Burkina Faso: Tarification de l'eau - « Les autorités nous ont instruits d'aller vers le prépaiement », Dr Bouraïma Kouanda

interview

Il s'est tenu du 16 au 20 février 2025 à Kampala en Ouganda, le 22e Congrès international de l'eau et de l'assainissement et exposition sur le thème : « Eau et assainissement pour tous, un avenir sûr pour l'Afrique ». Le secrétaire général du ministère de l'Environnement, de l'Eau et de l'Assainissement, par ailleurs, président du conseil d'administration de l'Office national de l'eau et de l'assainissement (ONEA), Bouraïma Kouanda, a représenté le ministre de l'Environnement, de l'Eau et de l'Assainissement, Roger Baro, à cette rencontre. Dans cette interview accordée à Sidwaya, il fait le bilan du congrès et les perspectives de développement du secteur de l'eau et de l'assainissement au Burkina.

Quelles étaient vos attentes en venant à ce 22e congrès international de l'eau et de l'assainissement et exposition ?

En venant ici, nous avons pensé qu'on aurait tout naturellement l'opportunité de tisser des partenariats et des pistes de collaboration. Nous avons également pensé que c'était une opportunité pour nous de rencontrer nos partenaires avec qui nous travaillons déjà, notamment le partenariat au sein de l'Alliance des Etats du Sahel (AES) qui est en train de prendre un tournant décisif et intéressant et d'autres partenaires au niveau africain et international.

Vos attentes ont-elles été comblées ?

Elles ont été atteintes, car déjà au niveau international, nous nous sommes intéressés aux nouvelles technologies qui pourraient nous aider à faciliter le service de l'eau au Burkina. Nous avons rencontré trois sociétés chinoises qui sont dans le prépaiement. C'est le système de cash power que la SONABEL fait pour ses clients. A savoir je paye et je consomme.

Après le relevé bimestriel avec les factures tous les deux mois qui n'a pas marché, les autorités nous ont instruit d'aller vers le prépaiement. Donc, cela a été véritablement une occasion pour nous de visiter les firmes qui sont dans ce système et échanger avec eux. Nous avons déjà eu trois rencontres avec une des sociétés du nom de « SH Meter ».

Au cours de ces réunions, nous avons travaillé individuellement avec les responsables en compagnie de toute l'équipe de l'ONEA présente au congrès. Pour mieux comprendre comment expérimenter leurs outils, ils ont décidé de nous rejoindre au Burkina à partir de ce mois de mars pour faire une première expérience pilote. Cela va consister à nous envoyer 30 à 50 compteurs qu'on va installer dans des ménages puis suivre régulièrement pendant six mois pour voir s'il y a des corrections à faire. Nous avons souhaité que l'expérience pilote soit faite d'abord avant qu'on ne s'engage.

Avec les deux autres sociétés, c'est le même principe qu'on a retenu car en matière de technologie, il faut aller vers la meilleure offre. Chacune des trois sociétés viendra faire son expérience pilote et on choisit la meilleure offre. Cependant, les deux autres n'ont pas encore donné de délai pour leur arrivée. Nous avons également vu des partenaires qui évoluent très bien dans de nouvelles approches en matière d'assainissement. Nous avons échangé des contacts pour voir également comment on peut s'accompagner. Ces approches consistent surtout à la valorisation des boues de vidange parce que c'est l'une de nos difficultés. On accompagne le ménage avec des latrines mais qu'est-ce qu'on fait des boues de vidange ? C'est un véritable souci pour nous.

Nous nous sommes intéressés à des partenaires qui proposent des mécanismes assez simples et qui facilitent en même temps la valorisation. Sur le plan de l'AES, nous avons rencontré surtout la délégation du Niger et rapidement, on a mis en place une plateforme AES. Il s'agit là de voir également comment renforcer la collaboration entre les Etats membres de l'AES dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. Les Nigériens ont parlé de leur service public de l'eau en milieu rural et ils semblent trouver des approches intéressantes qu'ils voudraient partager avec nous. Durant ce congrès, on a tiré des profits intéressants et on est satisfait.

Quel est le taux d'accès à l'eau potable et à l'assainissement au Burkina ?

Le taux d'accès à l'eau potable en 2024 est de 78.5%. Pour l'assainissement, on est à 28.5%, mais les statistiques définitives de 2024 ne sont pas encore disponibles.

Est-ce que le Burkina sera au rendez-vous de l'échéance des Objectifs de développement durable (ODD) en 2030 en ce qui concerne l'accès à l'eau et à l'assainissement pour tous ?

Il faut être réaliste, c'est assez difficile d'y arriver parce que nous sommes dans un contexte de mobilisation de ressources en eau qui semble plus ou moins difficile. En milieu rural, on apporte l'eau à la population essentiellement avec les eaux souterraines donc il faut réaliser des forages, pourtant 80 % du territoire est situé dans une zone cristalline (une zone où il faut aller chercher l'eau dans des failles).

