Burkina Faso: Guerre à l'Est de la RDC - Kabila sort du bois

Joseph Kabila Kabange est donc sorti du bois. Enfin ! Retranché depuis 2019 dans sa ferme de Kingakati, enclave où il fit planter 10 000 arbres, importer 12 000 animaux sauvages et stationner trois avions de ligne personnels, l'ancien président de la République démocratique du Congo (RDC) vient de mettre fin à la diète médiatique qu'il s'était imposée.

Tandis que nombre de ses compatriotes s'interrogeaient sur ce si long silence alors que l'Est du pays est de nouveau sous occupation des rebelles du M23, mouvement soutenu par le Rwanda, voilà que le « Sénateur à vie » donne soudainement et opportunément de la voix.

En effet, dans une tribune publiée dimanche 23 février 2025 dans le journal sud-africain « The Sunday Times », Kabila-fils, arrivé au pouvoir en 2001 suite à l'assassinat de son père dans des circonstances troubles, livre sa clé de lecture sur la guerre qui a repris dans la partie orientale de la RDC. Et il n'y va pas de main morte. Bien au contraire.

L'ancien maquisard, formé au métier des armes par le chef d'état-major de l'armée rwandaise, James Kabarebe, a, à cette occasion, sorti l'artillerie lourde. Mais ne vous y méprenez pas. Ce n'était pas pour dégainer contre les hommes de Sultani Makenga qui, en l'espace d'un mois, ont marché successivement sur le Nord et le Sud du Kivu et n'entendent pas s'arrêter en si bon chemin. Joseph Kabila a plutôt pris pour cible son successeur, Félix Tshisekedi. En des critiques si étranges que l'on a du mal à reconnaître celui qui présidé deux décennies durant aux destinées du pays.

Morceaux choisis !

- « Il y a eu les simulacres d'élections de décembre 2023, organisées en violation du cadre juridique et des normes internationales ». On croirait entendre Corneille Nanga, chef de la branche politique du M23, celui-là même qui dénie aujourd'hui à Tshisekedi sa victoire après l'avoir déclaré vainqueur il y a deux ans.

- « Il s'agit d'un immense recul démocratique. Le régime actuel a muselé toute forme d'opposition politique. Intimidations, arrestations arbitraires, exécutions sommaires et extrajudiciaires ; ainsi de l'exil forcé de politiciens, journalistes et leaders d'opinion ». Que cela vienne de Kabila, autant dire que c'est l'hôpital qui se moque de la charité. Tant celui qui vient de se revêtir de la tunique de l'apôtre des droits de l'homme en fut l'un des pires fossoyeurs. Sous sa présidence, plusieurs centaines de personnes ont été tuées et des milliers d'autres séquestrées et torturées sous la férule de la Garde républicaine, de la Légion nationale d'intervention et de l'Agence nationale de renseignement.

- « Ce que les autorités de Kinshasa veulent faire croire, la crise [NDLR : A l'Est de la RDC] ne se limite pas aux actions incontrôlées du M23 présenté à tort comme un groupe anarchiste, un proxy d'un Etat étranger sans revendications légitimes ». N'est-ce pas le même Kabila qui, en 2012, avait refusé de négocier avec le même M23 qu'il qualifiait de « forces fictives mises en place par le Rwanda pour dissimuler ses activités criminelles en RDC » avant de citer en juillet de la même année le « Rwanda comme pays agresseur dans les affres que connaît la partie Est de la RDC ?

Une décennie après, coucou, revoilà Kabila. Mais cette fois-ci, sans la moindre compassion pour ces milliers de victimes civiles, pour ces centaines de milliers de déplacés, sans la moindre condamnation de la rébellion du M23, sans la moindre désapprobation des visées impérialistes de Paul Kagame sur les minerais stratégiques de l'Est de la RDC.

Cette sortie de l'ancien président intervient au moment où il renoue secrètement avec une certaine agitation politique. En témoigne sa rencontre suspecte en décembre dernier avec Moïse Katumbi, l'un des farouches opposants au président Tshisekedi, ou tout récemment le regain d'activisme observé au sein de son parti politique.

Autant dire que les choses sont devenues claires ou prennent le chemin de la clarté.

En effet, depuis longtemps, les autorités de Kinshasa ont accusé le reclus de la luxueuse ferme de Kingakati de connivence avec la rébellion : « Les vrais commanditaires se cachent. Et le vrai commanditaire de cette opposition, c'est mon prédécesseur, c'est Joseph Kabila. Mais il n'assume pas ses actions », avait en effet dénoncé Félix Tshisekedi lors de la Conférence de Munich sur la sécurité tenue le 14 février dernier.

Au moment où l'intégrité territoriale et la souveraineté politique de la nation sont de nouveau menacées, celui qui avait prêté serment de la défendre ne trouve pas mieux à faire que de nourrir le secret dessein d'en faire une occasion pour se remettre en selle.

Pire, en pactisant avec l'ennemi.

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