Sénégal: Surproduction horticole dans les Niayes, abondance dans les champs - Entre obstacles de conservation et pertes post-récoltes

Les champs des Niayes regorgent de légumes en cette campagne horticole 2024-2025. Au même moment, les marchés de la capitale sénégalaise font face à une flambée des prix des produits maraîchers, du fait notamment d'un mauvais approvisionnement, entre autres.

Cette situation paradoxale atteste les dysfonctionnements de la filière horticole, où producteurs et ménages sont les principales victimes d'un système marqué par des pertes post-récoltes et des pratiques spéculatives.

Selon Ibrahima Mbengue, président de la Fédération des Producteurs Maraîchers des Niayes (FPMN), la production horticole cette année devrait atteindre un niveau record, avec près de 3000 tonnes de pommes de terre attendues, soit une augmentation par rapport à la campagne précédente. Les conditions climatiques favorables, ont permis une récolte abondante de légumes tels que les carottes, les gombos et les pommes de terre. Cependant, cette surproduction pose un problème majeur : le manque criant d'unités de conservation, notamment de chambres froides, dans la zone des Niayes.

« Les producteurs sont obligés de vendre leurs récoltes à des prix dérisoires, sous peine de les voir pourrir dans les champs. Sans infrastructures de conservation, une grande partie de la production finit dans les poubelles », déplore M. Mbengue. Cette situation récurrente de surproduction, couplée à l'absence de moyens de stockage, plongent les maraîchers dans un cycle de dettes et de pertes financières.

Des prix qui flambent en ville, mais des producteurs lésés

Sur les marchés de Dakar, notamment à Keur Massar, les prix des légumes ont atteint des sommets. Un père de famille s'indigne : «La flambée vertigineuse des prix des produits maraîchers ne se justifie pas. Comment expliquer que les légumes soient si chers en ville alors qu'ils sont en abondance dans les champs ?»

En effet, alors que les producteurs vendent leurs pommes de terre à environ 200 FCFA le kilogramme, les commerçants les revendent à plus de 600 FCFA sur les marchés urbains. Pour les carottes, le prix de cession au producteur est d'environ 150 FCFA le kilo, mais il atteint 500 FCFA en ville. Cette marge importante profite aux intermédiaires, mais laisse les producteurs dans une situation précaire.

Les ménages sénégalais, déjà confrontés à une inflation généralisée, subissent de plein fouet cette hausse des prix des légumes. «Nous avons du mal à joindre les deux bouts. Les légumes, qui sont pourtant produits localement, deviennent un luxe pour beaucoup de familles», témoigne une habitante de Dakar.

Du côté des producteurs, la situation n'est guère plus reluisante. Djiby Ka, un maraîcher de Noflaye, a décidé d'abandonner la filière cette année. «L'horticulture nécessite des moyens financiers importants pour l'achat des intrants : semences, produits phytosanitaires, etc. L'année dernière, les pluies ont détruit nos cultures, et nous nous sommes retrouvés avec un niveau d'endettement très élevé. Sans soutien pour la conservation et la commercialisation, il est impossible de continuer », explique-t-il.

L'état tente de répondre, mais les problèmes persistent

Le ministre de l'Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l'Élevage, Mabouba Diagne, a annoncé que la production horticole nationale devrait atteindre 245.000 tonnes cette année, dépassant ainsi les besoins nationaux estimés à 132.000 tonnes par an. Pour soutenir les producteurs, l'État a alloué une subvention de 10 milliards de FCFA pour l'achat de semences de pommes de terre et 9,374 milliards de FCFA pour les engrais horticoles.

Cependant, malgré ces efforts, le manque d'infrastructures de conservation reste un frein majeur au développement du secteur. «Le renforcement des mécanismes de suivi et la digitalisation du système de distribution des semences sont essentiels. Mais, sans chambres froides, les pertes post-récoltes continueront de handicaper les producteurs», souligne un expert agricole.

La surproduction horticole dans les Niayes met en évidence les lacunes structurelles de la filière maraîchère au Sénégal. Alors que les champs débordent de légumes, les producteurs sont contraints de brader leurs récoltes, et les ménages peinent à accéder à des produits pourtant abondants.

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