Alors que 70 % de l'aide humanitaire qui lui est versée provient des États-Unis, la RDC est l'un des pays chez qui la récente décision prise par Donald Trump de geler les fonds américains destinés au développement se fait le plus durement sentir, notamment dans l'Est en proie à un violent conflit. Pour les ONG congolaises qui en dépendent, le coup est rude et leur mise à l'arrêt obligatoire très difficile à accepter.
En proie à une importante crise humanitaire depuis déjà plusieurs années, l'est de la RDC a vu sa situation encore empirer avec les violents combats qui ont précédé l'occupation de Goma par le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda, ces dernières semaines. Avec près de 3 000 morts, autant de blessés et 700 000 personnes déplacées dans le chef-lieu du Nord-Kivu au mois de janvier selon les Nations unies, le bilan humain dans la région est dramatique.
Mais alors qu'elles craignaient que les très importantes dégradations matérielles également provoquées par les affrontements ne compliquent leur travail, les ONG qui opèrent sur place ont vu leurs inquiétudes renforcées par un autre événement survenu bien loin de là, à Washington, lundi 20 janvier : la suspension par Donald Trump de toute l'aide internationale des États-Unis. Une aide qui, avec près d'un milliard de dollars, a représenté environ 70 % de celle versée à la RDC en 2023 et dont l'interruption sans préavis va bien sûr avoir d'innombrables conséquences.
« Je suis très, très en colère !, réagit ainsi Augustin Karume, cadre dans une association de Bukavu, au Sud-Kivu, une région elle aussi touchée par de violents combats. Je pose la question : là où, par exemple, on a commencé à construire des latrines, où la fosse a déjà été creusée et où l'on est en train de poser la superstructure, on arrête tout ? Parce que si elles ne sont pas couvertes, ces latrines ne seront jamais utilisées... Ce ne serait rien d'autre que de l'argent de l'USAID jetée par la fenêtre ! », poursuit celui-ci, agacé.
Une suspension aux « conséquences immédiates et assez dramatiques »
Coordinateur du Forum des ONG nationales, le CONAFOHD, qui regroupe plus de 500 organisations, le Dr de Joseph Kakisingi confirme, lui, que les coupes auxquelles ces dernières ont déjà été contraintes à cause de la suspension de l'aide américaine ont des « conséquences immédiates et assez dramatiques. Des organisations qui faisaient des distributions dans des camps de déplacés ont dû tout arrêter, si bien que les gens qui en dépendaient ne savent plus quoi faire. Des organisations qui approvisionnaient des hôpitaux en médicaments ont dû interrompre leurs livraisons. Certains programmes de lutte contre la tuberculose, le paludisme ou le VIH ne peuvent plus continuer, ce qui met des vies en danger. Alors que la situation est déjà complexe, cet arrêt brutal de l'aide américaine est catastrophique », témoigne celui-ci.
« Ce qu'on redoute, c'est une catastrophe humanitaire liée non seulement à la situation, mais aussi à la difficulté d'y répondre tant du fait des conditions sécuritaires que de la difficulté d'avoir accès aux populations [...] avec, en plus de cela désormais, des incertitudes majeures sur le financement » des ONG, renchérit Luc Lamprière. Joint par notre correspondante à Kinshasa, Paulina Zidi, il est le directeur du Forum des ONG internationales, une plateforme qui regroupe 124 organisations internationales impliquées en RDC.
Il est très important que l'aide américaine soit maintenue et que les acteurs humanitaires aient une bonne visibilité sur ce qu'il va se passer.