Congo-Kinshasa: Audition Mgr Donatien N'Shole - Quel péché le prélat a-t-il commis ?

C'est le temps des auditions en République démocratique du Congo. Le week-end écoulé, deux poids lourds de la scène sociale et politique ont en effet été entendus par les services de sécurité.

C'est d'abord Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire général du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), puis le secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), Monseigneur Donatien N'Shole.

Face à eux, un "tribunal" composé du chef de l'Agence nationale de renseignement (ANR), du patron de la direction générale des migrations et du vice-Premier ministre chargé de l'Intérieur. Des auditions en lien avec le nouveau conflit que vit le pays, marqué par une percée fulgurante de l'AFC/M23 qui, après avoir pris Goma Bukavu, est maintenant à Mwenga, au Sud-Kivu. Il est reproché aux mis en cause d'avoir d'éventuels liens avec certains acteurs politiques et religieux ainsi que des mouvements susceptibles de menacer la sécurité nationale.

Les relations entre le pouvoir congolais et l'ancien président Joseph Kabila sont particulièrement tendues. Félix Tshisekedi n'avait d'ailleurs pas manqué de suspecter son prédécesseur de collusion avec la rébellion du M23. Petit Kabila, après avoir observé le silence pendant un long moment, a fini par sortir du bois dans une tribune publiée par le journal sud-africain The Sunday Times. Un pamphlet dans lequel il s'est bien gardé de dénoncer l'agression dont est victime son pays de la part du Rwanda tout en sortant l'artillerie lourde contre son successeur. Il y a donc un sentiment plus ou moins légitime de suspicion à l'endroit de l'ancien parti au pouvoir qui explique l'audition Emmanuel Ramazani Shadary. Le PPRD a, dans une certaine mesure, aggravé son cas après la déclaration d'Aubin Minaku, ancien président de l'Assemblée nationale, qui a affirmé que la clandestinité est finie. Une assertion qui avait été interprétée par les autorités comme un appel à des actions subversives.

Mais si l'interrogatoire de Ramazani Shadary peut se comprendre dans une certaine mesure, plus problématique est celle du secrétaire général de la Cenco. Le seul péché de l'évêque serait la dénonciation d'actes de violence contre des personnes d'expression swahili.

En réalité, Fatshi ne pardonne pas à la Cenco, qui a entrepris avec les pasteurs évangéliques une mission de bons offices qui les avait conduits à Goma, à Kigali et en Belgique, appelant à un dialogue entre toutes les parties, notamment entre le pouvoir congolais et la rébellion du M23, au grand dam des autorités congolaises qui ne veulent pas en entendre parler et avaient tout de suite désavoué ladite mission. Mais de là à auditionner la Cenco, il y a peut-être un pas que les services de renseignement et de sécurité congolais n'auraient pas dû franchir, sauf à détenir par-devers eux des éléments tangibles.

Il faut rappeler que l'Eglise catholique a toujours été le poil à gratter des dirigeants, tous régimes confondus, depuis le temps de Mobutu. Les prélats n'ayant jamais manqué la moindre occasion de mettre les hommes politiques devant leurs responsabilités. Des prises de position qui, on le sait, n'ont jamais plu, mais semblent être la marque de fabrique de cette église congolaise même si certains accusent les évêques de faire parfois la politique par procuration. La question se pose de savoir s'il y aura une suite avec ces auditions ou s'il s'agit plus d'une forme d'intimidation pour amener les concernés à plus s'occuper de leurs ouailles que des affaires politiques dans une période particulièrement tourmentée comme c'est le cas actuellement.

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