Mali: L'attaque d'un convoi par des islamistes armés a tué 34 civils

communiqué de presse

Nairobi — Les belligérants ne protègent pas suffisamment les civils

Un groupe armé islamiste apparent a attaqué un convoi civil escorté par les forces armées maliennes et leurs milices alliées dans le nord-est du Mali le 7 février 2025, tuant au moins 34 civils et en blessant 34 autres, a déclaré Human Rights Watch aujourd'hui. La perte de vies civiles souligne la nécessité pour toutes les parties au conflit de mieux protéger les civils lors d'opérations militaires.

Des témoins ont déclaré qu'en début d'après-midi, le 7 février, des combattants islamistes ont attaqué un convoi d'au moins 19 véhicules civils transportant plus de 100 civils, pour la plupart des orpailleurs du Niger et des commerçants du Mali; ces véhicules avaient quitté la ville de Gao et se dirigeaient vers Ansongo, à environ 90 kilomètres au sud, le long d'une route où des civils avaient déjà été attaqués dans le passé. Au moins cinq camionnettes militaires et plusieurs motos transportant des soldats maliens et des miliciens escortaient le convoi. Des témoins ont déclaré que lorsque le convoi a atteint le village de Kobé, les combattants ont ouvert le feu sur le convoi et les soldats et miliciens ont riposté.

« L'attaque de Kobé montre les risques mortels auxquels les civils maliens sont confrontés dans leur vie quotidienne », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Human Rights Watch. « Les autorités maliennes devraient mener une enquête impartiale sur l'incident afin de déterminer si les assaillants ont violé les lois de la guerre, et comment leurs propres forces de sécurité pourraient mieux protéger les civils en danger. »

Human Rights Watch a mené des entretiens avec six témoins de l'attaque, trois personnes qui ont aidé les blessés et plusieurs habitants de Gao.

Les témoins ont déclaré que le convoi s'étendait sur environ un kilomètre, avec deux véhicules militaires à l'avant et trois à l'arrière. « Tout à coup, nous avons entendu des coups de feu, il y avait des tirs intenses », a déclaré un homme âgé de 51 ans qui a été blessé en sautant hors d'un minibus, près de l'avant du convoi. « J'ai senti quelque chose sur ma cuisse droite, puis j'ai vu du sang, je me suis allongé et j'ai fait le mort jusqu'à ce que les soldats me secourent. »

Un homme âgé de 50 ans, dont le fils de 20 ans et la fille de 10 ans ont été blessés dans l'attaque, a déclaré : « Les balles volaient au-dessus de ma tête, les terroristes tiraient et criaient 'Allah Akbar', [et] les gens ont paniqué et se sont enfuis. Mon fils a été touché aux fesses et à sa cuisse droite, ma fille aux jambes et aux bras. »

Les assaillants n'ont pas été définitivement identifiés. Le chef d'état-major de l'armée malienne a publié une première déclaration le 7 février, indiquant que l'attaque contre le convoi avait causé la mort de 25 civils et en avait blessé 13 autres. Le communiqué précisait que les soldats se sont engagés dans de « violents combats » avec les attaquants et qu'ils ont ensuite récupéré « 19 corps terroristes », ainsi que des armes et d'autres équipements. Le nombre de soldats maliens et de miliciens tués ou blessés n'a pas été communiqué.

L'attaque s'est produite dans une zone où le groupe armé État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) combat les forces de sécurité maliennes depuis plus d'une décennie. Ce groupe islamiste s'est souvent heurté aux forces maliennes et aux combattants du groupe Wagner, soutenu par la Russie, qui appuie le gouvernement malien depuis décembre 2021. Des témoins et des habitants ont déclaré qu'une semaine avant l'attaque de Kobé, des soldats maliens et des combattants du groupe Wagner avaient attaqué des combattants de l'EIGS le long de la même route, tuant plusieurs d'entre eux et récupérant des armes et de l'argent. Ils ont déclaré que l'EIGS était présent le long de la route qui relie Gao à Ansongo depuis au moins trois ans, et qu'il imposait souvent des taxes illégales aux voyageurs.

