèmes de santé respectueux du climat et résilients face aux changements climatiques.
Nous avons mobilisé 150 millions de dollars des États-Unis (USD) pour aider les pays à revenu faible ou intermédiaire à protéger la santé de leur population contre les risques climatiques, et lors de la vingt-neuvième session de la Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en Azerbaïdjan, nous avons signé un accord pour que la santé figure toujours au coeur des négociations climatiques.
Deuxièmement, notre mission est de garantir la santé, en élargissant l'accès équitable aux services de santé. Comme vous le savez, plus de la moitié de la population mondiale n'a pas accès aux services de santé essentiels. Et deux milliards de personnes sont confrontées à des difficultés financières du fait des dépenses de santé à leur charge.
Pour y remédier, nous nous efforçons, dans le cadre du Partenariat pour la couverture sanitaire universelle, de soutenir 125 pays dans l'ensemble des six Régions sur la voie de la couverture sanitaire universelle. L'année dernière, nous avons aidé 28 pays à définir un ensemble de services pour la couverture sanitaire universelle, dont huit pays confrontés à une crise humanitaire.
Et nous aidons les pays à étendre les services de santé aux réfugiés et aux migrants. L'Irlande et le Panama ont intégré la santé des réfugiés et des migrants dans leurs plans de soins nationaux ; l'Ouganda a assuré à 1,6 million de réfugiés un ensemble complet de soins ; et la Colombie a délivré des cartes d'assurance-maladie à 1,5 million de migrants.
Tout comme nous nous efforçons d'élargir l'accès aux services de santé, nous nous efforçons d'élargir l'accès aux médicaments et aux produits de santé et de renforcer les autorités de réglementation dans le monde entier. Nous avons salué l'Égypte, l'Inde, le Rwanda, le Sénégal et le Zimbabwe pour avoir atteint ou maintenu le niveau de maturité 3 pour ce qui est de la surveillance réglementaire des médicaments et des vaccins.
De plus, nous avons désigné 33 organismes de réglementation comme autorités reconnues par l'OMS, ceux-ci devenant des « organismes de réglementation de référence » qui répondent aux normes et pratiques internationalement reconnues. Nous avons maintenant répertorié 36 organismes de réglementation depuis le lancement du programme il y a trois ans.
En 2024, nous avons préqualifié 87 médicaments et autres produits, et mené à bien plus de 150 inspections de sites de fabrication. Nous avons lancé une nouvelle plateforme rassemblant des informations sur 2000 types de dispositifs médicaux, que les pays utilisent pour sélectionner des dispositifs pour des interventions de santé, des achats ou des listes de référence nationales. Nous avons diffusé cinq alertes concernant des médicaments de qualité inférieure et falsifiés, et nous avons sélectionné 481 dénominations communes pour des principes actifs pharmaceutiques.
Le programme des dénominations communes internationales, que peu de gens connaissent, fait pourtant partie de ces choses que l'OMS accomplit et que personne ne saurait faire à sa place, et qui s'avèrent d'une grande utilité pour tous les pays. Des noms normalisés pour les ingrédients pharmaceutiques sont absolument essentiels pour la sécurité des patients, le commerce mondial, le suivi et la traçabilité des médicaments, la lutte contre les contrefaçons, l'amélioration de l'accès, la recherche, entre autres. C'est une tâche fastidieuse, mais quelqu'un doit le faire, et ce quelqu'un, c'est l'OMS. Et elle contribue à améliorer l'accès à des outils vitaux, tels que les vaccins.
En ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens, la Réunion de haut niveau des Nations Unies sur la résistance aux antimicrobiens a débouché sur des engagements et des objectifs forts. Le nombre de pays ayant communiqué des données sur l'utilisation des antimicrobiens à l'OMS a triplé, passant de 36 en 2021 à 98 en 2024 ; et les pays adoptent nos recommandations AWaRe sur les antibiotiques : le Népal, par exemple, a interdit l'utilisation de combinaisons d'antibiotiques que l'OMS classe comme non recommandées.
