Les Etats de la Ligue arabe se retrouvent ce mardi au Caire pour élaborer une réponse aux Etats-Unis qui veulent transformer la bande de Gaza en "Riviera du Moyen-Orient".
Donald Trump et Benjamin Netanyahu, tous deux couchés sur des transats, en maillot de bain, un cocktail à la main. La bande de Gaza est passée d'une zone de guerre en ruines à une station balnéaire, avec des gratte-ciels ultramodernes, des statues gigantesques du président américain en or massif et des casinos. Une voix promet "plus de tunnels, plus de peur, le Gaza de Trump est enfin là".
Ces images, on peut les voir dans une vidéo créée par intelligence artificielle publiée sur le compte Instagram officiel du milliardaire, dont la vision d'une "Riviera du Moyen-Orient" a provoqué une indignation internationale.
Car ce qui n'est pas mentionnée dans cette vidéo, est que le plan comprend l'expulsion d'environ deux millions de Palestiniens vers l'Égypte ou encore la Jordanie. Pour les Nations unies, une telle démarche pourrait être considérée comme un nettoyage ethnique.
C'est donc pour élaborer une réponse à cette vision Trump, que se réunissent ce mardi les leaders des Etats de la Ligue arabe au Caire.
Selon les agences onusiennes, environ 48 000 personnes ont été tuées par l'armée israélienne dans l'enclave palestinienne et plus de 60 % des bâtiments ont été détruits, lors de l'opération militaire en représailles à l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, lors de laquelle près de 1.200 personnes ont été tuées et 250 personnes prises en otage par l'organisation classée terroriste par l'Union européenne, les Etats-Unis ou encore l'Allemagne.
La reconstruction coûte des milliards
La Banque mondiale estime que plus de 50 milliards d'euros seront nécessaires pour reconstruire la bande de Gaza sur une période de dix ans. Au cours des trois premières années, près de 19 milliards d'euros sont nécessaires pour rétablir les services de base, reconstruire les infrastructures et animer une reprise économique.
Cette reconstruction sera au coeur du sommet de la Ligue arabe. "L'Égypte vise clairement à présenter un plan alternatif à la proposition de Donald Trump pour la bande de Gaza", estime Riccardo Fabiani, du groupe de réflexion International Crisis Group.
Pour lui, "les deux principes de la proposition arabe pour la reconstruction de la bande de Gaza sont une stratégie politique pour le futur, basée sur la solution à deux États. Il n'y a aucune proposition pour l'expulsion de la population palestinienne locale".
Des consultations avec le Hamas ?
Mais la marge de manoeuvre de la Ligue arabe semble limitée. Pour Riccardo Fabiana, "il n'y a pas beaucoup d'options qui pourraient être considérées comme acceptables par les Américains et les Israéliens", note l'expert, alors qu'Israël a répété à plusieurs reprises ne pas soutenir la création d'un État palestinien indépendant.
"Les chefs d'État arabes proposeront également de mettre en place un comité d'experts qui pourrait superviser la reconstruction", prévoit Riccardo Fabiani. Néanmoins, un tel comité d'ingénieurs, d'architectes, et d'économistes devrait également être accepté par le Hamas à Gaza.
"Pour les Égyptiens, il sera crucial que le Hamas ne soit pas directement impliqué dans les négociations, mais qu'il soit néanmoins consulté sur les efforts de reconstruction dans la bande de Gaza", estime le chercheur. Les Israéliens, en revanche, ne veulent en aucun cas impliquer le Hamas dans le processus, et les États-Unis sont également très sceptiques.
Nathan Brown, professeur de sciences politiques et d'affaires internationales à l'Université George Washington, considère qu'une proposition arabe commune une "idée théoriquement très forte" qu'il serait difficile d'ignorer par l'administration américaine, si la Ligue arabe dit vouloir aider à la reconstruction de Gaza et à normaliser les relations entre l'Arabie saoudite et Israël.
"Problèmes internes du monde arabe"
Dans la pratique, cependant, les obstacles sont nombreux. "Premièrement, le président américain lui-même est notoirement imprévisible. En outre, il y a une résistance de la part des alliés de la droite israélienne au sein du gouvernement américain", explique Nathan Brown. Enfin, selon lui, "Israël lui-même est un obstacle très important dans le processus".
Par conséquent, "toute initiative arabe basée sur le traitement des Palestiniens comme une entité nationale devrait être forte et convaincre d'une manière ou d'une autre le public israélien", ou bien les Etats arabes parviennent à convaincre les États-Unis d'exercer une pression intense sur Israël.
Enfin, il existe aussi les "problèmes internes au monde arabe", note le professeur, qui prédit qu'il est "peu probable que ces pays réussissent maintenant à définir un objectif stratégique et à le poursuivre".
Malgré ces adversités, la situation actuelle pourrait s'avérer être une opportunité. Sigrid Kaag, la nouvelle coordinatrice spéciale de l'Onu pour le processus de paix au Moyen-Orient, a déclaré au Conseil de sécurité qu'il pourrait s'agir de "la dernière chance de parvenir à une solution à deux États".