Pour ce faire, il faut d'abord la prospection géophysique à savoir où trouver l'eau et puis faire le forage. Nous réalisons beaucoup plus de forages négatifs (le taux peut atteindre 50%) que de positifs ce qui a un coût exorbitant. C'est le contexte hydrogéologique propre du Burkina. C'est seulement 20 % qui sont concerné par la zone sédimentaire. Là, on peut aller chercher l'eau à la bonne profondeur. Les instructions reçues sont d'améliorer déjà la connaissance de la ressource en eau, que ce soit pour le socle cristallin ou sédimentaire.

Ce qui va nous permettre de mieux connaître nos aquifères et sortir de très gros débits pour desservir beaucoup de localités en même temps. Aujourd'hui, nous parlons d'Adduction en eau potable (AEP) multi villages. C'est dire que nous sommes très optimistes et qu'avec ces nouvelles approches que nous sommes en train de développer, on va faire des pas importants, des pas intéressants dans l'adduction d'eau mais atteindre l'accès universel en 2030, il convient d'être réaliste. En matière d'assainissement, c'est l'innovation continue également, car l'assainissement tient compte de beaucoup d'aspects. Il y a d'abord nos capacités financières, mais aussi

nos réalités sociologiques. Avec l'approche qui est l'assainissement total porté par les communautés, nous mettons les communautés au centre du sujet. Ce sont elles-mêmes qui font les ouvrages avec le concours technique de l'Etat. Avec la tendance de la fin de la défécation à l'air libre, on atteindra un taux élevé. Nous allons progressivement vers les approches communautaires pour faire en sorte que la communauté s'assume avec l'appui technique de l'Etat.

Qu'est-ce que la contribution financière en matière d'eau ?

C'est une taxe parafiscale, instaurée par une loi, adoptée depuis 2009. Le décret d'application a été pris en 2015. Il fixe des montants à payer quand on prélève l'eau à but industriel, par exemple. Cette loi permet à l'Etat de recouvrer de l'argent à toute personne qui contribue à polluer la ressource en eau et à toute personne qui dévie la trajectoire d'un cours d'eau.

Malheureusement, on n'applique pas cette loi à 100 % pour l'instant. C'est surtout le volet préleveur-payeur qui fonctionne. Ce qui permet donc à l'Etat d'avoir chaque année au moins 3 à 6 milliards FCFA. Depuis 2020, on perçoit régulièrement en moyenne 5 milliards FCFA annuellement. Il existe aussi une taxe de l'assainissement. Elle est prélevée sur les factures des clients de l'ONEA afin de contribuer à l'assainissement. Cette taxe permet à l'ONEA d'accompagner les ménages dans le domaine de l'assainissement.

Cela peut se faire techniquement ou par le don des dalles pour achever les latrines. Mais la tendance actuelle de l'ONEA est d'apporter son appui aux collectivités ou aux structures déconcentrées pour faire en sorte que nous puissions gérer les boues de vidange. Désormais, c'est de cette façon que cette taxe sera utilisée. Il faut développer des mécanismes collectifs qui permettent de gérer les déchets.

Quelles sont les difficultés rencontrées ?

Entre autres difficultés, Il y a le contexte hydrogéologique du Burkina, la mobilisation conséquente des ressources financières pour investir dans le domaine de l'eau et de l'assainissement parce que l'investissement en matière d'eau coûte extrêmement cher. C'est pourquoi nous avons opérationnalisé des mécanismes endogènes tels que la contribution financière en matière d'eau et la taxe de l'assainissement.

L'Etat se mobilise pour s'assumer à travers non seulement la mobilisation des ressources endogènes, mais également le fonds du trésor. Nous avons été reçus tout récemment par les plus hautes autorités qui ont donné des orientations dans ce sens. Pour le partenariat quand il n'est pas gagnant-gagnant, on doit s'en passer.

Quelles sont vos perspectives ?

C'est véritablement travailler à prioriser le secteur de l'eau et de l'assainissement, améliorer nos connaissances et les compétences qui existent déjà. Nous devons travailler à disponibiliser la cartographie claire de l'eau de sorte que quand on nous demande par exemple où trouver l'eau pour la ville de Ouagadougou à l'horizon 2040, 2050, 2075 voire plus, qu'on puisse répondre. Il faut continuer aussi à améliorer le service car la vision actuelle c'est d'aller vers un service beaucoup plus développé à travers le système d'Adduction en eau potable que nous appelons des AEP multi villages ou des postes d'eau autonome. Egalement, on doit réaliser des infrastructures à partir du forage Christine afin qu'on puisse desservir des localités ou des régions en eau potable.

Avez-vous des conseils à donner aux consommateurs ?

J'invite les consommateurs, la population à bien gérer et utiliser l'eau et assainir leur cadre de vie. Nous remarquons beaucoup de gaspillage pourtant le traitement de l'eau coûte très cher. Laisser couler l'or bleu, c'est « verser » de l'argent par terre. Soyez disponibles pour qu'au cas où il y aurait des initiatives d'accompagnement, que vous puissiez le faire. En effet, on compte initier des actions de mobilisation de ressources endogènes en collaboration avec la LONAB.

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