Le pays est en tête des six pays africains identifiés par l'United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC) pour la consommation de drogues synthétiques et classé septième sur 193 pays membres. Le Kolektif 420 mise sur la légalisation du cannabis après une lutte acharnée de deux mois contre les drogues de synthèse. En voyage en Thaïlande, où la légalisation du cannabis a été récemment votée, Jameel Peerally vante les mérites de ce modèle. Il nous en dit aussi plus sur la théorie de l'escalade, sur laquelle certains sceptiques se sont appuyés.
Vous prêchez dans le désert depuis un moment déjà. Marche pacifique, conférences de presse et sensibilisation...Le collectif que vous avez créé tente depuis des années de se faire entendre, mais vos revendications sont restées lettre morte. Pourtant, vous n'avez jamais abandonné le combat. Vous essayez de sensibiliser les Mauriciens sur l'expérience thaïlandaise et le cannabis.
En effet, je suis en Thaïlande depuis deux mois et demi. Je vais vous expliquer quel rapport ce pays entretient avec le cannabis. Tous les Thaïlandais peuvent vendre du cannabis. N'importe qui peut en cultiver. Il suffit d'envoyer un e-mail pour obtenir un permis, qui n'est pas cher à obtenir ! 1,1 million de Thaïlandais se sont inscrits pour obtenir une licence de culture de cannabis et plus de 6 000 dispensaires ont vu le jour dans tout le pays. Cela fait un an et demi que la légalisation à usage récréatif de la marijuana a été votée. Le cannabis est interdit aux moins de 20 ans et aux femmes enceintes. Il faut consommer dans des endroits spécifiques, comme des coffee-shops. On ne peut pas fumer où l'on veut et déranger les autres. Et je suis d'accord avec ça !
Cette décision pourrait bientôt être remise en question par le régime actuel. Le gouvernement conservateur, issu des élections législatives de mai dernier, envisage de revenir en arrière en interdisant purement et simplement l'usage récréatif du cannabis, ne le limitant qu'à des fins médicales.
Non, ce ne sera pas possible. Le marché du cannabis a généré environ 45 milliards de bahts et devrait atteindre 75 milliards cette année. Les coffee-shops de Bangkok sont remplis en permanence. Avec la puissance de cette industrie, son taux de création d'emplois et les revenus générés, revenir en arrière serait très compliqué.
Est-ce une bonne chose pour un pays de créer une industrie aussi forte alors que les avis sur la légalisation du cannabis restent partagés ?
De nombreux jeunes Thaïlandais sont devenus millionnaires grâce à cette industrie. Les champs de cannabis et les coffee-shops se multiplient. L'économie en bénéficie : les hôtels sont pleins, la culture et la vente de cannabis créent de la richesse. Les Mauriciens pourraient aussi en profiter si la culture et la vente de cannabis devenaient légales. De quels dangers parle-t-on ? Le cannabis ne transforme pas les gens en zombies, ne pousse pas à la violence conjugale, ne provoque pas d'overdoses ni de diabète. Cependant, je suis d'accord pour interdire l'usage récréatif à un certain âge, car le cerveau continue de se développer jusqu'à 20-21 ans.
Certains défenseurs du statu quo parlent de la théorie de l'escalade. Cette théorie prohibitionniste affirme que l'usage d'une drogue considérée comme peu addictive conduit inévitablement à la consommation de substances plus dangereuses.
Psychiatre spécialisé en pharmacologie et en addictologie, Nicolas Authier souligne qu'à l'exception notable du tabac, seule une minorité des usagers développe une dépendance. L'usage régulier augmente le risque d'addiction, mais ce risque concerne surtout ceux qui consomment pour soulager une souffrance physique ou psychologique. J'ai des amis qui fument du cannabis depuis très jeunes et qui n'ont jamais essayé autre chose. Certains iront vers des drogues plus dures, qu'ils aient commencé par le cannabis ou non. C'est une question de personnalité et de circonstances, pas une conséquence directe du cannabis.
Le combat pour la légalisation est revenu sur le devant de la scène en raison de la crise des drogues de synthèse. Maurice est en tête des six pays africains identifiés par l'UNODC pour la consommation de drogues synthétiques et classé septième sur 193 pays. De nombreuses vidéos témoignent de la souffrance des consommateurs et de leurs familles.
La situation n'a jamais été aussi alarmante. Rien n'est sous contrôle ! C'est un échec total. La culture de l'effort a disparu. Beaucoup veulent réussir rapidement avec un minimum d'effort. Je suis allé à Seattle ; j'ai vu les ravages des drogues de synthèse. C'est aussi destructeur que le crack ! À Rs 50 la dose, c'est trop facile de s'en procurer. L'addiction est phénoménale. Croire qu'on peut gagner la guerre contre toutes les drogues, surtout le synthé, qui est à Rs 50, avec la même méthode est une illusion. La légalisation du cannabis va endiguer les drogues de synthèse. Beaucoup d'anciens consommateurs d'herbe se sont tournés vers ces substances parce que le cannabis est devenu trop cher. Zordi pa kapav retourn an aryer!
Les drogues de synthèse sont fabriquées, pour la plupart, sur le sol mauricien. Les composants viennent de l'étranger pour être mélangés dans les laboratoires ici. La police est-elle efficace dans la lutte contre le synthétique ?
On va éviter d'énumérer les composants, même si les trafiquants les connaissent très bien. Certains d'entre eux sont principalement utilisés par des vétérinaires. L'un en particulier, la kétamine, coûterait la bagatelle de Rs 5 millions le kilo. Ne peut-on pas vérifier qui en importe autant ? Et si cela est justifié. La police n'est pas à blâmer. Par contre, je suis convaincu que la lutte contre le synthétique peut être remportée en deux mois. Les autorités gouvernementales et législatives doivent donner les consignes nécessaires tout en offrant les moyens adéquats à ceux qui seront chargés d'appliquer ces décisions.