Nous avons également appuyé la pleine mise en oeuvre de la surveillance de la gonorrhée résistante aux antimicrobiens dans 13 pays. Au Cambodge, la mise en oeuvre des lignes directrices de l'OMS a permis de supprimer les échecs des traitements alors que le taux d'échec était auparavant de 11 %. Nous avons également élaboré les premières lignes directrices sur la gestion des eaux usées et des déchets solides dans le cadre de la fabrication des antibiotiques. Nous avons déjà formé des inspecteurs dans 52 États Membres, et l'alliance de l'industrie contre la résistance aux antimicrobiens (AMR Industry Alliance) a mis à jour sa norme pour s'aligner sur les orientations de l'OMS.
L'année dernière, nous avons célébré le 50e anniversaire du Programme élargi de vaccination (PEV). Lorsque le Programme a été lancé en 1974, moins de 5 % des enfants dans le monde étaient vaccinés. Ils sont désormais 83 % à l'être. Le PEV est l'unique initiative qui a, et de manière considérable, contribué à la survie des nourrissons et des enfants dans le monde, permettant d'éviter 154 millions de décès, soit une moyenne de 8000 par jour depuis 50 ans.
Et nous continuons d'aider les pays à introduire de nouveaux vaccins pour sauver des vies. En 2024, quatre nouveaux pays ont introduit les vaccins contre le papillomavirus humain. Le Niger et le Nigeria ont été les premiers pays à introduire le nouveau vaccin contre la méningite, Men5CV. L'OMS a préqualifié un nouveau vaccin contre la dengue, et nous avons soutenu le déploiement de plus de 12 millions de doses de vaccin antipaludique dans 17 pays d'Afrique.
Parallèlement, nous vivons un âge d'or de l'élimination des maladies, avec de plus en plus de pays libérant leur population du paludisme, du trachome, de la lèpre, de la filariose lymphatique, entre autres. L'année dernière, sept pays - le Brésil, l'Inde, la Jordanie, le Pakistan, le Tchad, le Timor-Leste et le Viet Nam - ont obtenu une certification de l'OMS pour avoir éliminé l'une des maladies tropicales négligées. Et pas plus tard que la semaine dernière, la Guinée a obtenu la certification confirmant l'élimination de la trypanosomiase humaine africaine, et le Niger celle confirmant l'élimination de l'onchocercose.
L'année dernière, seuls 11 cas humains de dracunculose ont été signalés dans huit villages du Tchad et du Soudan du Sud uniquement. Le Ghana a approuvé un nouveau traitement contre l'onchocercose, qui a été mis au point grâce à deux décennies de collaboration entre le Programme spécial UNICEF/PNUD/Banque mondiale/OMS de recherche et de formation concernant les maladies tropicales (TDR), des chercheuses et chercheurs, les bureaux de pays de l'OMS et Medicines Development for Global Health.
Nous avons également délivré au Cabo-Verde et à l'Égypte la certification attestant qu'ils sont désormais exempts de paludisme, et cette année aussi, la Géorgie a atteint le même statut. L'élimination de la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis a aussi été validée au Belize, à la Jamaïque et à Saint-Vincent-et-les Grenadines. Nous avons par ailleurs confirmé que la Namibie était sur la voie de l'élimination de la transmission mère-enfant du VIH et de l'hépatite B.
Pour la première fois, la couverture du traitement de la tuberculose a atteint 75 % à l'échelle mondiale, 79 pays ont réussi à réduire d'au moins 20 % l'incidence de la maladie et 43 pays d'au moins 35 % le nombre des décès dus à la tuberculose. Et dans le domaine de la santé mentale, nous travaillons avec l'UNICEF dans 13 pays, dans les six Régions, ce qui permet de fournir des services de soins à 270 000 enfants, adolescents et personnes ayant la charge d'enfants.
En ce qui concerne la mortalité maternelle et infantile, les progrès sont moins encourageants. Après les améliorations substantielles enregistrées à l'époque des objectifs du Millénaire pour le développement, les progrès sont actuellement au point mort. Nous continuons de travailler avec les États Membres pour recenser les obstacles et leur donner les outils dont ils ont besoin pour les surmonter.
