Tunisie: Mohamed Mourad Gharsalli, alias Otba dans 'Mouaouia' à la Presse - « Concentrons-nous plutôt sur l'aspect artistique du feuilleton »

interview

Depuis le début du mois de Ramadan, le feuilleton historique « Mouaouia » s'est hissé aux premiers rangs des tendances. Cette épopée produite par le groupe MBC avec un budget colossal retrace en 30 épisodes la vie de Mouaouia Ibn Abu Sofiene, premier calife omeyade. Pourtant, les créateurs du feuilleton se sont retrouvés confrontés à une lourde polémique avant même la diffusion.

Pourquoi la diffusion de « Mouaouia » a-t-elle été retardée ?

Nous avons commencé le tournage en 2022. En 2023, le feuilleton était prêt et la diffusion était prévue pour l'année dernière. Les producteurs ont fait face à quelques soucis qui ont été finalement réglés.

Ce feuilleton est largement critiqué par des institutions religieuses et soulève depuis le début de sa diffusion de vives réactions sur les réseaux sociaux. Qu'est-ce que vous en pensez ?

Il faut comprendre d'abord que ce n'est pas un documentaire. Concentrons-nous plutôt sur l'aspect artistique. De plus, je préfère qu'on regarde le feuilleton d'abord pour construire un avis par rapport à la polémique. On ne peut pas commenter une oeuvre qu'on n'a pas encore fini de regarder.

Pourquoi le réalisateur s'est-il retiré au cours du tournage ?

Nous avons commencé avec Tarek Al Eryan qui s'est excusé pour se faire remplacer par Ahmed Medhat. Ce détail ne doit pas être forcément rattaché au débat autour du feuilleton. Ça arrive souvent quand les tournages prennent beaucoup de temps. Ce n'est pas un véritable problème. Des fois, on change même les acteurs au cours du tournage.

Le feuilleton a été tourné en Tunisie. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce choix ?

Nous avons fait le tour de plusieurs villes, entre studios et espaces ouverts : Tozeur, Hammamet, Kairouan, Tunis, Bizerte... C'est un point très important comme c'est très rentable sur le plan économique. Beaucoup de Tunisiens y ont participé entre acteurs, équipe technique et autres. L'équipe de production a opté pour la Tunisie pour plusieurs raisons.

Notre pays est attirant pour ses paysages naturels, notamment le désert et le soleil tout au long de l'année qui est d'une grande importance pour l'image. De plus, toutes les conditions de confort sont offertes, comme nous avons des établissements touristiques de haut niveau du Nord au Sud.

Comment avez-vous décroché votre rôle dans « Mouaouia » ?

J'ai été contacté pour un casting afin de vérifier surtout notre prononciation étant donné que c'est un feuilleton en arabe littéraire. J'ai déjà participé à des feuilletons en arabe littéraire, dont « Jondobal hakim » avec un réalisateur syrien et un autre feuilleton irakien « Lissan al arab ». J'ai aussi fait beaucoup de pièces de théâtre en arabe. Vu mon expérience et mes compétences, j'ai été retenu pour le rôle. D'ailleurs, j'ai à mon actif plus d'une vingtaine de films et de feuilletons en Tunisie.

Est-ce qu'il y a des difficultés particulières dans ce genre de rôles ?

Evidemment. Un feuilleton historique a ses propres règles qui différent des contextes contemporains. Dans les feuilletons contemporains, les acteurs ont une marge d'intervention au niveau des dialogues et même des événements. Pour un feuilleton historique, il faut se mettre dans la peau du personnage comme il figure dans les livres d'histoire et se référer aux grands événements historiques. Après, la façon d'interpréter certains faits peut varier selon l'auteur. Avant le tournage, j'ai fait des recherches et j'ai lu beaucoup pour comprendre le tempérament de Otba Ibn Rabiaâ, le père de Hind.

J'ai regardé les films historiques et je me suis documenté pour interpréter le personnage exactement comme il est décrit. J'ai appris par exemple qu'il était raisonnable et calme, contrairement à Abou Jahl et Abou Lahab qui étaient plutôt impulsifs. Ça m'a aidé à gérer les scènes où il y a des moments d'émotion et des réactions particulières. J'ai même fait des recherches sur son physique, son âge, sa démarche.

Qui sont les autres acteurs tunisiens ayant joué dans le feuilleton ?

Il y a Souhir Ben Amara qui incarne Hind ma fille, Jamal Madani dans le rôle de Abou Lahab, Anas Laâbidi pour Abou Jahl ainsi que Mohamed Ali Tounsi, Ghanem Zrelli et d'autres acteurs. La marge du rôle varie. Comme c'est tourné en Tunisie, ils ont fait appel à beaucoup d'acteurs pour les rôles secondaires.

Même pour l'équipe technique, il y a eu des Jordaniens, des Espagnols, des Egyptiens, des Syriens. Mais aussi beaucoup de Tunisiens. D'ailleurs, les techniciens tunisiens sont reconnus à l'échelle arabe et ont fait leurs preuves dans toutes les productions internationales où ils ont participé.

Puisque nous avons d'excellentes équipes et de bons studios de tournage, pourquoi ne produit-on pas des feuilletons historiques en Tunisie ?

Tout est question de financement. Nous avons beaucoup de personnages historiques tunisiens dignes d'un feuilleton en leurs noms. Ce qui se passe chez nous, c'est qu'on commence les tournages en retard, on réduit le budget au strict minimum et on sollicite les acteurs qui n'exigent pas un cachet considérable. L'imaginaire même des écrivains est modelé en fonction du budget, ce qui freine leur créativité. Ils font beaucoup de calculs alors qu'il suffit de croire en l'impact de l'art socialement et surtout économiquement.

On peut prendre l'exemple de la Turquie qui appuie le tourisme grâce aux feuilletons. Ils exportent une image qui attise la curiosité et l'admiration des téléspectateurs. Ce sont les feuilletons qui invitent à découvrir le pays avec ses paysages et ses traditions et qui participent ainsi à la prospérité économique. Nous sommes malheureusement loin de cette volonté de diriger nos productions dans ce sens, celui de travailler notre image aux yeux d'un public étranger qui découvre le pays à travers ce qu'il voit sur écran. Il faut des décisions de haut niveau pour donner un coup de pouce. De nombreux établissements sont mécènes de productions culturelles. Il faut encourager toutes les sociétés à faire pareil pour qu'il y ait plus de soutien financier et logistique.

Origine de la polémique

«Mouaouia» a attisé la colère des shiites qui dénoncent la glorification du rival de Ali Ibn Abu Taleb et contestent la légitimité de son statut et de son pouvoir. Les producteurs du feuilleton font l'objet de plusieurs accusations dans le sens où ce feuilleton pourrait remettre en surface le conflit entre shiites et sunnites, dont les effets continuent à se faire sentir dans certains pays. Pour Al-Azhar, institution religieuse sunnite de référence, ce qui fait réagir, ce n'est pas l'histoire elle-même, mais la manière dont elle est racontée à l'écran comme il est strictement interdit de représenter les compagnons du Prophète.

Au-delà de cette controverse, le feuilleton est avant tout une oeuvre artistique de haut niveau. D'ailleurs, il a été entièrement tourné en Tunisie avec la participation d'acteurs tunisiens. Nous avons contacté Mohamed Mourad Gharsalli, alias Otba Ibn Abi Rabiaâ, pour en savoir davantage.

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