BUKAVU — « Les professionnels de la santé nous avaient dit lors des campagnes de sensibilisation que les vaccins pour enfants vont arriver et seront administrés. Mais nous constatons que depuis que ces vaccins sont arrivés au pays, ils sont restés à Kinshasa. Pourtant, nos enfants les attendent depuis longtemps ».
Espérance Byamungu, mère de famille et habitante de Nyangezi, l'une des zones de santé les plus touchées par le Mpox dans le Sud-Kivu en République démocratique du Congo (RDC), n'arrive plus à contenir son impatience.
« On pensait que le problème était le manque de vaccins pour les enfants, mais ils sont déjà disponibles. On se demande alors si nos autorités mesurent les conséquences de laisser nos enfants sans vaccin dans des zones où la maladie prend de l'ampleur », s'interroge cette maman de quatre enfants.
"On n'a pas besoin de 3 ou 6 mois de formation du personnel dans une situation d'urgence. D'où notre interpellation à l'endroit des autorités sanitaires pour qu'elles accélèrent le processus de préparation de la campagne de vaccination des enfants"Héritier Mukamba, Forces vives du Sud-Kivu
En effet, dans un communiqué publié le mercredi 18 décembre 2024, le Centre des opérations d'urgence de santé publique (COUSP), faisait savoir que les premiers lots du vaccin « LC 16m8 » destiné aux enfants à partir d'un an d'âge pour lutter contre la variole du singe (Mpox) en RDC, étaient arrivés à Kinshasa. Or, à ce jour, la campagne de vaccination des enfants se fait toujours attendre...
L'inquiétude des parents s'amplifie d'autant plus que la maladie continue de faire de nouvelles victimes. Sylvie Nshobole Nyamugabo, mère de deux enfants jumeaux et habitante de la zone de santé de Miti-Murhesa, l'épicentre du Mpox dans la province du Sud-Kivu, en est témoin.
« L'enfant de ma voisine a récemment contracté cette maladie et a été transféré au centre de santé pour la prise en charge. Ce cas m'a plongé dans une crainte profonde. Car, mes enfants qui n'ont que deux ans sont encore fragiles ; j'ai peur qu'ils soient affectés par cette épidémie », dit-elle.
La société civile, elle aussi, a du mal à dissimuler son agacement face à la situation qui prévaut... « Nous ne comprenons pas comment les vaccins des enfants peuvent être disponibles à Kinshasa mais les enfants n'en ont pas encore reçu. Pourtant, ils sont parmi les personnes vulnérables qui en ont le plus besoin », s'indigne maître Héritier Mukamba, responsable de la composante Enfants au sein du bureau de coordination de la société civile Forces vives du Sud-Kivu.
Contacté par SciDev.Net, Audry Mulumba Wa Kamba, le directeur national du Programme élargi de vaccination (PEV) en RDC, laisse entendre qu'actuellement, son service est à pied d'oeuvre et réfléchit sur comment lancer la campagne de vaccination des enfants contre le Mpox « dans les prochains jours ».
« La vaccination des enfants contre le Mpox nous préoccupe et nous sommes dans des travaux y afférents. Nous avons estimé qu'il était très important de commencer tout d'abord par la formation des professionnels de la santé qui interviennent dans la riposte vaccinale, puis suivra le lancement de la campagne de vaccination des enfants contre le Mpox à Kinshasa et dans d'autres provinces du pays, y compris le Sud-Kivu », précise-t-il.
Il ajoute que la vaccination des enfants est actuellement l'une des priorités de son service qui, dit-il, ne ménage aucun effort pour la protection non seulement des adultes, mais aussi des enfants contre la variole du singe.
Situation d'urgence
Des explications qui laissent la plupart des acteurs sur leur faim. « La maladie ne va pas attendre tout ce temps que le gouvernement se fixe pour s'organiser ; elle va continuer de frapper les paisibles enfants. Nous pensons que le service responsable de la riposte vaccinale doit être proactif en utilisant les professionnels de la santé qui sont intervenus pendant la vaccination des adultes », analyse Héritier Mukamba.