Par exemple, pour accroître l'adoption des pratiques de planification familiale, nous avons élaboré un protocole permettant d'évaluer rapidement les goulets d'étranglement, que 27 pays mettent en oeuvre aujourd'hui. Nous avons publié de nouvelles lignes directrices sur le sepsis néonatal et nous aidons les pays à les mettre en oeuvre. Nous avons par ailleurs lancé de nouvelles lignes directrices sur les modèles de soins obstétricaux, dont une étude en Éthiopie a montré qu'ils permettent de réduire le nombre de césariennes d'urgence, les taux de naissances prématurées et les admissions en soins intensifs néonatals. Plus de 40 pays ont élaboré des plans pour réduire plus rapidement la mortalité maternelle et néonatale et prévenir les mortinaissances. La République-Unie de Tanzanie a ouvert 30 nouvelles unités de soins pour les nouveau-nés, tandis que le Ghana, le Malawi, le Pakistan et la Sierra Leone font également des progrès.
Nous avons parcouru un long chemin en matière de mortalité maternelle et infantile, mais il nous reste encore un long chemin à parcourir pour atteindre les cibles des objectifs de développement durable. Pour la Journée mondiale de la santé de cette année, nous avons choisi la santé maternelle comme thème, pour attirer l'attention sur la nécessité pour tous les pays et partenaires de travailler ensemble et de prévenir ces décès évitables.
J'en arrive au troisième pilier de notre mission, qui consiste à aider les pays à protéger la santé en prévenant les urgences sanitaires et en intervenant rapidement lorsqu'elles surviennent.
En 2024, nous sommes intervenus dans 50 situations d'urgence classées dans le monde, liées notamment à des conflits, à des épidémies et à des catastrophes naturelles. Nous avons entre autres livré des fournitures d'une valeur de 48 millions USD à 78 pays. Nous avons contribué à endiguer des épidémies de choléra dans 27 des 33 pays touchés, et il ne reste que six pays en phase aiguë. Avec l'appui de l'OMS, le Rwanda a pu maîtriser une flambée de maladie à virus Marburg ; à l'heure où je vous parle, nous intervenons dans le cadre de flambées épidémiques de maladie à virus Marburg en République-Unie de Tanzanie et de maladie à virus Ebola en Ouganda, où le Directeur général adjoint Mike Ryan s'est rendu pour superviser la riposte ; et comme vous le savez, au mois d'août de l'an dernier, j'ai déclaré que les flambées de mpox en République démocratique du Congo et dans d'autres pays d'Afrique constituaient une urgence de santé publique de portée internationale.
Bien que le nombre de cas signalés se soit stabilisé en République démocratique du Congo, l'aggravation de la situation sécuritaire a conduit de nombreux patients à quitter les centres de traitement, augmentant ainsi les risques de transmission. En réponse à la flambée, l'OMS a accordé une autorisation d'utilisation d'urgence aux premiers vaccins et tests de dépistage de la mpox, et mis en place un mécanisme d'accès et d'allocation, qui a coordonné les dons de six millions de doses de vaccin dans 15 pays. Quelque 500 000 doses ont été livrées, et 1,7 million de doses supplémentaires seront bientôt disponibles. Nous avons aussi livré des fournitures à des laboratoires dans 136 pays pour assurer la qualité de leur capacité à diagnostiquer la mpox. Environ 70 000 personnes ont été vaccinées, principalement en République démocratique du Congo. Les ressources limitées dans les pays touchés, qui sont confrontés à de multiples priorités sanitaires concurrentes, ont limité la vitesse et l'ampleur de la vaccination.
L'autre grand volet de l'action d'urgence de l'OMS l'année dernière a consisté à intervenir dans des situations de conflit et d'insécurité dans la bande de Gaza, en Haïti, au Liban, au Soudan, en Ukraine et ailleurs. Nous sommes très heureux de voir que l'accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza tient et nous espérons vivement qu'il se transformera en paix durable. Nos priorités sont de répondre aux besoins sanitaires aigus, de soutenir le fonctionnement des hôpitaux et des établissements de soins primaires, et de transporter les patients à l'intérieur de la bande de Gaza et vers l'extérieur pour des soins spécialisés.
