L'analyse des performances des candidats au Baccalauréat au Gabon sur la période 2012-2021 révèle des dynamiques intéressantes en matière d'accès, de réussite et d'échec. Avec une augmentation constante du taux de réussite, qui passe de 53,54 % en 2012 à 78,78 % en 2021, et une diminution corrélative du taux d'échec, le système éducatif semble afficher des résultats encourageants.
Mais comment interpréter ces tendances ? S'agit-il d'une réelle amélioration du niveau des élèves ou d'un ajustement des critères d'évaluation ? En tant que planificateur des systèmes éducatifs, cette réflexion vise à apporter une lecture approfondie des résultats et à questionner les défis sous-jacents.
L'un des premiers constats marquants de cette décennie est la nette progression du taux de réussite au Baccalauréat. De 53,54 % en 2012 à 78,78 % en 2021, l'augmentation est significative. Cette évolution s'explique par plusieurs facteurs :
L'amélioration de la préparation des candidats : le renforcement des cours de soutien et l'accès facilité aux ressources pédagogiques en ligne ont contribué à une meilleure performance des élèves.
L'impact des réformes éducatives : certaines mesures, comme l'adaptation des contenus pédagogiques et la refonte des programmes, ont pu jouer un rôle clé.
Les ajustements liés à la crise sanitaire : en 2020 et 2021, la pandémie de Covid-19 a entraîné des modifications dans l'organisation des évaluations, pouvant avoir favorisé une hausse des admissions.
Toutefois, cette tendance à la hausse invite à s'interroger sur la nature des critères d'évaluation et leur constance dans le temps.
Le nombre d'inscrits au Baccalauréat a augmenté de 18 542 en 2012 à 23 165 en 2021, soit une croissance de 24,9 %. Cette évolution peut être attribuée à :
L'augmentation du taux de scolarisation dans le secondaire.
Les efforts du gouvernement pour favoriser l'accès au Baccalauréat, notamment par la mise en place de mesures d'accompagnement scolaire.
L'engouement des familles pour l'éducation, perçue comme un levier d'ascension sociale.
Cependant, le nombre d'absents reste relativement stable, autour de 1 à 2 % des inscrits chaque année, ce qui témoigne d'une forte mobilisation des élèves et de leurs familles.
Le taux d'échec est passé de 46,46 % en 2012 à 21,22 % en 2021, traduisant une amélioration du parcours des candidats. Cette réduction peut être interprétée de deux manières :
Un meilleur accompagnement pédagogique des élèves : avec des stratégies pédagogiques adaptées, les enseignants et les encadreurs scolaires ont pu mieux outiller les candidats pour les épreuves.
Un possible assouplissement des critères de notation : si l'objectif était d'améliorer l'image du système éducatif en augmentant artificiellement le taux de réussite, cela poserait un problème de qualité et de valeur du diplôme.
Ces éléments soulignent la nécessité d'une évaluation approfondie des acquis réels des élèves pour éviter une réussite "statistique" déconnectée des compétences effectives attendues dans l'enseignement supérieur et sur le marché du travail.
Malgré ces progrès apparents, plusieurs défis restent à relever :
a) Garantir la qualité des acquis
L'amélioration des taux de réussite ne doit pas masquer les éventuelles lacunes dans l'acquisition des compétences fondamentales. Il est crucial de :
Renforcer l'évaluation des apprentissages tout au long du cursus scolaire.
Assurer une formation continue des enseignants pour s'adapter aux exigences pédagogiques modernes.
Maintenir un niveau d'exigence élevé pour éviter un "Baccalauréat au rabais".
b) Mieux comprendre l'impact des réformes
Il serait pertinent d'analyser en détail les réformes mises en place au cours de la décennie pour identifier celles ayant eu un effet positif sur les résultats des élèves. Cette évaluation pourrait se baser sur :
Une étude longitudinale du parcours des bacheliers.
Une comparaison avec d'autres pays de la sous-région pour mesurer les écarts de performance.
c) Adapter l'enseignement secondaire aux besoins du marché du travail
Un Baccalauréat réussi doit être un passeport vers l'enseignement supérieur et l'emploi. Or, l'adéquation entre formation et marché du travail reste un défi majeur au Gabon. Il conviendrait de :
Développer des filières techniques et professionnelles mieux adaptées aux réalités économiques.
Encourager l'orientation vers des formations porteuses d'emplois.
L'amélioration du taux de réussite au Baccalauréat au Gabon entre 2012 et 2021 est un indicateur positif de l'évolution du système éducatif. Toutefois, cette progression doit être interprétée avec prudence : s'agit-il d'un véritable progrès ou d'un effet de réforme facilitant la réussite ?
Pour garantir un système éducatif performant et durable, il est impératif de veiller à la qualité des apprentissages, d'évaluer l'impact des politiques éducatives et de renforcer les liens entre l'école et le monde professionnel. Un Baccalauréat de qualité est un gage d'avenir pour la jeunesse gabonaise et pour le développement du pays.
Eugène Boris ELIBIYO
Planificateur des systèmes éducatifs