Le 24 février 2025, le conseil d'administration du FMI a conclu les entretiens annuels avec la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) sur les politiques communes des pays membres et les politiques communes à l'appui des programmes de réforme de ces pays[1].
L'économie de la CEMAC a connu un ralentissement en 2023, sous l'effet d'une baisse de la production d'hydrocarbures, et la croissance du PIB réel a marqué le pas pour s'établir à 2,5 %. La position extérieure s'est également affaiblie. Alors que le rythme d'accumulation des réserves de change diminuait, leur couverture est restée inférieure aux niveaux adéquats.
L'activité économique a connu une légère progression en 2024, avec une croissance du PIB réel estimée à 3,2 %, soutenue par une reprise de la production d'hydrocarbures. Toutefois, les assurances régionales relatives aux avoirs extérieurs nets (AEN) pour fin juin 2024 (4,5 milliards d'euros) n'ont pas été atteintes, s'établissant à 4,43 milliards d'euros.
En outre, les données préliminaires indiquent que les assurances relatives aux AEN à fin décembre 2024 ne seront probablement pas respectées. Cela reflète un affaiblissement de la position extérieure dû à la baisse des prix du pétrole et aux dérapages budgétaires. L'inflation est restée élevée, à 4,3 % en septembre 2024, dépassant ainsi le critère de convergence régional.
Si les autorités régionales ont maintenu une orientation satisfaisante de leur politique monétaire, les progrès concernant le programme de réformes ont quelque peu ralenti. Lors de sa réunion de septembre 2024, la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC) a décidé de maintenir le taux directeur inchangé à 5 % et de poursuivre ses injections hebdomadaires de liquidités au titre de son guichet principal de refinancement, afin d'atténuer la volatilité accrue des conditions de liquidité dans le système bancaire.
La BEAC a également enregistré des progrès sur le plan de l'application de la réglementation sur les changes. La BEAC et la Commission bancaire de l'Afrique centrale (COBAC) ont maintenu leurs échanges avec les banques structurellement dépendantes du refinancement de la BEAC, afin de s'assurer que ces banques soumettent des plans de refinancement réalistes.
La commission de la CEMAC a poursuivi ses consultations au titre de la surveillance régionale dans les États membres, tandis que le secrétariat permanent du Programme de réformes économiques et financières de la CEMAC (PREF-CEMAC) a continué de mettre en oeuvre la matrice d'action des réformes structurelles de la région.
Les perspectives restent assombries par de grandes incertitudes. Sa trajectoire dépend de la mise en oeuvre effective de mesures correctrices par les pays membres, conformément à l'engagement pris lors du sommet extraordinaire des chefs d'État de décembre 2024 pour corriger les déséquilibres macroéconomiques, renforcer les institutions régionales et faire avancer les réformes structurelles.
À court terme, la croissance du PIB réel devrait ralentir pour s'établir à 2,8 % en 2025, principalement en raison de la baisse de la production pétrolière. L'inflation devrait continuer de baisser pour s'établir à 3,1 % d'ici à la fin de 2025, sous l'effet décalé des mesures passées de resserrement et de la baisse des prix mondiaux des produits de base.
Des risques importants de détérioration persistent, notamment les retards dans la correction des dérapages budgétaires, la baisse des prix des matières premières, le resserrement des conditions financières, l'incertitude politique accrue dans un contexte électoral chargé en 2025, l'inflation persistante, l'instabilité financière, la lenteur des progrès des réformes structurelles, l'insécurité alimentaire, les conflits internes et les perturbations liées au climat.
À moyen terme, la croissance devrait se raffermir pour atteindre 3,6 % d'ici à 2029, principalement sous l'effet d'un rebond du secteur non pétrolier. Des réformes structurelles visant à améliorer la gouvernance et le climat des affaires ainsi qu'à élargir l'accès au financement devraient favoriser la croissance potentielle. Les pays membres devraient mettre en oeuvre des mesures de rééquilibrage budgétaire soutenues, la dette publique devant tomber à 42 % du PIB d'ici à 2029, contre 50,9 % du PIB en 2024.
Le solde du compte courant devrait se détériorer pour atteindre -2,2 % du PIB d'ici 2029, contre -1,2 % du PIB en 2024, principalement en raison de la baisse des recettes et de la production des exportations d'hydrocarbures. Les efforts d'ajustement des États membres devraient stabiliser la couverture des réserves à environ 4,3 mois d'importations prospectives à moyen terme, légèrement en dessous des indicateurs d'adéquation des services du FMI pour une union monétaire riche en ressources naturelles (5 mois).
Évaluation par le conseil d'administration[2]
Les administrateurs souscrivent à l'orientation générale de l'évaluation effectuée par les services du FMI. Ils notent que l'économie s'est essoufflée en raison de la contraction de la production d'hydrocarbures et d'un ralentissement de la croissance du secteur non pétrolier. Dans un contexte marqué par un affaiblissement de la position extérieure, d'importants déséquilibres budgétaires, des tensions accrues sur le marché régional de la dette et une grande incertitude, ils soulignent l'urgence d'un ajustement adéquat des politiques macroéconomiques et de la poursuite des réformes afin de renforcer la résilience aux chocs et préserver la stabilité macroéconomique et financière.