Depuis le début du cessez-le-feu, l'OMS a envoyé 63 camions de ravitaillement, et 30 autres devraient arriver dans les prochains jours. Nous fournissons 60 % des fournitures médicales et 100 % du carburant pour les hôpitaux et les installations des équipes médicales d'urgence. Au total, dans le cadre du conflit, nous avons coordonné le déploiement de 52 équipes médicales d'urgence de 26 organisations, qui ont assuré plus de 2,4 millions de consultations médicales, effectué plus de 36 000 interventions chirurgicales d'urgence et traité près de 86 000 cas de traumatismes. En collaboration avec nos partenaires, nous avons négocié une pause humanitaire et empêché une résurgence de la poliomyélite en vaccinant plus de 550 000 enfants.
Nous ne pouvons qu'espérer que 2025 verra également la fin des conflits au Soudan et en Ukraine. Au Soudan, on estime que 32 000 personnes ont été tuées, 30 % de la population est déplacée et 20 millions de personnes ont besoin d'une aide humanitaire. Je me suis rendu au Soudan en septembre, où j'ai pu observer les effets de la guerre civile et rencontrer les personnes qui en paient le prix. La semaine suivante, j'étais au Tchad, je me suis rendu dans la ville frontalière d'Adré, où j'ai rencontré quelques-uns des 900 000 réfugiés soudanais qui ont fui en quête de sécurité et de nourriture. Ces réfugiés ne représentent qu'une fraction des 122 millions de personnes dans le monde qui ont été forcées de fuir leur foyer.
Dans la bande de Gaza, au Liban, au Soudan, en Ukraine et ailleurs, nous continuons d'assister à des attaques contre les services de santé, qui deviennent une « nouvelle normalité » des conflits. L'année dernière, nous avons vérifié plus de 1500 attaques contre les services de santé dans 15 pays et territoires, qui ont fait 932 morts et 1767 blessés. Il est frustrant de constater que presque personne n'est jamais tenu de répondre de ces violations du droit international. C'est pourquoi, avec nos partenaires, nous avons lancé l'année dernière un nouveau rapport contenant neuf recommandations pour amener les auteurs d'attaques contre les services de santé à rendre des comptes. Nous exhortons les États Membres à mettre en oeuvre ces recommandations.
Bien sûr, les interventions d'urgence ne sont qu'une partie de notre travail. Forte des enseignements de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), l'OMS a renforcé son action dans tous les aspects de la prévention, de la préparation et de la riposte aux situations d'urgence.
Chaque jour, nous scrutons le monde pour détecter toute menace pour la santé publique. L'an dernier, nous avons évalué plus de 1,2 million de signaux potentiels ; et par l'intermédiaire du Centre d'information de l'OMS sur les pandémies et les épidémies, situé à Berlin, nous aidons les pays à renforcer leurs capacités de surveillance génomique. Le Réseau international de surveillance des agents pathogènes, créé en 2023, compte aujourd'hui 230 organisations dans 85 pays. Nous avons aidé 19 pays à réaliser des évaluations extérieures conjointes, et 21 autres sont prévues pour cette année. Trois pays ont mené à bien des études pilotes dans le cadre de l'examen universel de l'état de santé et de préparation.
Outre ces activités générales de préparation, nous aidons également les pays à se préparer à des menaces spécifiques, notamment le virus Ebola. Les flambées de maladie à virus Ebola sont souvent alimentées par la transmission nosocomiale, c'est pourquoi, avec Gavi, l'Alliance du Vaccin, nous avons vacciné 150 000 agents et agentes de santé dans six pays contre la maladie à virus Ebola - première intervention de ce type en dehors d'une riposte à une épidémie - afin de prévenir toute flambée future. Nous avons également appuyé la vaccination de 53 millions de personnes contre la fièvre jaune dans cinq pays. D'autre part, nous avons surveillé de près la propagation préoccupante de la grippe aviaire parmi les vaches laitières aux États-Unis d'Amérique.
Par l'intermédiaire du Système mondial OMS de surveillance de la grippe et de riposte (GISRS), nous avons facilité le partage de plus de 100 échantillons de grippe zoonotique avec les centres collaborateurs de l'OMS l'année dernière, et téléchargé 525 séquences génétiques de la grippe aviaire dans des bases de données accessibles au public. Nous avons en outre recommandé neuf nouveaux virus grippaux vaccinaux candidats, disponibles aux fabricants à l'échelle mondiale pour la production de vaccins en cas de pandémie de grippe.
Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues et amis, chères collègues et amies, toutes ces activités visant à promouvoir, à garantir et à protéger la santé sont appuyées par nos efforts aux trois niveaux de l'Organisation dans le cadre des quatrième et cinquième priorités du quatorzième programme général de travail : démultiplier les progrès et être efficace au bénéfice de la santé, grâce à la science, aux technologies numériques, aux données et à notre transformation en cours.
L'année dernière, nous avons procédé à un examen de notre transformation, pour voir ce qui a fonctionné et ce qui n'a pas fonctionné. Sur la base de cet examen, nous avons redéfini les priorités de la transformation et l'avons alignée sur les priorités du quatorzième programme général de travail. L'une des réussites de la transformation a été la création de la Division des sciences.
Le travail normatif de l'OMS est son pain quotidien, et la Division des sciences nous aide à faire en sorte que nous fournissions aux États Membres des conseils de la plus haute qualité et fondés sur des données factuelles le plus rapidement possible. L'année dernière, les publications, orientations et autres documents de l'OMS ont été téléchargés 65 millions de fois. Nous avons lancé de nouvelles lignes directrices importantes sur la grippe aviaire, l'intelligence artificielle, le sevrage tabagique, le diagnostic de la mpox et bien d'autres sujets encore.
À partir de cette année, nous alignons nos lignes directrices et notre travail normatif sur la préqualification, ce qui signifie que lorsque nous préqualifierons un produit, nous publierons en même temps des lignes directrices sur la façon de l'utiliser. Cela permettra d'assurer plus rapidement un accès équitable à des interventions éprouvées et d'augmenter les investissements des secteurs public et privé, car les systèmes deviendront plus transparents et prévisibles, achevés dans un délai de 12 mois.
Le premier produit concerné par cette nouvelle procédure sera le lénacapavir, un nouveau médicament prometteur pour le traitement et la prévention du VIH. Bien que la mise au point d'un véritable vaccin contre le VIH reste encore une perspective lointaine, le lénacapavir est ce qui s'en rapproche le plus dans la mesure où il s'agit d'un nouvel antirétroviral injectable administré tous les six mois, dont il a été démontré qu'il prévient la quasi-totalité des infections par le VIH chez les personnes à risque. Nous avons lancé en parallèle les procédures d'élaboration des lignes directrices et de préqualification, ce qui permettra de déployer rapidement ce produit, probablement au cours du premier semestre de cette année.
Sur un autre plan, la santé numérique, qui renforcera dans un avenir très proche les systèmes de santé de tous les pays, a bénéficié d'une attention croissante, ce qui constitue une autre des réussites du programme de transformation. L'année dernière, le Réseau mondial de certification sanitaire numérique a permis à l'Indonésie, à la Malaisie et à Oman de publier le résumé international du dossier médical pour 250 000 personnes prenant part au Hajj en 2024, à l'appui des soins d'urgence pour 78 % des dossiers numérisés. Le Réseau couvre aujourd'hui 82 pays, au bénéfice de près de deux milliards de personnes. Je remercie l'Union européenne pour l'appui apporté à cette initiative.
Pour réussir notre transformation, nous avons également mis l'accent sur les données. Nous avons créé le Centre mondial de données sanitaires pour que les données de santé soient en permanence accessibles à toutes et à tous, en s'appuyant sur les technologies numériques, y compris l'intelligence artificielle. Tous les pays du monde accèdent désormais au Centre, qui fournit un moyen sécurisé et normalisé pour améliorer la transparence et la responsabilisation, ainsi que pour aller de l'avant.
Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues et amis, chères collègues et amies, comme vous le savez, il y a deux semaines, le Président Donald Trump a signé un décret annonçant l'intention des États-Unis d'Amérique de se retirer de l'OMS. Nous regrettons cette décision et nous espérons que les États-Unis d'Amérique reconsidéreront leur position. Nous souhaiterions pouvoir engager un dialogue constructif pour préserver et renforcer la relation historique qu'entretiennent l'OMS et les États-Unis d'Amérique, qui a contribué à obtenir des résultats significatifs comme l'éradication de la variole. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.
