Le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO) s’est ouvert le 22 février sans la présence de l’écrivain malien Souleymane Cissé. Celui qui aurait dû présider le jury Fiction long-métrage pour la 29e édition du Fespaco qui se tiendra jusqu’au 01 mars, s’en est allé à jamais, l’âge de 84 ans, laissant derrière lui un immense héritage qui servira les générations à venir.
Né le 21 avril 1940 à Bamako dans une famille très modeste, Souleymane Cissé s’est imprégné du cinéma très tôt. À 7 ans il allait régulièrement au cinéma en compagnie de ses grands frères et de leurs amis. En tant que passionné du 7e art, il a fait ses études secondaires à Dakar, au Sénégal, et ne reviendra qu’en 1960. Une année qui coïncide avec l’éclatement de la Fédération du Mali et de son indépendance.
Lors d’une projection d’un documentaire sur l’arrestation de Patrice Lumumba, il a eu un déclic, celui de se lancer dans la production cinématographique dans le but de porter le combat de l’injustice combiné à son propre vécu.
En 1963, il obtient une bourse pour suivre un stage de projectionniste puis des études de cinéma à l'Institut des Hautes Études Supérieures de la Cinématographie (VGIK) de Moscou où il en sort diplômé en 1969.
Souleymane Cissé est rentré au Mali en 1970, obtenant un travail en tant que cameraman au ministère de l’Information malien. Ce poste lui a permis de mettre en œuvre ses rêves en réalisant son premier long métrage, Den Musso (« La Jeune fille »), une œuvre qui évoquait le drame d'une jeune femme muette violée et rejetée par les siens à cause de sa grossesse.
Elle sera interdite et lui vaudra une peine de prison. Ce fut pour lui, le début d’un long combat, car il faut dire que ses œuvres reflétaient les réalités et croyances que vivait la communauté bambara.
En 1978, il réalise Baara « Le travail », une œuvre qui reflète le monde du travail et de l’industrie en Afrique. Cette œuvre lui a permis d’obtenir le prix Etalon de Yennenga au FESPACO en 1979.
Les sorties de Baara et Finyè, « Le vent » (1982), remportent deux grands prix, celui du Fespaco et celui du festival de Carthage, et seront tous les deux récompensés par l’Étalon de Yennenga au FESPACO.
Son œuvre Yeelen « La Lumière » (1984-1987) fut l’une de ses plus grandes œuvres, avec un tournage qui a duré 3 ans. Ce conte sur l’initiation du Komo (initiation socio-religieuse commune aux Malinkés et aux Bambaras), a porté ses fruits, car en 1987, Cissé décrocha le Prix du jury ex æquo au Festival de Cannes. Il devient ainsi le premier cinéaste africain à décrocher une telle distinction à Cannes.
En 1995, il sort Waati, une œuvre qui reflète une jeune adolescente sud-africaine, Nandi, qui a grandi et a été exploitée au milieu des brimades faites aux Noirs du temps de l’apartheid.
Souleymane Cissé a toujours été un cinéaste engagé, qui a porté plusieurs combats notamment sur la dignité humaine. Les nombreux obstacles qu’il a connus ne l’ont pas empêché d’être toujours positif et de garder son esprit d’ouverture.
Il a consacré un documentaire à l’Américain Martin Scorsese et un autre au Français Jean-Jacques Annaud. En 2013, il a rendu un hommage à Ousmane Sembéne avec « O’Sembéne » qui a démontré à quel point ils ont partagé dans leurs films respectifs le même engagement contre l’injustice.