Aussitôt installé, voilà moins de 3 mois, le président ghanéen n’a pas perdu de temps pour tâter le pouls du terrain déjà « miné » de l’Afrique de l’ouest pour ne pas dire de la CEDEAO.
A priori, sur la partie visible de la démarche, on peut comprendre que ce qui se joue est bien sûr le cordon de sécurité à mettre en place en Afrique de l’Ouest, face à la menace djihadiste qui n’épargne aucun pays. D’ailleurs, les premières étapes du périple renseignent sur la logique de l’initiative de John Dramani Mahama, qui a commencé par le Sénégal, la Gambie, la Côte d’Ivoire avant les pays de l’AES.
Le président ghanéen sait très bien, ayant pris connaissance du rapport des deux médiateurs, Bassirou Diomaye Faye et Faure Gnassingbé, que le sort de la CEDEAO est déjà scellé pour les 3 pays du traité du Liptako Gourma. La preuve, les présidents sénégalais et togolais, désignés médiateurs pour la circonstance, n’ont pas pris part au dernier sommet des chefs d’États et de gouvernements sur la question. Il faut remarquer d’ailleurs que l’évocation de la CEDEAO dans la communication de John Dramani n’est apparue que suite à l’interpellationdu président ivoirien Alassane Ouattara, demandant au président ghanéen d’œuvrer pour un retour des pays de l’AES dans le giron de la CEDEAO.
Tout est parti de là. L’occasion faisant le larron, John Dramani Mahama a sauté sur l’occasion, auréolé qu’il est par sa brillante élection, pour jouer sur le registre du nouveau leadership en Afrique de l’Ouest après la déconvenue de la CEDEAO et des « tenants de la ligne dure », dont Alassane Ouattara, Talon Bola Tibunu pour ne citer que ceux-là.
Il sait mieux que quiconque que la messe est dite depuis longtemps, car l’AES a aujourd’hui franchi des étapes cruciales dans sa construction avec la production de tous les attributs de la personnalité juridique internationale, à savoir un traité, un drapeau, un passeport… Justement, parlant de drapeau, beaucoup d’observateurs ont remarqué à juste titre que, même dans le protocole, un message explicite est apparu lors du séjour du président du Ghana à Bamako. On voit bien, sur les images de l’audience, que les deux drapeaux de l’AES et du Mali étaient bien visibles derrière le Président Assimi Goïta.
L’enjeu pour Dramani Mahama, qui n’est pas mandataire de la CEDEAO, c’est de battre de nouvelles cartes, dont la première est sans aucun doute une anticipation sur les menaces sécuritaires dans un contexte où le Ghana fait face à une crise économique aiguë et ne serait absolument pas prêt à gérer plus que nécessaire sa sécurité à ses frontières.
La seconde, c'est bien sûr rassurer ses voisins proches ou lointains que le changement intervenu au Ghana est aussi synonyme de changement de cap diplomatique qui est loin de la ligne initiale de la CEDEAO tenue par son prédécesseur.
Enfin, il serait naïf de penser que la question économique est subsidiaire dans cette initiative, qui porte la marque d’une très grande lucidité du leader ghanéen. L’alliance autour du cacao se construit avec la Côte d’Ivoire, la concurrence rude observée aujourd’hui entre les ports d’Abidjan, de Lomé, de Cotonou, de Dakar, avant le conflit AES, qui a largué les ports de Téma et de Takoradi qui naguère étaient en bonne position sur le trafic des pays sans littoral, sont autant de raisons justifiant cette offensive diplomatique.
Rappelons d’ailleurs que depuis 2024 déjà, un protocole d’accord existait entre le conseil burkinabé des chargeurs et son homologue du Ghana, le Ghana Shippers Authority (GSA), pour faciliter le flux de marchandises dans les deux sens.
Par rapport au Niger, dès 2018 un mémorandum entre GSA et Conseil des Utilisateurs des Transports publics (CNUT), son homologue du Niger, visait 13 domaines couvrant l’encadrement et l’assistance aux opérateurs économiques (à savoir l’échange d’information, le suivi du trafic, le transit, bref toute la chaine du transport). Rien de nouveau donc sous le soleil, en dehors du supposé portage de la relance des échanges et des opportunités par un VIP de choix qu’est le Président ghanéen, tant il est vrai que son pays a perdu en compétitivité par rapport à ses voisins.
La question du retour des pays de l’AES dans la CEDEAO constituerait certes une opportunité en plus pour le Ghana, en raison du dispositif tarifaire et douanier commun, mais elle n’est pas aujourd’hui un enjeu. En bilatéral, le Ghana peut signer des accords dans ce sens, mais aussi, c’est l’hypothèse la plus plausible, un accord entre la CEDEAO et l’AES est dans l’ordre du possible. Qu’en sera-t-il ? Quelle sera la position de la CEDEAO ?