Ile Maurice: « Le pont SAJ est l'une des raisons de la congestion routière vers Port-Louis »

interview

Cette semaine, l'invité de l'émission Décryptage était ministre des Transports terrestres, Osman Mahomed. Fraîchement élu, ce dernier se retrouve avec plusieurs gros dossiers dont les accidents de la route, l'introduction du permis à points, le Metro Express et sa dette colossale.

Comment abordez-vous ce nouveau rôle ?

J'ai découvert le lendemain même de la prestation de serment que c'est un ministère très important, car tout le monde voyage dans ce pays. C'est un ministère avec deux regulatory bodies, dont la National Land Transport Authority (NLTA), qui contrôle 720 000 véhicules, ce qui est beaucoup et qui augmente chaque année. L'année dernière, il y a eu presque 34 000 nouveaux véhicules sur nos routes. Il y a aussi un deuxième regulatory body, le Traffic Management and Road Safety Unit (TMRSU), qui veille sur tout ce qui est accident routier et sécurité routière.

Il y a aussi deux compagnies, dont la National Transport Corporation (CNT), qui transporte plus de 140 000 personnes en bus avec plus de 2 300 employés. C'est une compagnie qui bénéficie du soutien du gouvernement. Et la dernière arrivée, c'est Metro Express Limited (MEL). Car le projet était géré au bureau du Premier ministre. Ce n'est que récemment qu'il est arrivé au ministère. C'est un département qui gère beaucoup d'argent de l'État. Il y a cinq grandes compagnies de bus mais aussi beaucoup de bus individuels en coopératives.

Avec beaucoup de dossiers comme le Métro Express, vous avez hérité beaucoup de dettes. Comment allez-vous gérer cette dette énorme?

Le Métro Express est un projet du Parti travailliste avant les élections de 2014, où le MSM s'était engagé à ne pas le faire. Je connais ce projet et son importance, car j'étais en charge du projet Maurice Île Durable et le métro rentre dans le projet Sustainable Transport. Une de mes premières questions posées le 24 février 2015 au ministre d'alors, Nando Bodha, était la question B84 sur le nombre de consultations sur ce projet. Après un long débat, la réponse fut que le projet avait été mis au tiroir. Je n'ai pas cessé, car je croyais en ce projet. Le 17 mai 2016, question B425, j'ai posé une autre question pour demander s'il y avait eu une long-term analysis. Il répond pour dire qu'avec les négociations qu'ils ont avec le gouvernement indien, le projet est reconsidéré et c'est là que le métro revient à l'avant. J'ai toujours dit que je suis d'accord sur le métro sur le fond, mais pas sur la forme, car c'est quand ils ont modifié la forme du projet qu'il y a eu des problèmes par la suite.

Quel genre de problème ?

La congestion routière, des problèmes d'inondations comme au cimetière de St-Jean. Avant le métro, il n'y avait pas de problème à St-Jean. Ce n'était pas inondé. Il y a aussi des problèmes à Gros Cailloux et au Caudan. Néanmoins, nous devons être reconnaissants envers le gouvernement indien, car quand nous avons renégocié avec eux, c'est là que nous avons obtenu le métro. Si le gouvernement indien ne nous avait pas accordé ce grant, aujourd'hui, la dette du Métro Express aurait été encore plus élevée. Initialement, elle devait être de Rs 18 milliards, mais le grant obtenu a permis de réduire cela de moitié. C'est un projet bien fait au niveau des infrastructures. Nous avons fait venir une compagnie anglaise, Cross Rail International, à Maurice. Il faut améliorer le management. On ne peut pas avoir une compagnie qui transporte autant de personnes par jour, surtout aux heures de pointe, et qui fait des pertes de Rs 300 millions par an. Il y a beaucoup de dépenses et pas assez de revenus. On doit revoir cela et réduire ce déficit.

On va vers une hausse du prix du ticket de métro ?

Il est un peu trop tôt pour se prononcer. Je dois néanmoins dire que si vous voyagez par bus, le ticket est plus cher que celui du métro. Le ticket du métro est au même prix qu'un bus normal et ce n'est pas logique. Voyez les bus Blue Line avec l'air conditionné, ce n'est pas gratuit. Appliquons cette logique au métro, cela augmentera son revenu. C'est aux heures de pointe que nous avons besoin du métro, car dans ce corridor Curepipe-Port-Louis, c'est une densely populated area. Si tout le monde voyage par métro pour aller travailler vers Port-Louis ou Ébène, cela devrait réduire la congestion. Aujourd'hui, la route vers Port-Louis connaît plus de congestion qu'auparavant.