Les administrateurs saluent l'engagement pris lors du sommet extraordinaire des chefs d'État de décembre 2024 en faveur d'une correction des déséquilibres macroéconomiques, du renforcement des institutions régionales et de la priorité accordée aux réformes structurelles, afin d'assurer une répartition équitable de la charge d'ajustement et de renforcer la stabilité extérieure de l'union monétaire.
Ils exhortent les autorités de la CEMAC à accélérer l'assainissement des finances publiques conformément à ces engagements et soulignent la nécessité d'accroître les recettes fiscales non pétrolières et d'améliorer l'efficience des dépenses, notamment en finalisant les réformes des subventions à l'énergie, tout en mettant en place des filets de protection sociale ciblant les populations les plus vulnérables. L'amélioration de la gestion des finances publiques et de la dette, ainsi que la résolution des arriérés seront également indispensables.
Les administrateurs conviennent que la BEAC devrait maintenir une politique monétaire avec un biais restrictif et ne réduire ses taux d'intérêt que lorsque des signes tangibles indiqueront que l'inflation se rapproche du critère de convergence régionale et que les risques pour la stabilité extérieure se sont atténués. Compte tenu des tensions persistantes sur la liquidité, la BEAC devrait poursuivre ses opérations d'apport de liquidités tout en intensifiant ses efforts pour remédier à la fragmentation du système bancaire. Il demeure également essentiel de continuer à faire respecter la réglementation des changes.
Les administrateurs réitèrent qu'une action collective énergique des autorités nationales et régionales s'impose pour préserver la stabilité financière. Les priorités doivent être de renforcer la capacité de supervision de la COBAC, d'appliquer rigoureusement les réglementations en cas de non-respect des règles, de prendre des mesures résolues de recapitalisation ou de résolution des banques fragiles, de veiller à ce que les banques tiennent compte de manière adéquate de leur exposition au risque souverain, de gérer les nouveaux risques liés aux paiements et aux actifs numériques, et de renforcer le cadre de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Les administrateurs réaffirment qu'il importe de renforcer le cadre de surveillance régionale et souhaitent que des efforts supplémentaires soient déployés pour adopter le projet de mécanisme de sanctions pour les infractions aux règles de surveillance régionale.
Les administrateurs insistent sur l'importance d'accélérer les réformes structurelles visant à renforcer la gouvernance et la réglementation, le capital humain, l'adaptation au changement climatique, ainsi que les infrastructures à l'échelle régionale, ce qui contribuerait à stimuler la croissance potentielle, la diversification économique et la résilience.
Les administrateurs déplorent que la BEAC n'ait pas atteint l'assurance régionale relative aux avoirs extérieurs nets pour juin 2024 et que l'objectif de décembre 2024 ne sera probablement pas atteint, contrairement à l'engagement pris en juin 2024. Ils considèrent que les autorités ont pris ou se sont engagées à prendre des mesures correctrices suffisantes pour y remédier lors du sommet extraordinaire des chefs d'État de décembre 2024 et souscrivent à leur assurance quant à l'accumulation d'avoir extérieurs nets pour fin mars 2025 et fin juin 2025, conformément aux engagements pris en février 2025. Les administrateurs souscrivent également aux nouvelles assurances relatives à la stabilité financière. Ils soulignent que la mise en oeuvre de ces assurances sera essentielle pour garantir le succès des programmes appuyés par le FMI dans les pays membres de la CEMAC.
[1] Conformément aux dispositions de l'article IV de ses statuts, le FMI procède, habituellement chaque année, à des consultations bilatérales avec ses pays membres. Dans le contexte de ces consultations bilatérales au titre de l'article IV, les services du FMI organisent des entretiens annuels séparés avec les institutions régionales responsables des politiques communes dans quatre unions monétaires -- la zone euro, l'Union monétaire des Caraïbes orientales, l'Union économique et monétaire de l'Afrique centrale et l'Union économique et monétaire ouest-africaine.
Pour chacune de ces unions monétaires, les équipes des services du FMI se rendent dans les institutions régionales responsables des politiques communes de l'union monétaire, recueillent des données économiques et financières, et s'entretiennent avec les responsables de l'union monétaire de l'évolution et des politiques économiques de l'union. De retour au siège, les membres de la mission rédigent un rapport qui sert de cadre aux délibérations du conseil d'administration. Les entretiens des services avec les institutions régionales et l'examen du rapport par le conseil d'administration font partie intégrante des consultations au titre de l'article IV avec chaque pays membre.
[2] À l'issue des délibérations, la directrice générale, en qualité de présidente du conseil d'administration, résume les vues des administrateurs, et ce résumé est communiqué aux autorités nationales. Une explication des termes utilisés dans le résumé se trouve ici : https://www.imf.org/external/french/np/sec/misc/qualifiersf.htm.