Dans le décret, quatre raisons sont évoquées pour expliquer la décision de se retirer de l'OMS.
La première laisse entendre que l'OMS « n'est pas parvenue à adopter les réformes qu'il était urgent de mener ». Comme les membres du Conseil le savent, au cours des sept dernières années, l'OMS a mis en oeuvre les réformes les plus poussées et les plus vastes de son histoire, sous la direction et la gouvernance des États Membres. La transformation de l'OMS a touché tous les aspects de notre travail : notre stratégie, notre modèle opérationnel, nos processus, nos partenariats, notre financement, nos personnels et notre culture.
Nous avons également pris des initiatives en vertu des recommandations du Groupe de travail des États Membres à fonctionnement souple sur le renforcement de la gouvernance budgétaire, programmatique et financière de l'OMS. Nous avons mis en oeuvre 85 des 97 réformes proposées dans le Plan de mise en oeuvre de la réforme établi par le Secrétariat. Nous appliquons en outre les recommandations du Groupe d'action pour l'obtention de résultats, dirigé par des représentantes et représentants de l'OMS, afin de renforcer nos bureaux de pays.
Pour nous, les choses changent en permanence. C'est exactement ce que nos États Membres nous ont dit lorsque nous avons lancé la réforme : « le changement est constant ». Nous croyons en l'amélioration continue, et les suggestions des États-Unis d'Amérique et de tous les États Membres sur la manière dont nous pourrions mieux vous servir, vous et les populations du monde entier, sont les bienvenues. Ainsi, même si les réformes sont nombreuses, toutes suggestions sont les bienvenues.
En deuxième lieu, le décret indique que l'OMS « exige des États-Unis d'Amérique une contribution injustement élevée, disproportionnée par rapport à celle des autres pays ». Les États Membres connaissent le mode de calcul des contributions fixées, et vous savez que certains pays choisissent de verser des contributions volontaires plus élevées que d'autres.
L'un des principaux axes de la transformation visait à remédier au déséquilibre entre les contributions fixées et les contributions volontaires, et à réduire la dépendance excessive de l'OMS vis-à-vis de quelques bailleurs de fonds. En effet, lorsque le programme de transformation a été lancé, cette dépendance a été considérée comme un risque. Il y a sept ans, nous avons donc décidé d'élargir la base des bailleurs de fonds.
La semaine dernière, le Comité du programme, du budget et de l'administration a recommandé une augmentation de 20 % des contributions fixées, et nous prions le Conseil d'approuver cette recommandation. Il s'agit d'un élément essentiel de notre plan à long terme visant à élargir notre base de donateurs, ce qui permettra d'alléger progressivement la charge du financement pour les bailleurs de fonds habituels, dont font partie les États-Unis d'Amérique. C'est pourquoi nous continuons de demander à tous les États Membres, y compris aux États-Unis d'Amérique, de nous soutenir et de se mobiliser en faveur de notre objectif commun, qui est d'améliorer la stabilité financière de l'OMS.
En troisième lieu, le décret fait référence à la prétendue « mauvaise gestion de la pandémie de COVID-19 et d'autres crises sanitaires mondiales » par l'OMS. Le 30 janvier 2020, j'ai déclaré une urgence de santé publique de portée internationale ; cela a donc fait cinq ans la semaine dernière. À ce moment-là, en dehors de la Chine, il y avait moins de 100 cas signalés, et aucun décès notifié. Le dernier jour de l'année 2019 et le premier jour de l'année 2020, alors que les vacances étaient à l'ordre du jour pour beaucoup de monde, l'OMS était au travail.
Dès l'instant où nous avons détecté les premiers signaux d'une « pneumonie virale » à Wuhan, nous avons demandé plus d'informations, activé notre système de gestion des incidents, alerté les autorités du monde entier, convoqué des expertes et experts mondiaux, et publié des orientations exhaustives à destination des pays sur la manière de protéger leur population et leur système de santé. Nous avons fait tout cela avant même que le premier décès dû à cette nouvelle maladie soit notifié en Chine le 11 janvier 2020.
