Certaines déplorent devoir «sakouy zot soutien gorz kan pe rantre» et «montrer leurs sous-vêtements sales» après leur service de nuit
· Abus, manquements et climat de tension dénoncés
Depuis plusieurs mois, des incidents alarmants sont rapportés à la prison des femmes de BeauBassin, mettant en lumière des abus, des manquements aux procédures et un climat de travail oppressant pour les gardiennes. Les témoignages recueillis auprès du personnel de la prison dressent un tableau préoccupant de la situation actuelle.
En décembre, une fouille générale a été effectuée dans les blocs des détenues, notamment dans le yard 2, où sont incarcérées les prévenues. Au cours de cette opération, une seringue, une substance suspectée d'être de la drogue synthétique et un petit papier blanc ont été découverts dans des boîtes et sacs appartenant aux détenues.
Cependant, selon les informations recueillies, au lieu d'informer la police et de lancer une enquête, comme l'exige la procédure, un haut gradé de la prison s'est contenté de rédiger un rapport interne. Cette décision soulève de nombreuses interrogations parmi les employés de l'établissement.
«Pourquoi ces découvertes n'ontelles pas été signalées à la police ? Qu'est-il advenu de ces éléments de preuve ? Pourquoi la détenue concernée a-t-elle été placée sous sanction disciplinaire sans intervention policière préalable ?», s'interrogent des gardes-chiourmes. Ces omissions compromettent non seulement la transparence, mais aussi la crédibilité de la gestion de l'établissement, dénoncent d'autres.
De plus, les fouilles corporelles imposées aux gardiennes à la fin de leur service sont vécues comme profondément humiliantes. Certaines déplorent devoir «sakouy zot soutien gorz kan pe rantre» et «montrer leurs sous-vêtements sales» après leur service de nuit, une situation jugée dégradante et embarrassante. «Aux gardiennes, on impose des fouilles, mais pour les détenues, zot kouver. Lorsqu'on trouve des objets illicites chez elles, aucune affaire n'est transmise à la police», ajoutent-elles.
Le climat de travail au sein de la prison est également décrié. Plusieurs gardiennes dénoncent un harcèlement quotidien et des abus de pouvoir. Elles expliquent que l'une de leurs collègues, soupçonnée d'irrégularités, est autorisée à n'effectuer que des gardes de nuit à l'Open Prison. «Elle fait déjà l'objet d'une enquête administrative. Quand on dénonce ouvertement ces pratiques, on est persécutées», affirme une garde-chiourme avec plusieurs années de service.
D'autres gardiennes sont soumises à des horaires plus contraignants, travaillant les week-ends, tandis que certaines protégées bénéficient de congés consécutifs, y compris deux dimanches à la suite. Ces disparités nourrissent un profond sentiment d'injustice au sein du personnel.
En janvier, des détenues étrangères impliquées dans des affaires de drogue ont organisé une grève de la faim et refusé de réintégrer leurs cellules, provoquant des tensions dans l'établissement. Alors que certaines gardiennes tentaient de gérer la situation, d'autres auraient été aperçues en train de boire du café et de manger dans la cour, sans prêter assistance à leurs collègues. L'administration pénitentiaire a été vivement critiquée pour sa réaction : les détenues grévistes auraient obtenu des modifications de leur menu, notamment l'ajout de macaroni, sans qu'aucun rapport officiel ne soit rédigé sur les événements.
Un haut gradé de la prison est également pointé du doigt pour des comportements abusifs envers les gardiennes. Il aurait harcelé celles qui refusaient de lui offrir un lift pour rentrer chez lui, allant jusqu'à les maudire et leur adresser des insultes.
Par ailleurs, une boîte à plaintes, censée permettre aux officiers de signaler anonymement des abus, a été déplacée devant une caméra de surveillance, compromettant ainsi la confidentialité des dénonciations. Cette mesure est perçue comme une tentative de dissuasion et un manque de respect envers les droits du personnel.
Certaines gardes-chiourmes, lassées de subir un climat toxique, ne savent plus vers qui se tourner. Elles réclament des réformes urgentes tant sur les conditions de travail que sur la gestion des détenues. Elles insistent sur la nécessité d'une enquête approfondie et de mesures correctives immédiates face aux abus signalés, qu'il s'agisse des fouilles, de la gestion des substances illicites ou du harcèlement interne.
Nous avons tenté d'obtenir la version d'un haut gradé de la prison afin de recueillir sa réaction face aux allégations formulées par les gardes-chiourmes, mais il refuse tout commentaire, pour l'instant.