Sénégal: Idée de justice transitionnelle dans le cadre du règlement des évènements politiques de 2021 à mars 2024 - Alioune Tine « seul contre tous »

Evoquée par le président fondateur d'Afrikajom center, Alioune Tine, lors de son passage dans l'émission Objection de la radio Sudfm du dimanche 02 mars, l'idée d'une justice transitionnelle dans le cadre du règlement du dossier relatif aux évènements politiques de 2021 à mars 2024 ne semble faire l'unanimité au sein de certains responsables d'organisation de défense des droits humains.

En effet, interpelés par Sud Quotidien hier, lundi 3 mars sur cette proposition de leur collègue, Seydi Gassama, directeur exécutif de la section sénégalaise d'Amnesty international, Alassane Seck, président de la Ligue sénégalaise des droits de l'homme, et Babacar Ba du Forum du justiciable ont quasiment remis en question cette idée.

L'approche d'une justice transitionnelle dans le cadre du règlement de la question relative aux évènements politiques de 2021 à mars 2024 préconisée par le président fondateur d'Afrikajom center, Alioune Tine ne passe pas chez certains de ses collègues responsables d'organisations de défense des droits humains. Invité de l'émission Objection de la radio Sudfm du dimanche 2 mars dernier, l'ancien président de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme (Raddho), répondant à une interpellation de Baye Oumar Guèye sur le débat relatif à la suppression de la loi d'amnistie avait, en effet, préconisé une approche qui va au-delà du traitement judiciaire des événements couverts par cette loi.

« Il nous faut une Commission vérité, justice et réconciliation pour qu'on discute et qu'on fasse une très forte introspection d'abord. Qu'on se parle pour savoir la vérité, ce qui s'est passé, une véritable introspection, vider les colères, vider les haines et se pardonner. On prend le temps de la réconciliation, de connaître la vérité. Ensuite, la justice pourra intervenir, si on l'estime tous même si ça prend du temps », avait-il suggéré.

« On n'a pas besoin pour cela de Commission justice et réconciliation »

Seulement, interpelé par Sud Quotidien hier, lundi 3 mars, sur cette proposition, Seydi Gassam, Directeur exécutif de la section sénégalaise d'Amnesty international a été catégorique. « Nous ne partageons pas cette idée de justice transitionnelle. Nous sommes en désaccord total avec cette idée de Alioune Tine pour la simple raison que le Sénégal n'a pas connu une guerre civile », a-t-il martelé avant de poursuivre.

« On n'a pas connu des violations de droits humains d'une ampleur qui pourrait amener à emprunter cette voie. Pour les personnes décédées, nous, à Amnesty, nous avons documenté à peu près 65 personnes décédées. Pour toutes ces personnes décédées, les familles ont porté plainte, à travers leurs avocats au niveau des cabinets d'instruction.

Et là, on ne peut pas nous dire que les cabinets d'instruction vont être submergés à cause de l'instruction de 65 plaintes des familles de personnes décédées. Donc, il faut aujourd'hui que cette loi d'amnistie soit abrogée et que ces plaintes qui ont été déposées soient instruites et que la vérité soit faite sur les circonstances dans lesquelles elles (victimes) sont décédées. On n'a pas besoin pour cela de Commission justice et réconciliation. On a juste besoin que justice soit rendue aux victimes et à leurs familles et que l'impunité ne prévale plus dans ce pays ».

« Ce qui s'est passé entre 2021 et 2024 ne doit pas être oublié et effacé ».

Abondant dans le même sens, Alassane Seck, président de la Ligue sénégalaise des droits de l'homme, rappelant que son organisation fait partie des premières à dénoncer cette loi d'amnistie, a indiqué lui aussi qu'il est hors de question que ce qui s'est passé entre 2021 et 2024 soit oublié et effacé. « Ce qui s'est passé entre 2021 et 2024 ne doit pas être oublié et effacé.

On doit situer les responsabilités et sanctionner tous ceux qui seront reconnus comme acteurs de faits malveillants. Le Sénégal fait partie des premiers pays à ratifier les statuts de Rome qui ont créé la Cour pénale internationale (Cpi). Pour cette raison, notre pays n'a pas le droit de fermer les yeux sur ce qui s'est passé entre 2021 et 2024 ».

« Avant de parler de cette commission, il faut d'abord situer les responsabilités »

Pour sa part, Babacar Ba du Forum du justiciable qui ne rejette pas cette idée de Alioune Tine précise tout de même que l'approche d'une justice transitionnelle dans le cadre du règlement de ce dossier relatif aux évènements politiques de 2021 à mars 2024 doit intervenir après le travail de la justice. « Alioune Tine a certes fondé sa proposition sur son expérience de la sous-région mais ici, au Sénégal, on ne peut pas mettre sur pied cette commission tant que la justice n'a pas encore situé les responsabilités », a assuré le président du Forum du justiciable.

« Le premier acte à poser dans le cadre de cette affaire, c'est de laisser la justice faire son travail. La justice doit organiser un procès pour situer les responsabilités. Et si on veut aller dans le sens d'une réconciliation, on peut mettre cette commission dont parle Alioune Tine. Car, cette commission ne peut pas situer les responsabilités parce qu'elle n'a pas cette prérogative. Son rôle, c'est de voir comment installer la paix définitivement en rapprochant les différentes parties pour créer les conditions d'un dialogue, d'écoute et de réconciliation », a encore ajouté Babacar Ba qui insiste.

« Avant de parler de cette commission, il faut d'abord situer les responsabilités. Car, sans justice préalable, il sera très difficile de parler de réconciliation sincère. Donc, la justice doit d'abord situer les responsabilités avant de parler de réconciliation. On aura besoin certainement de cette commission dans le sens de réconcilier les Sénégalais mais ça sera après le travail de la justice ».

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