L'arrivée du cannabis thaïlandais sur le marché mauricien marque un tournant inquiétant dans la lutte contre le trafic de drogues. Un important réseau de trafic a été démantelé en février, à la section douanière de l'aéroport de Maurice. Deux thaïlandaises, Taksina Kobpimai (29 ans) et Supattra Won-Santia (25 ans), avaient été interpellées à leur arrivée sur le vol Emirates KEK 701, en provenance de Thaïlande via Dubaï. Lors de la fouille de leurs bagages, les douaniers avaient découvert quatre valises suspectes contenant des sachets de cannabis. Au total, près de 55 kilogrammes de cannabis avait été saisis, pour une valeur estimée à Rs 66 millions.
En Thailande, le cannabis a été dépénalisé en 2022. Un an plus tard, les autorités ont souhaité faire marche arrière et revenir uniquement à l'usage thérapeutique du cannabis, mais sa disponibilité croissante sur le marché international ouvre la porte à un commerce parallèle très lucratif pour les trafiquants. Grâce à sa position géographique stratégique, Maurice risque de devenir un point de transit et de distribution pour ce cannabis de contrebande. L'introduction de cette substance très recherchée pourrait alimenter de nouveaux réseaux de trafic, compliquant davantage les efforts des autorités pour lutter contre ce fléau.
François Henry président du Kolektif 420 souligne que le cannabis thaïlandais est de plus en plus populaire à Maurice. En Thaïlande, son prix est d'environ Rs 5 le gramme, tandis qu'à Maurice, les trafiquants peuvent le revendre jusqu'à Rs 3 000 le gramme, soit avec un profit considérable. Cette demande crois- sante a particulièrement favorisé un type de cannabis recherché : le «Skunk», réputé pour ses effets puissants. Ce cannabis est cultivé en intérieur, dans des conditions spécifiques (lumière artificielle et culture hydro-ponique), ce qui améliore sa qualité. En revanche, la culture en extérieur devient rare à Maurice, en raison des saisies régulières menées par l'ADSU, rendant ainsi ce produit plus difficile à obtenir.
Face à cette situation, François Henry appelle à la légalisation ou la dépénalisation du cannabis. Selon lui, une telle législation permettrait de mieux encadrer la production et la distribution de cannabis, tout en garantissant la sécurité et la santé des consommateurs. Il propose que les citoyens puissent cultiver leur propre cannabis à domicile et choisir le type de produit qu'ils souhaitent consommer. Cela permettrait aussi de prévenir les mélanges avec des drogues synthétiques ou des substances plus dangereuses comme le crystal meth. Une telle législation offrirait au gouvernement un contrôle direct sur la qualité du produit, notamment sur les niveaux de THC, réduisant ainsi les risques associés à des produits génétiquement modifiés ou potentiellement dangereux.
Il rappelle également que Sam Lauthan, un militant reconnu dans la lutte contre les drogues, a abordé la question de la culture du cannabis à Maurice. Selon lui, dans les années 1980, cette culture était pratiquée de manière responsable, dans le respect des traditions et de la santé publique. Cependant, l'évolution du marché du cannabis à Maurice suscite aujourd'hui des inquiétudes, notamment avec l'arrivée de cannabis thaïlandais de plus en plus génétiquement modifié et contenant des doses élevées de THC. Cela pourrait avoir des conséquences graves sur la santé des consommateurs. François Henry appelle donc à une législation stricte et à une réflexion sur la possibilité de légaliser ou de dépénaliser cette substance dans un cadre contrôlé, afin de limiter les risques liés à l'abus de cannabis génétiquement modifié.
Du côté de l'ADSU, des informations révèlent une préoccupation croissante concernant les importations de drogues en provenance d'Asie de l'Est, notamment l'héroïne. Bien que le cannabis thaïlandais représente une nouvelle menace, il ne faut pas perdre de vue que cette région est également associée à l'importation d'autres substances dangereuses.
Il est toutefois important de souligner l'efficacité du travail des douanes mauriciennes, qui, grâce à des techniques de profiling, ont permis l'arrestation des trafiquants et la saisie de drogue.