Les civils tués lors de l'attaque comprennent 13 ressortissants maliens et 21 étrangers, la plupart originaires du Niger, selon des personnes qui assistent les victimes et les membres de leurs familles. Les blessés comprennent 20 ressortissants maliens et 14 étrangers, aussi pour la plupart nigériens. Human Rights Watch a examiné une liste compilée par des habitants de Gao avec les noms des 13 victimes maliennes, y compris cinq femmes, âgées de 20 à 60 ans.

Des témoins et d'autres sources locales ont déclaré que les attaques contre les civils le long de cette route étaient devenues si fréquentes que les autorités militaires de Gao ont imposé des escortes armées aux voyageurs depuis la fin de l'année 2024. Certains habitants, notamment des commerçants qui empruntent fréquemment cette route, craignent toutefois que les escortes ne brouillent la distinction entre militaires et civils, exposant ces derniers à des risques accrus d'attaques.

« Les soldats ne font qu'attirer l'attention des groupes armés », a déclaré un commerçant d'Ansongo âgé de 45 ans. « Les escortes militaires représentent un danger pour nous, car si les militaires sont attaqués, les civils peuvent se retrouver pris dans des échanges. »

Depuis 2012, les gouvernements maliens successifs ont combattu au moins deux groupes armés islamistes, le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al-Qaïda, et l'EIGS. Les hostilités ont entraîné la mort de milliers de civils et le déplacement forcé de plus de 378 000 personnes. Le départ en décembre 2023 de la mission de maintien de la paix des Nations Unies, à la demande des autorités maliennes, soulève de profondes inquiétudes quant à la protection des civils et la surveillance des abus commis par toutes les parties.

Human Rights Watch a largement documenté les abus généralisés commis au Mali depuis 2012 par les groupes armés islamistes. L'organisation a également rendu compte de violations du droit international commises par les forces armées maliennes, les milices ethniques qui leurs sont alliées et les combattants de Wagner au cours d'opérations anti-insurrectionnelles.

Toutes les parties au conflit armé malien sont légalement tenues par le droit international humanitaire, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève de 1949 et le droit coutumier de la guerre.

En vertu des lois de la guerre, les forces attaquantes doivent prendre toutes les précautions possibles pour réduire au minimum les pertes en vies humaines et en biens de la population civile. Il est interdit aux forces attaquantes de mener des attaques délibérées contre des civils et des biens civils, ainsi que des attaques menées sans discernement et utilisant des méthodes de combat qui ne peuvent pas être dirigées contre un objectif militaire spécifique. Une attaque dans laquelle les pertes en vies humaines attendues dans la population civile sont excessives par rapport au gain militaire escompté est illégalement disproportionnée.

Si les forces gouvernementales et les milices qui accompagnaient le convoi étaient des cibles militaires légitimes, les civils et les véhicules civils ne pouvaient pas être l'objet d'une attaque délibérée.

Le gouvernement malien devrait enquêter sur l'attaque contre le convoi afin de déterminer si les forces de l'EIGS ont mené une attaque délibérée, sans discernement ou disproportionnée contre des civils en violation des lois de la guerre.

Les forces militaires et les milices participant au convoi pourraient avoir échoué à prendre toutes les précautions possibles pour protéger les civils et les véhicules civils sous leur contrôle contre les effets des attaques. La police civile et le personnel de sécurité qui accompagnent les convois ne sont normalement pas susceptibles d'être attaqués.

« Compte tenu des innombrables atrocités commises par les groupes armés islamistes contre les civils au Mali, il est compréhensible que les autorités veuillent que des escortes militaires accompagnent les convois civils », a déclaré Ilaria Allegrozzi. « Les autorités maliennes devraient envisager d'autres moyens pour protéger les civils sur les routes, comme l'utilisation d'escortes policières qui ne sont pas des cibles militaires légitimes. »

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