Madagascar: Corruption à Antanimora - L'étau se resserre autour des agents pénitentiaires

Le ministre de la Justice a effectué une descente inopinée à la maison centrale d'Antanimora, hier. Une visite surprise qui lui a permis de constater des dysfonctionnements dans l'administration de cet établissement pénitentiaire.

Jouer la transparence. Tel a été l'objectif de Benjamin Alexis Rakotomandimby, ministre de la Justice, lors d'une descente inopinée à la maison centrale d'Antanimora, hier matin. Une descente à laquelle son département a convié une poignée de journalistes, à qui la consigne stricte de ne pas faire fuiter le programme a été donnée.

Le rendez-vous a ainsi été fixé à 7 h 30, hier. Après un briefing dans le bureau du chef d'établissement, il lui a demandé de servir de guide pour cette visite surprise. La procureure de la République du tribunal de première instance d'Antananarivo, la directrice générale de l'administration pénitentiaire, ainsi que le directeur régional de l'administration pénitentiaire ont également pris part à cette visite.

Visiblement, le principal objectif du ministre Rakotomandimby était de constater et de montrer aux journalistes l'effectivité d'une décision qu'il a prise il y a deux semaines : la fermeture du pôle dénommé «Maputo». Comme il l'a expliqué, l'idée à l'ouverture de ce pôle était d'accueillir les détenus politiques. Ce qui explique pourquoi il a été nommé ainsi, en référence à la capitale du Mozambique, où s'étaient déroulées les négociations pour la sortie de crise de 2009.

«Actuellement, il n'y a plus de détenus politiques, donc le pôle Maputo n'a plus de raison d'être», a déclaré le garde des Sceaux. Il a ajouté que cette fermeture répondait également à un souci d'égalité de traitement pour tous les détenus, en soulignant : «J'ai également pris cette décision afin de vous protéger et de vous préserver des suspicions de corruption», s'adressant aux responsables et agents pénitentiaires présents lors de sa visite.

Sans effet

Sans détour, le ministre de la Justice a précisé que «des voix affirment que ce sont des détenus privilégiés qui paient des millions d'ariary pour être transférés au pôle Maputo. C'est donc pour faire taire ces rumeurs et préserver votre réputation que j'ai décidé de le fermer». Le directeur de l'établissement d'Antanimora affirme, pour sa part, que l'incarcération des détenus dans ce pôle serait antérieure à sa nomination, qui date du dernier trimestre de l'année dernière.

En principe, la quarantaine de détenus du pôle Maputo devait être transférée dans le bloc dénommé «bloc travailleurs» depuis quelques jours, à l'exception de ceux nécessitant des soins et placés à l'infirmerie. Lors de la visite d'hier, les anciens résidents du pôle étaient bel et bien présents dans la zone indiquée. L'un d'eux était alité à l'infirmerie. Seulement, l'impression générale laissait penser à une mise en scène, comme si la consigne de discrétion absolue sur cette descente n'avait pas été respectée.

Une fois arrivé dans le pôle Maputo, le garde des Sceaux, sa délégation et les journalistes ont pu constater de visu que l'endroit était toujours opérationnel. La décision de fermeture ne semblait pas avoir été appliquée. Dès l'entrée, un agent pénitentiaire a été surpris devant des ustensiles de cuisine sales, avec des résidus de repas dans une bassine, sous un robinet ouvert, prêt à être lavé. Certaines chambres gardaient encore l'odeur du déodorant.

Dans d'autres pièces, des assiettes contenant des restes de repas - probablement du dîner de la veille - traînaient. Une bouteille de jus à moitié vide par-ci, une bouteille en verre contenant une mixture par-là, des brosses à dents et du dentifrice à côté de rice-cookers et de bouilloires, des réserves d'aliments au congélateur, des vêtements et sous-vêtements suspendus sur des cordes à linge, ou encore des serviettes encore mouillées étendues aux pieds de certains lits. Autour ou au-dessus de ces derniers, des effets personnels - comme une bandoulière - étaient encore visibles.

Face à cette situation, le ministre de la Justice a immédiatement ordonné : le déménagement des effets personnels des détenus, la coupure de l'eau et de l'électricité, ainsi que la fermeture effective du pôle Maputo avant la fin de sa tournée de la maison centrale d'Antanimora. Il a également exigé que les clés soient remises à la directrice générale de l'administration pénitentiaire.

Il a indiqué qu'une réflexion serait menée sur la réutilisation du pôle Maputo, en avançant l'éventualité d'y transférer les détenus âgés de 70 ans et plus.

Selon le garde des Sceaux, il est probable que le pôle Maputo, réservé aux femmes, fasse également l'objet d'une décision de fermeture, en attendant une réflexion sur son usage futur. Lors des échanges d'hier, il a été avancé qu'au regard de la situation, les transferts au pôle Maputo, y compris celui des femmes, étaient déclenchés soit «par des interventions, soit par des actes de corruption». La décision de fermeture vise donc à mettre un terme à ces pratiques.

Par ailleurs, le cas des détenus incarcérés dans l'ancien Centre de traitement Covid-19 (CTC) de la prison d'Antanimora sera également réévalué, toujours dans l'idée d'en finir avec les traitements de faveur. Ceci, en attendant le début imminent du processus de désengorgement d'Antanimora, qui passera par le transfert d'une partie des détenus vers la nouvelle prison d'Ambohidrabiby, selon des critères équitables.

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