Si l'usine de décorticage de riz se trouve à la lisière de Mahasolo, un village rural situé dans le centre de Madagascar, elle occupe cependant une place centrale dans la vie de ses habitants.
« C'est ici que nous versons le riz paddy », indique l'opérateur, Rakotomalala Nary. Il explique le fonctionnement de la décortiqueuse d'aspect archaïque, le claquement de ses tongs rythmant ses déplacements dans la pièce en béton sans fenêtre.
Il nous montre quelques tiges de riz, encore vertes, fraîchement récoltées dans les rizières gorgées d'eau qui entourent Mahasolo. La plupart des habitants de cette région vivent de la riziculture et travaillent dans les champs de l'aube au crépuscule. D'autres cultures sont pratiquées, mais à l'instar de la vanille - produit d'exportation emblématique de Madagascar - rares sont celles destinées à la consommation locale. Le riz, en revanche, fait exception. Souvent servi avec des légumes, un bouillon et un morceau de viande (quand il y en a), il constitue l'aliment de base des paysans malagasy.
« Vous ajustez le rouleau de cette manière et vous versez le riz », poursuit Rakotomalala. « Un second rouleau épluche les grains, et vous obtenez du riz décortiqué. Il faut souvent répéter l'opération à plusieurs reprises. »
Lorsque la machine est mise en marche, elle se met à vrombir, émettant un bruit assourdissant tandis que des émanations de diesel nocives envahissent la petite pièce. Rakotomalala désigne le coupable du doigt : le générateur diesel qui alimente la décortiqueuse.
Comme de nombreux habitants des zones rurales de Madagascar, Rakotomalala n'a pas qu'un seul emploi, et réalise toutes sortes de travaux au sein du village pour compléter ses revenus. Outre la gestion de la rizerie, il exerce également les fonctions de chauffeur et de mécanicien. Sa connaissance des moteurs ne lui sert pas seulement à réparer les voitures.
« Le générateur diesel tombe souvent en panne », explique-t-il avec une pointe de lassitude dans la voix. « Je dois acheter les pièces, comme les segments de piston et les chemises de cylindre, et effectuer les réparations moi-même. Plus les pièces du générateur sont usées, plus il consomme de carburant et d'huile. Nous devons acheter le diesel à une personne qui se fournit à la station-service la plus proche, le transporte jusqu'ici ce qui augmente donc le prix pour nous. »
La rizerie du village voisin ne connaît aucun de ces problèmes. Sa décortiqueuse est plus efficace, ne pollue pas l'air et assourdit moins les opérateurs. Elle fonctionne à l'électricité, un « luxe » hors de portée pour le village de Mahasolo, éloigné du réseau électrique nationale, vieillissant et défaillant, de Madagascar - qui ne dessert que 10 % de la population du pays.
C'est pour des entreprises comme la rizerie de Mahasolo que l'initiative de Sustainable Energy for All (SEforALL) aide les communautés du Bénin, de Madagascar, du Nigéria, de la République Démocratique du Congo, de la Sierra Leone et de la Zambie à accéder à une énergie abordable, fiable et durable. SEforALL a créé le Fonds pour l'Accès Universel à l'Energie (Universal Energy Facility (UEF) en anglais) en 2020. Ce fonds multi donateurs, axé sur les résultats, aide les développeurs de mini-réseaux solaires à déployer leur technologie dans les endroits où elle fait cruellement défaut. En janvier 2025, plus de 40 000 Malagasy ont désormais accès à l'électricité produite à partir de l'une des principales ressources renouvelables du pays : le soleil.
Partout où ils sont présents, les mini-réseaux par l'UEF changent la donne et améliorent considérablement la vie de la population.
Au cours de l'été 2024, des lampadaires solaires ont été installés par le développeur et opérateur de mini-réseaux Africa GreenTec à Mahasolo, qui jusque-là, n'avait jamais eu d'éclairage public extérieur. Les témoignages des vendeurs de marché et des commerçants font état des mêmes difficultés : la frustration de devoir interrompre leur activité dès la tombée de la nuit et les coupures d'électricité pendant les heures de grande affluence, ce qui entraîne la déception des clients et la perte de revenus. Si certains ont accès à des panneaux solaires et sont fiers de faire fonctionner leur négoce grâce à une électricité durable, ces installations solaires souvent obsolètes ne sont pas toujours en mesure de fournir suffisamment d'électricité pendant la saison des pluies à Madagascar, caractérisée par de fréquents orages.
Désormais, grâce au mini-réseau solaire construit par Africa GreenTec, certains commerces de Mahasolo peuvent rester ouverts le soir. Et, à en juger par les chalands qui se promènent à la lueur des lampadaires, les habitants ne craignent plus de sortir après la tombée de la nuit. Du jour au lendemain, les soirées ont changé du tout au tout dans le village.
Les mini-réseaux facilitent également la vie des élèves. Un jeune de 17 ans en dernière année au lycée de Mahasolo, explique qu'il est difficile d'étudier sans un accès fiable à l'électricité. Il évoque les soirées passées à étudier à la lueur d'une bougie, ou sous l'éclairage d'un générateur bruyant et polluant. La situation dans les établissements scolaires est elle aussi difficile.
« Il n'y a pas d'électricité dans l'école où je travaille », rapporte le révérend Ndriana, un enseignant local. « Pendant la saison sèche, lorsque le soleil se couche tôt, nous devons arrêter les cours dès qu'il fait trop sombre. De plus, nous ne pouvons pas enseigner comme nous le voudrions, en utilisant des technologies telles que des ordinateurs et des imprimantes. »
Tout le monde s'accorde à dire que la fourniture d'électricité fiable par le mini-réseau d'Africa GreenTec, avec le soutien de l'UEF a déjà eu, et continuera d'avoir, des répercussions considérables.
De retour à la rizerie, interrogé sur son raccordement à venir auprès du mini réseau solaire de Mahasolo, Rakotomalala exprime déjà son soulagement. « J'ai hâte de pouvoir travailler dans le calme et de ne plus avoir à réparer le générateur aussi souvent. Cela dit, la transition ne se fera sans doute pas sans quelques problèmes et je ne sais pas encore combien coûtera l'électricité », admet-il.
Rakotomalala, le révérend Ndriana et les autres villageois savent que l'accès à une électricité fiable ne mettra pas fin à toutes les difficultés auxquelles ils font face. Cependant, en plus de mettre en lumière les problèmes rencontrés dans les zones rurales de Madagascar, les nouvelles connexions permises grâce au mini réseau solaire vont contribuer à améliorer la vie quotidienne à Mahasolo, que ce soit dans sa rizerie, ses écoles, ses commerces ou au sein des foyers.