Sénégal: Suicide de Matar Diagne – Les derniers mots d'un étudiant condamné par la société

13 Février 2025

Ce 11 février, le Sénégal s’est réveillé avec une terrible nouvelle, celle du suicide de Matar Diagne, étudiant à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Cet acte, annoncé dans une lettre posthume publiée sur Facebook, a plongé la communauté estudiantine, les internautes et la population dans un tourment sans précédent. 

Dans sa lettre, il a déploré le comportement irresponsable des gens sur sa maladie, qui a causé son isolement et son désespoir face à une société qui l’a indexé et la stigmatisée jusqu’à ce que l’irréparable soit commis.

Matar Diagne n’avait que sa plume pour se confier sur la maladie qui l’a rongé depuis 2020. Malgré ses difficultés à s’intégrer, dépité par, non seulement la maladie mais également le regard méprisant de son entourage estudiantin, il a tenté de s’ouvrir à quelqu’un qui finalement n’a fait que le vilipender. Résultat, il s’est renfermé sur lui-même et s’est isolé avec ce poids qui l’a rongé jusqu’à ce qu’il préfère mettre fin à ses jours.

« Pourtant, il aurait été facile pour eux de comprendre que c’est ma situation qui me pousse à m’isoler. Certaines personnes sont très intelligentes, mais elles peuvent se révéler être des cons quand il s’agit de comprendre la situation de leurs semblables » s’est-il confié sur la lettre.

Il faut dire que la maladie, combinée à l’isolement et au mépris des gens, a eu des conséquences nuisibles sur sa santé mentale.

Il espère que sa mort ouvrira les yeux à certains étudiants et certaines familles. « N’isolez personne, n’ignorez personne, ne vous moquez de personne et ne fuyez personne. Rapprochez-vous des gens qui s’isolent, parlez-leur et essayez de les comprendre, sans les juger » a-t-il écrit.

Dans la lettre, Matar Diagne souligne qu’il s’est sacrifié pour que les gens puissent être conscients de l’arme et du pouvoir du jugement personnel sur l’individu.

« Ce qui m’a le plus déchiré, ce sont les conjectures sur ma maladie, les calomnies et les accusations non fondées. C’est une situation qui m’a profondément détruit », témoigne-t-il.

Selon lui, la maladie seule aurait été très douce pour lui, « mais les mauvaises choses qui circulent sur moi, et que je nie jusqu’à la dernière énergie, me sont léthargique. Ces bobards ont fait de moi une autre personne. Quand des gens qui ne vous connaissent pas vous haïssent, alors sachez que ce sont certainement vos détracteurs qui sont passés par là pour vous salir. J’espère que ceux qui ont fait cela auront la conscience tranquille. Le plus triste, c’est que ce seront ces mêmes personnes qui seront les premières à faire de bons témoignages sur moi ».

Ces paroles déchirantes sont les derniers mots d’une personne condamnée par la société, le poussant à se suicider pour soulager ici-bas en préférant « mourir dans l’honneur que de vivre dans le déshonneur », comme il l’a indiqué dans sa lettre.

Matar Diagne laisse derrière lui un roman intitulé « La fuite des indésirables » qui parle de l’émigration clandestine, qu’il a envoyé aux éditions Harmattan-Sénégal. Il souhaite que ce livre soit publié à titre posthume et que les retombées soient dédiées à la prise en charge de l’AVC de sa mère.

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