C'est dû au fait qu'il y a plus de véhicules ?

Pas seulement. La construction du SAJ Bridge a détourné du trafic de la côte ouest vers l'autoroute, augmentant ainsi la circulation sur la M1. Une des solutions pour réduire la congestion serait d'ouvrir l'aile qui mène vers Réduit, où il y a trois voies. C'est à l'étude. À long terme, tout le trafic allant vers Port-Louis devra passer par un autre chemin, comme la Ring Road ou le Harbor Bridge.

Et pourquoi pas le fait que les gens achètent plus de véhicules aussi, non ?

Oui, c'est un débat perpétuel au sein du gouvernement. Nous pensons qu'il faut réduire le nombre de véhicules, mais le ministère des Finances d'avant pensait différemment. Tant que les voitures se vendent, il y a des revenus.

Quid des bus ? Il y a beaucoup de problèmes, surtout avec les bus individuels qui font leur propre loi et abandonnent les personnes âgées aux arrêts. D'où proviennent ces lacunes ?

C'est le système qui n'a pas fonctionné, et je l'ai dit aux officiers de la NLTA, qu'ils doivent travailler plus méthodiquement. J'ai fait un exposé particulier récemment au Parlement et j'ai même demandé un temps additionnel à la speaker. Il y a un Fleet Management System que nous voulons mettre en place. C'est un appareillage GPS que nous installons dans un bus, avec un écran qui se trouve à la NLTA, cela nous permet de savoir où se trouve un bus à tout moment.

Si un bus bénéficie des facilités financières du gouvernement, mais qu'il ne fait pas ses trajets, cela représente une fraude importante. En chiffres, cela représente environ Rs 2,5 milliards par an. Nous avons décidé de renforcer l'équipe d'inspecteurs qui effectuent des contrôles sur la route. L'ancien gouvernement avait recruté beaucoup de MSO, soit 1 500. Nous allons les utiliser, les former et les payer pour qu'ils aillent sur le terrain contrôler les bus jusqu'à l'arrivée du Fleet Management System.

À l'heure actuelle, combien coûte le transport gratuit ?

Cela coûte environ Rs 2 000 par jour par autobus ainsi que Rs 9 000 par jour pour le diesel, ce qui est beaucoup.

Pourtant, il y a toujours des personnes âgées, par exemple, qui sont laissées sur la route par ces bus qui ne les transportent pas sous prétexte qu'elles ne paient pas...

Je vous assure qu'au niveau du gouvernement, nous faisons tout pour qu'elles bénéficient d'un service adéquat, mais nous avons eu des cas où des opérateurs de bus ne respectaient pas leurs obligations.

Les travailleurs du transport aussi rencontrent des problèmes, comme les passagers qui ne payent pas ou les agressions dont ils font l'objet.

À long terme, on va imposer des caméras dans tous les bus. Ça demande une grande ressource financière, mais on va le faire pour la sécurité des travailleurs du transport et du public.

Et la CNT et sa gestion justement. Cela se passe comment car cette compagnie est souvent sous les feux des projecteurs ?

La CNT est une surprise extraordinaire. C'est une compagnie dont la loi oblige à soumettre des comptes audités. La dernière fois qu'elle l'a fait, c'était en 2015. Donc, de 2016 à 2024, il n'y a pas eu de soumission. On ne connaît pas sa situation financière réelle. Ça a créé un environnement malsain et d'ailleurs, l'ancien directeur général de la CNT fait le va-et-vient à la FCC. J'avais posé une question sur les bus Yutong au Parlement. J'avais eu des renseignements que ces bus restent au garage, car ils ont beaucoup de problèmes. À l'époque, le speaker m'avait empêché de poser la question brutalement. Aujourd'hui, la CNT n'est pas capable de donner un bon service car les bus restent au garage à cause d'un mauvais entretien.

Et la question parlementaire sur les abus des bus desservant St-Hubert ?

Nitin Jeeha, un conseiller de village, c'est une personne à qui j'ai demandé pourquoi il avait fait une grève de la faim sur les bus. Il m'avait dit qu'il a des enfants qui vont à l'école et qui souffrent par ce système de bus. On a fait un travail forensique. Ashley Ramdass et ses deux colistiers sont venus dans mon bureau. On a parlé et on a vu que le système n'a pas changé. On a eu des informations sur les bus en question et leurs absences.

