Les présidents Umaro Sissoco Embaló de la République de Guinée-Bissau et Duma Gideon Boko de la République du Botswana, respectivement président sortant et président entrant de l'Alliance des dirigeants africains contre le paludisme (ALMA) tirent la sonnette d'alarme de la lutte contre le paludisme en Afrique.
En 2015, les chefs d'État et de gouvernement africains se sont engagés à éliminer le paludisme sur notre continent d'ici à 2030, fixant un objectif ambitieux mais essentiel en termes de santé publique, ainsi que de développement économique et durable.
Le cadre catalytique de l'Union africaine pour mettre fin au SIDA, à la tuberculose et éliminer le paludisme d'ici à 2030 fournit une feuille de route claire pour atteindre cet objectif.
Cependant, l'Afrique continue d'accuser un retard critique par rapport à ses engagements en matière de lutte contre le paludisme. À cinq ans de l'échéance, nous devons changer l'histoire en effectuant un grand pas en avant pour une Afrique sans paludisme.
"Nous devons inclure le paludisme et les maladies tropicales négligées ainsi que la santé dans nos Contributions déterminées au niveau national, qui nous guident dans notre adaptation aux impacts du changement climatique"Umaro Sissoco Embaló et Duma Gideon Boko
Le fardeau du paludisme en Afrique demeure inacceptable. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), 246 millions de cas de paludisme et 569 000 décès ont été enregistrés en 2023, avec 76 % des décès concernant des enfants de moins de cinq ans.
La lutte contre le paludisme fait face à une convergence de défis sans précédent menaçant de perturber les services essentiels et vitaux de lutte contre le paludisme : déficits financiers importants, impact du changement climatique et des événements météorologiques extrêmes, ainsi que les crises humanitaires et les menaces biologiques telles que la résistance aux insecticides et aux médicaments.
Changement climatique et événements météorologiques
Les événements météorologiques extrêmes, l'imprévisibilité croissante des régimes de précipitation et la hausse des températures ont été associés à une recrudescence du paludisme à travers le continent. L'impact des récents cyclones au Mozambique, au Malawi et au Zimbabwe en est un exemple.
Les destructions d'infrastructures à grande échelle, entraînant des déplacements massifs de population et un accès perturbé aux soins de santé, associées à la prolifération d'eaux stagnantes dues aux inondations massives, ont conduit à un alourdissement du fardeau du paludisme.
Au-delà des cyclones, des événements climatiques extrêmes comme les inondations et la sécheresse modifient les schémas de transmission du paludisme dans de nombreuses régions d'Afrique.
La hausse des températures et l'augmentation des précipitations élargissent les types de populations à risque de contracter le paludisme et facilitent la propagation de la maladie dans des zones auparavant exemptes de paludisme dans des pays comme l'Éthiopie, le Kenya et le Rwanda.
L'impact du changement climatique va au-delà du paludisme. Il affecte l'agriculture, la sécurité alimentaire, l'environnement et la stabilité économique, ralentissant les progrès en termes de développement.
Nous, chefs d'État et de gouvernement d'Afrique, devons conduire et donner la priorité aux efforts de développement et superviser le déploiement de réponses robustes et multisectorielles au changement climatique à tous les niveaux, du local au continental.
Nous devons inclure le paludisme et les maladies tropicales négligées ainsi que la santé dans nos Contributions déterminées au niveau national, qui nous guident dans notre adaptation aux impacts du changement climatique.
L'élimination du paludisme en Afrique est possible
L'élimination du paludisme en Afrique est possible. Depuis 2019, l'Algérie, le Cap-Vert et l'Égypte ont été certifiés sans paludisme par l'OMS, tandis que le Botswana, les Comores, l'Eswatini, Sao Tomé-et-Principe et l'Afrique du Sud sont sur la voie de l'élimination.
D'autres pays, dont l'Éthiopie, la Gambie et le Ghana, ont réussi à atteindre l'objectif de 2020 de réduire l'incidence du paludisme et la mortalité liée à ce dernier d'au moins 40 %.
Les expériences de ces pays montrent qu'avec de bons investissements, une volonté politique et un engagement communautaire, le paludisme peut être drastiquement réduit et éliminé. Cependant, tout cela nécessite un financement adéquat et soutenu, une planification stratégique ainsi qu'un leadership audacieux.
En plus de nous concentrer sur l'allégement du fardeau du paludisme dans les pays fortement impactés par ce dernier, nous devons soutenir les pays plus faiblement impactés et ceux en voie d'éliminer le paludisme dans la dernière ligne droite de leur combat.
Financement soutenu et accru
Il est impératif de sécuriser les ressources nécessaires pour lutter contre le paludisme et combler ces lacunes critiques avec une nouvelle impulsion. L'Afrique doit d'urgence relever le défi de la diminution de l'aide au développement en mobilisant ses propres ressources internes et en augmentant notre allocation budgétaire pour la santé.
Nous devons également intensifier le financement innovant, y compris par le biais de Conseils et Fonds multisectoriels d'élimination du paludisme, qui ont levé plus de 125 millions de dollars, principalement grâce à l'investissement du secteur privé.
Nous devons tirer parti de plateformes telles que la Banque mondiale, l'Association internationale de développement et le financement climatique pour nous assurer que nos programmes nationaux sont pleinement équipés afin de faire avancer nos objectifs et programmes de lutte contre le paludisme. La prochaine reconstitution des ressources du Fonds mondial sera également essentielle pour remettre nos efforts sur la bonne voie.
La dynamique innovatrice relative à la lutte contre le paludisme n'a jamais été aussi forte : manufacturés sur notre continent, ces outils accéléreront non seulement l'élimination du paludisme, mais stimuleront également la croissance économique.
Dans ce contexte, nous appellons tous les États-membres à ratifier le traité de l'Agence africaine du médicament pour garantir que les peuples d'Afrique aient accès aux médicaments et technologies essentiels.
Nous devons changer l'histoire
Si nous ne réagissons pas maintenant, nous risquons de perdre les gains réalisés au cours des deux dernières décennies, ce qui entraînerait une crise de santé publique aux conséquences graves. La lutte contre le paludisme et les maladies tropicales négligées doit être redynamisée avec urgence et détermination.
Les dirigeants africains doivent faire preuve d'un véritable engagement politique et augmenter les financements nationaux afin de soutenir pleinement les efforts de lutte contre le paludisme.
Le secteur privé et les partenaires techniques et financiers doivent intensifier leurs contributions pour s'assurer que les interventions essentielles contre le paludisme bénéficient à ceux qui en ont besoin et accélérer la fabrication locale de nouveaux outils.
De plus, nous devons adopter pleinement l'innovation et les solutions communautaires, renforcer l'accès et l'utilisation des données et garantir une large couverture des interventions dans toutes les régions touchées.
En tant que président sortant et nouveau président de l'Alliance des dirigeants africains contre le paludisme, nous croyons fermement qu'à travers un leadership collectif et une action audacieuse, l'Afrique peut se débarrasser de la maladie.
Nous nous engageons en faveur de l'élimination du paludisme, cette dernière n'étant pas seulement une priorité de santé mais aussi un impératif économique, social et moral qui rapprochera le continent de l'Afrique que nous Voulons.
L'Afrique que nous voulons est à portée de main : nous pouvons changer l'histoire et obtenir une Afrique sans paludisme, grâce à une action catalytique renforcée, grâce à un effort d'ampleur, un grand pas en avant !