« En plus, poursuit-il, on n'a pas besoin de 3 ou 6 mois de formation du personnel dans une situation d'urgence. D'où notre interpellation à l'endroit des autorités sanitaires pour qu'elles accélèrent le processus de préparation de la campagne de vaccination des enfants ».
Aristote Mushagalusa, un citoyen qui vit à Mudaka dans la zone de santé de Miti-Murhesa, fustige lui aussi le « retard » du gouvernement congolais dans les étapes préparatoires à la vaccination des enfants contre le Mpox.
Certes, « nous continuons à observer les mesures d'hygiène édictées par les autorités sanitaires, notamment le lavage correct des mains ; nous évitons le contact avec les animaux et avec des personnes déjà touchées par la maladie », introduit-il.
« Mais, poursuit-il, nous craignons pour nos enfants non encore vaccinés qui sont souvent à l'école, qui jouent avec leurs amis au quartier. Nous pensons que s'ils étaient vaccinés pendant que nous continuons à observer les gestes barrières, cette maladie serait vaincue ».
« Nous voulons voir nos enfants être vaccinés ; car à notre niveau, nous estimons que rien ne doit plus empêcher leur vaccination du moment que les vaccins sont déjà disponibles », conclut Aristote Mushagalusa.
Pour les acteurs de la société civile, le temps qui passe ne joue pas en faveur de cette campagne de vaccination. « Ce que nous craignons, est que ce vaccin risque d'atteindre sa date de péremption sans être utilisé. Pourtant, il est très impérieux de l'administrer aux enfants le plus tôt possible pour assurer leur protection », affirme maître Héritier Mukamba.
« A cela s'ajoutent les déplacements massifs des populations suite à une situation sécuritaire précaire dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Il y a lieu de s'interroger sur le sort des enfants qui demeurent jusqu'à présent hors du circuit de la vaccination contre le Mpox en RDC », poursuit Héritier Mukamba.
Assurances
En outre, dans un article publié sur son site web le 3 février 2025, les Nations unies, citant l'OMS, affirment que « la dégradation de la situation sécuritaire dans l'est de la RDC a contraint de nombreux patients atteints de Mpox à fuir les centres de traitement, augmentant le risque de transmission ».
Mais, au cours d'un webinaire organisé le vendredi 7 février 2025, le PEV a donné des assurances en affirmant qu'actuellement, rien ne peut bloquer le lancement de la campagne de vaccination des enfants qui est envisagée et dont les travaux stratégiques préparatoires sont en cours.
Pour certains acteurs locaux en effet, même la guerre contre le M23 pourrait ne pas avoir une incidence majeure sur le lancement de la campagne de vaccination. Parce que, disent-ils, la situation sécuritaire a toujours été préoccupante dans cette région, mais des campagnes de vaccination contre d'autres maladies y ont toujours eu lieu. Ce d'autant plus que des appels au cessez-le-feu sont fréquemment lancés.
« Étant donné que les vaccins sont déjà disponibles, le gouvernement à travers ses services de la santé devrait déjà administrer aux enfants les vaccins. Ne pas vacciner les enfants risque d'entraîner la propagation de la maladie avec toutes les conséquences néfastes qui en découlent », met en garde Papy Fikiri coordonnateur de la Ligue des orphelins congolais (LOC), une organisation non gouvernementale qui accompagne les enfants en situation difficile.
Selon des chiffres de l'OMS, de janvier 2024 au 5 janvier 2025, l'Afrique a enregistré 14 700 cas confirmés de Mpox, dont 66 décès, dans un total de 20 pays. Le pays le plus touché restant la RDC avec 9 513 cas dont 43 décès au 5 janvier 2025.
Une campagne de vaccination contre la maladie a été lancée les 5 et 6 octobre 2024 à travers le pays. Mais, les vaccins utilisés ne sont pas compatibles pour les enfants qui, depuis, attendent leur tour...