Bien sûr qu'il y a eu des difficultés et des défaillances. D'ailleurs, de nombreux examens indépendants ont été menés sur la riposte mondiale à la COVID-19, donnant lieu à plus de 300 recommandations pour remédier à ces difficultés et à ces défaillances. En réponse à ces recommandations, l'OMS et ses États Membres ont mis en place de nombreux dispositifs pour renforcer la sécurité sanitaire mondiale : le Fonds de lutte contre les pandémies ; le Centre d'information de l'OMS sur les pandémies et les épidémies ; le Centre de transfert de technologie pour les vaccins à ARNm ; le Centre mondial de formation en biofabrication ; le Corps mondial pour l'action sanitaire d'urgence ; le Réseau intérimaire de contre-mesures médicales ; et bien d'autres encore. C'est le bilan tiré de toute cette expérience qui a permis de mettre en place ces dispositifs. En outre, comme je l'ai dit plus tôt, les États Membres se sont engagés à conclure les négociations concernant l'Accord sur les pandémies à temps pour l'Assemblée mondiale de la Santé de cette année.
Enfin, le décret affirme que l'OMS est « incapable de faire preuve d'indépendance vis-à-vis de l'influence politique déplacée » de ses États Membres. En tant qu'organisme des Nations Unies, l'OMS est impartiale et au service tous les pays et de chacune et chacun. Les demandes de nos États Membres sont multiples, et nous essayons toujours de leur apporter notre aide dans la mesure du possible. Mais lorsque ce qu'ils demandent n'est pas étayé par des éléments de preuve scientifiques, ou que cela est contraire à notre mission d'appui à la santé mondiale, nous disons poliment non. Et vous m'avez vu le faire à maintes reprises. Comme les États Membres le savent, des pays de tous les niveaux de revenu et de toutes les Régions ont reçu des réponses négatives.
Mesdames et Messieurs les Ministres, chers collègues et amis, chères collègues et amies, avant même l'annonce des États-Unis d'Amérique, l'OMS faisait face à un déficit de financement en raison des difficultés économiques auxquelles sont confrontés de nombreux pays. Pendant de nombreux mois, les Directrices et Directeurs régionaux et moi-même avons cherché des solutions, avec l'appui de la haute direction et un double objectif stratégique : mobiliser de nouvelles ressources et nous serrer la ceinture.
L'annonce des États-Unis d'Amérique a aggravé la situation, et nous avons annoncé une série de mesures avec effet immédiat pour protéger notre action et nos personnels dans toute la mesure du possible : nous procédons à un alignement stratégique des ressources avec les activités ; nous suspendons les recrutements, sauf dans les domaines absolument essentiels ; nous réduisons considérablement les frais de déplacement ; et nous cherchons à renégocier les principaux contrats d'approvisionnement et à réduire les dépenses d'équipement. D'autres mesures seront annoncées en temps voulu.
Notre objectif premier est de protéger notre principal point fort : nos personnels. Il s'agit de professionnelles et professionnels dévoués et talentueux qui travaillent aujourd'hui dans le monde entier pour aider les personnes au chevet desquelles se porte l'OMS afin qu'elles respirent un air plus pur, qu'elles mangent plus sainement, qu'elles boivent de l'eau plus salubre et qu'elles roulent sur des routes plus sûres. Ces professionnelles et professionnels s'efforcent d'aider les gens à obtenir les services et les produits de santé sûrs et de qualité dont ils ont besoin, où et quand ils en ont besoin, sans se soucier de leur coût. Leur action vise également à endiguer les épidémies et à fournir des soins susceptibles de sauver des vies dans les situations les plus difficiles et les plus dangereuses.
En bref, il s'agit de professionnelles et professionnels qui s'engagent à promouvoir la santé, à fournir des services de santé et à protéger la santé. C'est une fierté pour moi d'être leur collègue. Ensemble, nous restons fidèles à la vision qui vous a guidés vous, nos États Membres, il y a près de 77 ans : le meilleur état de santé que tout être humain est capable d'atteindre - non pas comme un luxe accessible à seulement quelques-unes et quelques-uns, mais comme un droit pour toutes et tous. Je vous remercie.