Gabon: Des initiatives scolaires pour préserver les langues locales, menacées par le français

Contrairement à tous les pays d'Afrique centrale, le Gabon est l'un des rares pays qui ne dispose d'aucune langue nationale. Plus grave encore, les langues maternelles ou vernaculaires sont de moins en moins parlées par les jeunes. Le constat est alarmant : ces langues sont en voie de disparition. Le gouvernement a décidé de sauver ses langues, avalées par le français, la langue officielle du pays, mais tout n'est pas encore au point pour enseigner ces langues dans les écoles. En attendant, quelques écoles tentent d'enseigner ces langues avec les moyens du bord.

C'est le cours préféré de la maîtresse Sylvana Moussounda, du complexe scolaire les Dauphins. L'apprentissage du Punu, l'une des langues parlées dans le sud du Gabon. « On répète », demande-t-elle aux élèves. L'enseignante, elle-même, n'a aucune formation pour enseigner cette langue. « En attendant le programme officiel, on anticipe d'abord avec les enfants de cette manière. »

Chaque jour, de lundi à vendredi, Radio Gabon organise une compétition en langue nationale. « Le polyglotte » est l'une des principales initiatives pour inciter les Gabonais à parler leurs langues maternelles, qui se meurent peu à peu. Théophile Lié Moubassango est l'animateur de ce défi, qui dure depuis 30 ans. « J'ai 53 minutes par présentation et j'ai un rythme d'un coup de fil par minute. »

Les conséquences du colonialisme

Antoine Essono, sexagénaire, pense que le colon français a tout fait pour tuer les langues maternelles en obligeant tout élève qui parlait sa langue à l'école à porter un crâne de singe, appelé « symbole ».

« La principale conséquence : ça nous a amenés à négliger nos propres langues vernaculaires et à privilégier la langue du blanc. Ça a eu des répercussions sur la conservation de nos langues. »

Le Gabon face à un défi pédagogique

65 ans après son indépendance, le Gabon conçoit enfin des outils pédagogiques pour enseigner quelques langues locales à l'école. Les initiatives pour sauver les langues ne manquent pas. Désormais, pour être candidat à une élection présidentielle, il faut obligatoirement parler au moins une des 56 langues locales.

Est-ce que cela suffit pour éviter la disparition de ces langues locales ? Pas si sûr, estime le linguiste Franck Idiata, enseignant-chercheur à l'Université Omar Bongo de Libreville.

Pourquoi les langues se perdent ? Les langues se perdent à cause du modernisme, à cause du changement de vie. On vit en ville plutôt qu'au village. Or, la langue gabonaise a plus de fonctions dans le village où elle est pratiquée, alors qu'en ville, c'est la langue d'intégration qui est la langue officielle du pays, qui est le français. A cela s'ajoute l'école, l'école en français, la vie du pays en français, l'administration en français, l'Église en français, toutes les fonctions de communication en français. Voici la raison qui fait que, malheureusement, de plus en plus d'enfants perdent aujourd'hui les langues des différentes communautés nationales dites langues nationales. Je crains que ce soit irréversible pour une grande majorité de langues. Certaines vont résister un peu plus longtemps, celles dont les individus ont finalement pris conscience de leur intérêt et qui vont faire en sorte de les transmettre aux enfants. Voilà la solution. Il n'y a pas de miracle.

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