La crise dans l'est de la République démocratique du Congo s'est aggravée en janvier 2025 lorsque les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont pris le contrôle de Goma, capitale du Nord-Kivu.
Malgré plusieurs initiatives de paix, la population civile continue de payer le prix fort à la violence persistante. Depuis la réapparition du M23 en novembre 2021, de violents affrontements avec l'armée congolaise ont fait des milliers de morts et déplacé plus d'un million de personnes dans la seule province du Nord-Kivu.
Patrick Hajayandi, dont les recherches portent sur la consolidation de la paix et la réconciliation régionale, analyse les tentatives passées pour résoudre ce conflit et ce qu'il faudrait faire maintenant.
Quels efforts ont été faits par la RDC et le Rwanda pour apaiser les tensions ?
L'est de la RDC est devenu le théâtre de nouvelles tensions entre Kigali et Kinshasa. Le Rwanda se situe à l'est de la RDC et les deux nations partagent une frontière d'environ 217 kilomètres.
Kigali accuse la RDC d'abriter les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), le plus important groupe armé illégal opérant dans la zone de conflit. Le FDLR a déclaré son intention de renverser le gouvernement rwandais.
De son côté, Kinshasa accuse Kigali de soutenir et d'armer le M23, qui cherche à contrôler les deux provinces du Kivu, le Nord et le Sud. L'implication des Forces de défense rwandaises dans des combats directs aux côtés du M23, corroborée par des experts de l'ONU, a intensifié la propagation de la violence.
Malgré les tensions actuelles entre Kinshasa et Kigali, les deux gouvernements ont, il y a quelques années, entrepris des efforts de collaboration pour résoudre le problème posé par les nombreux groupes armés opérant dans l'est de la RDC.
Ces efforts ont notamment consisté en deux opérations conjointes avec les forces congolaises et rwandaises visant à neutraliser les FDLR. Ces opérations conjointes en 2008 et 2009 étaient connues sous le nom d'Opération Kimia et Umoja Wetu. En 2019 et 2020, peu après son arrivée au pouvoir, le président Félix Tshisekedi a autorisé l'armée rwandaise à mener des opérations contre les FDLR en territoire congolais.
Mais ces dernières années, les relations entre Kinshasa et Kigali se sont fortement dégradées. Aujourd'hui, la médiation régionale tente d'apaiser la situation.
Pourquoi les acteurs régionaux peinent-ils à négocier la paix en RDC ?
Le premier facteur de complication est lié aux rôles différents que jouent les acteurs régionaux en RDC.
L'implication d'une multitude de pays témoigne de la complexité du conflit et de la diversité des intérêts géopolitiques. La RDC partage une frontière avec neuf pays : Angola, Burundi, République centrafricaine, République du Congo, Rwanda, Soudan du Sud, Tanzanie, Ouganda et Zambie.
En 2022, l'Union africaine a demandé au président angolais João Lourenço de servir de médiateur entre la RDC et le Rwanda. Le processus qu'il supervise est connu sous le nom de processus de Luanda et vise à désamorcer l'escalade de la violence dans la région. Il a notamment cherché à réduire les tensions entre Kigali et Kinshasa.
La Communauté de l'Afrique de l'Est est directement impliquée dans les initiatives de paix visant à rétablir la paix en RDC. Elle a nommé l'ancien président kenyan Uhuru Kenyatta pour diriger ce que l'on appelle le processus de Nairobi.
La RDC a rejeté les efforts de réconciliation de la Communauté de l'Afrique de l'Est. Et le Rwanda a récemment critiqué les deux processus, suggérant que le pays avait perdu confiance dans la capacité de Lourenço et de Kenyatta à trouver une solution.
En mai 2023, la Communauté de développement de l'Afrique australe, dont la RDC est un État membre, a déployé une mission de paix. Cela a fait suite au retrait des troupes de la Communauté d'Afrique de l'Est.
D'autres pays jouent des rôles différents, directement ou indirectement, dans diverses missions en RDC. Le Burundi soutient les opérations militaires dans le pays dans le cadre d'accords bilatéraux dans le secteur de la défense. L'Ouganda a également déployé des troupes, apparemment pour poursuivre les rebelles armés soutenus par les djihadistes il y a trois ans. Cependant, ce déploiement a été un facteur de déstabilisation, Kampala étant également accusé de soutenir le M23.
Quels ont été les principaux obstacles à ces initiatives ?
La Force régionale de la Communauté de l'Afrique de l'Est a été déployée pour rétablir la paix dans l'est de la RDC dans le cadre du Processus de Nairobi. Cependant, cette mission a été interrompue en raison de quatre défis principaux :
- des divergences sur les objectifs de la mission : le gouvernement congolais s'attendait à ce que la force régionale affronte militairement les rebelles du M23. Or, son commandement avait une autre approche comme l'a indiqué son commandant : superviser l'application d'un accord politique plutôt que mener des combats.
- des points de vue opposés au sein les dirigeants des États membres de la Communauté d'Afrique de l'Est : les États membres n'ont pas la même lecture de la crise. Une perception grandissante laisse penser que le Rwanda soutient le M23 en tant que force intermédiaire pour contrôler les ressources minières. Kigali, de son côté, insiste sur la protection des Tutsi congolais. Ces tensions entravent les efforts de réconciliation.
- un manque de soutien financier aux pourparlers: l'Union africaine et les organismes régionaux ne disposent pas de fonds suffisants pour soutenir les interventions nécessaires à la réalisation de progrès significatifs.
Le processus de Luanda n'a pas non plus été en mesure d'apporter des résultats tangibles. La mauvaise foi des parties impliquées en est une des causes. Malgré un cessez-le-feu signé en juillet 2024, les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont continué de gagner du terrain.
En janvier 2025, après la prise de Goma et les violences qui ont suivi, le M23 a annoncé un nouveau cessez-le-feu. Reste à savoir s'il tiendra.
Le comportement du Rwanda dans le conflit en cours complique les efforts de paix. Kigali continue de nier soutenir le groupe armé M23. Mais il participe aux négociations qui impliquent le M23 et le gouvernement de la RDC. Ces contradictions rendent difficile l'identification des véritables responsables en cas de violation d'un cessez-le-feu.
Que faut-il pour donner une chance à la paix en RDC ?
Les initiatives de paix actuelles ont été inefficaces ; elles sont régulièrement violées. Ce qu'il faut, c'est exercer une véritable pression sur les acteurs impliqués dans l'embrasement de la violence, pour les contraindre à mettre fin à leurs actions destructrices.
Le prix Nobel congolais Denis Mukwege, par exemple, a appelé à des mesures diplomatiques et économiques pour mettre fin à l'agression en RDC. Cela impliquerait la mise en oeuvre de sanctions et de conditionnalités de l'aide à Kigali et à Kinshasa contre les dirigeants militaires et politiques qui orchestrent la violence contre les populations civiles.
Les interventions devraient également s'attaquer aux causes structurelles du conflit en RDC, notamment l'exploitation des ressources.
La lutte contre l'impunité est une étape essentielle vers une paix durable. Le Rwanda ne doit pas continuer à soutenir un groupe armé qui attaque un pays voisin. Kigali doit être tenu responsable. La pression internationale est indispensable pour mettre fin aux agressions. Le gouvernement de la RDC, quant à lui, doit également assumer son rôle de garant de la sécurité pour tous ses citoyens.
Patrick Hajayandi, Research Affiliate, University of Pretoria