Afrique Centrale: La situation reste confuse dans l'est de la RDC

12 Février 2025

Le M23 a attaqué les positions des FARDC dans le Sud-Kivu, selon l'armée congolaise. A Goma, une délégation de l'Eglise catholique a rencontré Corneille Nangaa.

Dans un communiqué datant de ce 12 février, le commandant de la troisième zone de défense, le lieutenant-général Pacifique Masunzu, affirme que leM23/AFC et l'armée rwandaise continuent à attaquer les positions occupées par les FARDC.

Le communiqué rappelle que ces offensives violent "les dispositions des accords de Luanda et plus récemment, la demande de cessez-le-feu immédiat et obligatoire issue de la rencontre de Dar es Salam", le 8 février dernier.

La situation humanitaire se détériore

Nous avons pu entrer en contact avec Archimède Karhebwa. Il est l'administrateur adjoint du territoire de Kalehe. Il s'inquiète pour la situation humanitaire dans cette partie du Sud-Kivu.

"Le territoire de Kalehe, au Sud-Kivu, vit dans une situation humanitaire alarmante. Cette rébellion nous a imposés une situation de précarité. Nous connaissons des mouvements de populations en provenance de Minova, Numbi, Ishange, Lumbishi, Nyabibwe qui se dirigent vers le centre de Kalehe, Ihusi, jusque Kasheke", déplore l'administrateur adjoint du territoire.

"D'autres ont fui des entités avant même que l'ennemi n'y arrive, de peur qu'ils ne soient victimes de représailles parce que, comme vous le savez, il y a des activistes et défenseurs des droits de l'Homme, des autorités locales qui sont visées. Enfin, la famine est une seconde guerre qui peut tuer un nombre plus important de personnes que la guerre elle-même."

Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (Ocha) rapporte que, depuis le 29 janvier, au moins 30.000 personnes en provenance des villages situés sur le littoral de Minova ont fui vers le territoire d'Idjwi, Kalehe centre, Katana, Kavumu, Mudaka et Bukavu.

L'église au milieu du village

Entre-temps, une rencontre a eu lieu à Goma, le chef-lieu du Nord-Kivu, cet après-midi, entre les délégations de l'église protestante et catholique et Corneille Nangaa de l'Alliance Fleuve Cogo. Une rencontre critiquée, car elle s'est tenue avec un ancien responsable politique, passé à la rébellion et qui a promis de "marcher" sur Kinshasa.

Florimond Muteba, président du conseil d'administration de l'Observatoire de la dépense publique (ODEP) condamne ainsi l'initiative des ecclésiastiques :

"Ce serait le dialogue de la trahison, de la capitulation. Je ne peux pas piétiner le sang de mes frères pour aller m'asseoir autour d'une table avec leurs assassins. Pour quel intérêt ? Ce qu'il faut, c'est nous organiser pour pouvoir faire face à tout cela. Le président Félix Tshisekedi, moi je condamne son silence. Il est silencieux face à cette situation, mais à quoi il sert ?"

Cette rencontre des représentants des Eglises catholique et protestante s'inscrit dans cette dynamique où les autorités religieuses cherchent à jouer leur rôle de médiation dans un conflit qui tend à s'enliser, précise Trésor Kibangula, responsable du pilier politique au sein de l'institut de recherche congolais Ebuteli.

"Cette visite est hautement symbolique, surtout à un moment où la guerre dans l'Est est en train de redéfinir les équilibres de pouvoir, même ici à Kinshasa. Et le fait que l'UDPS (le parti au pouvoir, ndlr) désapprouve cette démarche, cela montre à quel point cette initiative remet en question la ligne rouge tracée par le régime, de ne pas négocier directement avec le M23", soutient Trésor Kibangula. "Si l'église, qui reste une institution respectée, engage le dialogue ou essaye de ramener ce groupe armé à la table de négociation, cela pourrait donner au M23 un certain crédit politique, ce que l'UDPS, aujourd'hui, ne veut pas."

François Ryckmans est journaliste. Il suit l'actualité en Afrique depuis 1991. Pour lui, le M23 est en position de force et il applique sa stratégie habituelle "Talk and fight" : parler tout en avançant sur le terrain.

"Même si une offensive a lieu, la prise de Bukavu semble inéluctable, inévitable. Le président Tshisekedi serait encore plus affaibli et une contre-offensive militaire comme il l'a promis semble peu envisageable et ne renversera pas la situation à bref délai. L'autre issue, c'est justement la négociation, l'ouverture de l'espace politique, un dialogue national, en n'oubliant pas que le M23 et l'Alliance fleuve Congo ont des objectifs parfois similaires, parfois différents. Je pense que ce serait la seule manière de détacher les mouvements rebelles de tous leurs parrains extérieurs, on pense essentiellement à l'Ouganda et au Rwanda."

Le gouvernement congolais a fait savoir, ce mercredi (12.02.25), que depuis le 9 février, le M23 et l'armée rwandaise ont bombardé des positions de l'armée congolaise dans le territoire de Lubero, dans le Nord-Kivu. Selon le bilan officiel, ces attaques ont occasionné la mort de 14 personnes et fait plusieurs blessés.

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