Le directeur de la NLTA était dans mon bureau et je lui ai dit de me donner la feuille de paye. Quand on a eu ces éléments, on a vu que ces bus étaient absents et ont été payés. On a encouragé Nitin Jeeha à aller de l'avant avec une plainte à la police pour qu'on puisse aussi agir en parallèle. J'encourage les personnes qui rencontrent des problèmes de bus à nous rapporter cela et nous allons casser ce système. Si une personne achète un bus de seconde main à Rs 2 millions, obtient une Road Service Licence et garde son bus au garage, c'est beaucoup ce qu'il va réclamer sous ce système qui le protège.

Pour casser ce système, il faut plus de volonté ?

À long terme, le Fleet Management System, comme j'ai dit.

Et si un propriétaire de bus individuel refuse de mettre ce fameux GPS ?

Just too bad. S'il refuse, il devra faire autre chose avec son bus, comme un contract bus, s'il obtient la licence.

Vous aviez parlé de revoir le recrutement des receveurs ?

La NLTA à un contrôle dessus, surtout concernant les receveurs.

La NLTA maintenant. On parle de perte de temps pour refaire la déclaration, «met lake enn zourne». Comment revoir cela ?

Pour la déclaration, il y avait une proposition pour que ça se fasse en ligne. Quand je suis arrivé au ministère, j'ai rencontré des personnes qui m'ont dit que la semaine suivante, ce paiement se fera en ligne. Ils m'ont dit que c'est un problème, car ils ne savent pas comment le faire en ligne. Il y a aussi des personnes qui n'ont pas de smartphones. J'ai amené un papier au Parlement pour postpone cette décision qui allait être obligatoire à partir du 2 décembre jusqu'au 30 juin.

Pour le moment, le paiement se fait à la poste, jusqu'à ce que nous travaillions sur l'enregistrement en ligne. Il y a trois choses que j'ai faites : j'ai coprésidé avec le ministre des TIC qui assiste les ministères pour bouger vers l'informatique, soit Online Registration. Ensuite le revamping du NLTA IT System, qui est assez vieux. Finalement, la digitalisation des services de la NLTA, car il y a un manque à gagner à ce niveau, puisque le système n'est pas assez informatisé. À long terme, nous voulons faire de la NLTA un système comme celui de la MRA.

Et les véhicules électriques ?

Oui, il y a plusieurs débats là-dessus. Déjà, la CNT aura 100 bus électriques par un don du gouvernement indien. Il y a ce débat de l'environnement aussi et c'est vrai qu'un bus ne pollue pas sur la route. Mais on doit faire usage de charbon. On va vers les transports électriques à la CNT.

La réglementation autour des tailles des «kanwars» pour Maha Shivaratree et la photo qui circule sur les réseaux aussi. Comment ça va se passer ces réglementations ?

Beaucoup de personnes doivent se dire : pourquoi moi ? C'est parce que la loi vient de mon ministère. Le Premier ministre avait présidé un premier task force donnant des instructions sur les kanwars ou autres processions religieuses qui ne doivent pas dépasser 3 m de hauteur. Que ce soit sur un camion, sur les épaules ou sur des roues, une structure ne doit pas faire plus de 3 mètres. J'étais invité dans ma circonscription l'autre jour, et le même jour, une maman nous avait écrit pour dire que ses enfants construisaient des kanwars énormes.

Avant le dîner, j'ai vu les kanwars. At one glance, j'ai vu que c'était très haut. Ils m'ont dit que non, ça faisait 2,75 m. J'ai dit non, parce qu'une fois qu'ils vont mettre cela sur leurs épaules, ça va dépasser les 3 m. C'est là que j'ai mesuré pour lui montrer. Je dois dire que, sur cette mini-polémique, les informations sont sorties. Il faut respecter ces dimensions et pas de générateurs, seulement une batterie de 12 volts. J'encourage aussi le port de gilets réfléchissants.

Donc : Pas plus de 2 mètres de large; pas plus de 5,5 mètres en longueur ; pas plus de 3 mètres en hauteur pour les kanwars sur la route.

Dans quel état d'esprit gérez-vous tous ces dossiers ?

Je suis passionné par ce domaine. Avec la collaboration de tout le monde, on va réussir.

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