L'élection, après plusieurs tours de scrutin, du Djiboutien Mahmoud Ali Youssouf comme nouveau président de la Commission de l'Union africaine (UA), en remplacement du Tchadien Moussa Faki Mahamat, n'aura finalement été qu'un épiphénomène, même si celui qui vient de remplacer le Tchadien hérite de dossiers on ne peut plus brûlants, pour ne pas dire incandescents.
Aux premiers rangs de ceux-ci, la crise en RDC qui était d'ailleurs au coeur de ce sommet qui se tenait moins d'une semaine après la rencontre de la (Communauté de développement de l'Afrique australe et l'EAC (Communauté des Etats d'Afrique de l'Est) consacrée à la résolution de la crise en République démocratique du Congo à Dar-Es-Salaam en Tanzanie, qui avait appelé à un cessez-le-feu et à des pourparlers incluant toutes les parties étatiques et non étatiques.
Le cessez-le-feu qui, comme on l'a vu, a fait long feu à telle enseigne qu'on se demande si Addis-Abeba pourra réussir là où Dar-Es-Salaam a échoué. Il faut croire que non avec le constat de l'impossible dialogue entre la RDC et le Rwanda. Félix Tshisekédi, qui revenait d'une conférence sur la sécurité à Munich en Allemagne, était absent en raison peut-être de la situation interne, c'est donc sa Première ministre, Judith Suminwa, qui a sonné la violente charge contre le voisin rwandais, parrain presque assumé du M23.
Morceaux choisis : «L'heure est grave... Ce conseil ne se réunit pas pour un simple différend diplomatique. Nous sommes ici parce qu'un Etat membre de notre Union, le Rwanda a violé les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies et de l'acte constitutif de l'Union africaine... Ce n'est pas seulement la souveraineté de la RDC qui est en jeu. C'est le fondement même de notre Union et son engagement à protéger les Etats africains contre toute tentative de prise de pouvoir par la force... ».
C'était plus que n'en pouvait supporter Paul Kagamé qui a claqué la porte du sommet. Autant dire que les pourparlers à venir, s'ils ont lieu un jour, promettent en étincelles. Qui parviendra à faire asseoir autour de la même table Fatshi et l'Homme mince de Kigali qui ne veulent même plus se voir en peinture et qui n'échangent guère plus que par diatribes interposées. Avec hélas le constat d'impuissance des organisations sous-régionales et de l'UA qui redoutent pourtant toutes la généralisation du conflit dans une région des Grands Lacs aux eaux aussi troublées. Pour l'instant, le Congo a en effet le soutien de troupes sud-africaines présentes dans la MONUSCO et burundaises, sans oublier que le M23 ne fait pas aussi cavalier seul.
On continuera donc de parlementer à Addis pendant ce temps, sur le terrain, la situation ne fait qu'empirer. Après Goma, Bukavu, la 2e ville de la province vient de tomber dans l'escarcelle du M23, presque sans résistance, les agents de l'administration ayant quitté la ville avant l'arrivée des rebelles, les populations sont restées terrées chez elles pendant que certains habitants s'adonnent au pillage. Pauvre Afrique ! Et à chaque prise correspond à son pendant de drame humanitaire. Accès aux soins et à l'eau de plus en plus inexistants, risques de propagation du choléra, déplacés qui fuient les camps chassés par les nouveaux maîtres des lieux.
Et chacun reste campé dans son camp. Quand les autorités de la RDQ fustigent les velléités expansionnistes et prédatrices du Rwanda, qualifiant son protégé, le M23, de mouvement terroriste, le Rwanda estime qu'elle se veut le défenseur des minorités ethniques et que par ailleurs sa sécurité est menacée par certains groupes armés de la région, notamment ceux créés par d'anciens responsables hutus du génocide de 1994, soutenus par la RDC qui leur servirait même de base arrière. Qui a tort, qui a raison ?
Devant l'urgence, on se demande pour l'instant qui pourra donc stopper cette rébellion qui avance pratiquement sans une réaction appropriée des FARC (Forces armées de la République du Congo) mal équipées, mal formées et minées par la corruption.