Congo-Kinshasa: Initiative diplomatique - Trois facilitateurs pour une mission bien compliquée

« Le glaive de la CPI plane sur le M23 », c'était le titre de notre éditorial du mercredi 19 février 2025 quand la Cour pénale internationale (CPI) avait commencé à s'intéresser aux exactions de toutes sortes commises sur les populations civiles par le Mouvement du 23-mars.

Il faut croire que le glaive se rapproche un peu plus de la tête de Sultani Makenga, chef de la rébellion. En effet, le procureur de la CPI, Karim Khan, a débarqué le lundi 24 février dans la soirée à Kinshasa en République démocratique du Congo. Il est prévu au programme de son séjour des rencontres avec le président Félix Tshisekedi, des membres du gouvernement et Bintou Keita, la représentante spéciale du secrétaire général des Nations unies.

Autant dire que les choses se précisent encore plus et le patron de la CPI entend faire de la justice une partie de la solution à la crise actuelle dans l'est de la RDC, au moment où de plus en plus des voix se lèvent contre les exactions que commettent les rebelles tout au long de leur avancée.

Cette analyse, on la voit déjà. D'aucuns diront encore que la CPI ne s'intéresse qu'aux criminels africains, mais encore faut-il que ces criminels ne commettent pas les faits pour lesquels ils sont dans le viseur de cette cour.

Après tout, si de nombreux responsables de crimes divers commis en Afrique ont été jugés et condamnés, d'autres ont pu être lavés de tout soupçon et acquittés, à l'image de Laurent Gbagbo, de Charles Blé Goudé et de Jean-Pierre Bemba.

La noirceur de la peau ne saurait être une excuse absolutoire pour empêcher la CPI d'enquêter.

Notons que la RDC est un grand pourvoyeur de pensionnaires de la prison de Scheveningen et d'accusés de La Haye. C'est même Thomas Lubanga, inculpé pour crime de guerre et condamné en 2012 à 14 ans de prison, qui a eu le privilège d'ouvrir la liste des personnalités. Après lui ont suivi Germain Katanga, emprisonné pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité, et Bosco Ntaganda, ancien chef du M23, condamné à 30 ans en 2019.

Le volet judiciaire de ce nouveau conflit qui ravage la RDC avance sans qu'on ne sache pour le moment à quoi vont mener ces échanges préliminaires, ces enquêtes, etc. Dieu seul sait si un jour il y aura un procès.

En attendant, sur le terrain, le M23 continue son avancée fulgurante pendant que les initiatives diplomatiques se poursuivent à un rythme inversement proportionnel à sa percée.

Ainsi, après le double sommet de Dar-es-Salaam en Tanzanie le 8 février, la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC) et la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) ont mandaté trois anciens chefs d'État comme facilitateurs en lieu et place du président angolais pour essayer de circonscrire autant que faire se peut ce nouvel incendie qui menace d'embraser toute la RDC.

L'ancien président kényan Uhuru Kenyatta, l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo et l'ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn formeront équipe.

Un trio de facilitateurs pour une mission bien compliquée, pour ne pas dire impossible. On se demande en effet comment les ex parviendront à réussir là où les présidents en exercice semblent avoir échoué.

L'ancien président nigérian Obasanjo incarne une certaine expérience en matière de résolution de conflits, notamment en RDC où il est déjà intervenu en 2009. Son solide réseau et son expérience dans la médiation serviront.

L'ancien président kényan, lui aussi, maîtrise le conflit militaro-politique de la RDC.

On ne doute pas des atouts de l'ex-Premier ministre éthiopien. Mais l'affaire est tellement inextricable qu'il faudra bien plus que leur volonté pour parvenir à quelque chose de concret et de solide.

La mission de ces chefs d'Etat est de superviser la mise en oeuvre du cessez-le-feu entre les parties au conflit. Ils devront également coordonner l'aide humanitaire et accompagner les discussions entre les parties prenantes en vue d'une résolution durable de la guerre à l'est de la RDC.

Un vaste programme à la dimension de l'immensité de ce géant aux pieds d'argile qu'est la RDC.

On ne peut donc que leur souhaiter bon courage au moment où ils s'apprêtent à se jeter à l'eau dans le fleuve Congo. On espère donc qu'ils n'auront pas à ramer comme des galériens pour ramener la paix.

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