Tunisie: 25 milliards de dinars de prêts bancaires sans garanties - Un système à deux vitesses

14 Mars 2025

Dans un contexte économique marqué par des tensions financières et un accès au crédit souvent complexe, l'équilibre du système bancaire repose sur des règles strictes visant à limiter les risques. L'octroi de prêts est conditionné par des garanties qui assurent la solvabilité des emprunteurs et la stabilité des établissements financiers. Pourtant, une récente révélation remet en question ces principes. Selon les chiffres annoncés, 25 milliards de dinars ont été accordés sous forme de crédits sans aucune garantie, une pratique qui interroge sur les critères d'attribution et les mécanismes de contrôle en place.

Dans ce cadre, l'économiste Mourad Hattab dénonce un secteur bancaire qui favorise une élite influente, au détriment des petites et moyennes entreprises (PME). "Nous assistons à un système qui ne profite qu'à une minorité d'acteurs, tandis que la colonne vertébrale de notre économie peine à accéder aux crédits", explique-t-il, dans une récente déclaration accordée à Express Fm.

Cette distorsion, selon lui, s'inscrit dans un contexte où l'accès au financement est un levier crucial pour la croissance et l'emploi. Pourtant, les PME, qui génèrent plus de 80 % des emplois en Tunisie, se heurtent à des exigences de garanties strictes, rendant leur financement difficile, voire impossible.

En parallèle, ces 25 milliards de dinars de crédits accordés sans garanties soulèvent des questions fondamentales : qui en sont les bénéficiaires ? Quels sont les critères d'octroi de ces prêts ? Quels mécanismes de contrôle auraient dû empêcher de telles pratiques ? L'absence de réponses précises alimente le soupçon d'un système opaque, où la proximité avec les centres de pouvoir prime sur la solvabilité économique.

Une opacité qui renforce la crise économique

La problématique de ces prêts non garantis dépasse la simple question bancaire. Elle s'inscrit dans un contexte économique déjà marqué par une inflation galopante, une lourde dette extérieure et une incapacité croissante de l'État à subvenir aux besoins de la population. L'impact est d'autant plus visible en cette période de Ramadan, où l'inflation sur les produits de première nécessité atteint des niveaux critiques.

L'économiste Mourad Hattab rappelle que ces 25 milliards de dinars auraient pu être utilisés autrement. "Une telle somme aurait pu réduire significativement la dette extérieure du pays ou être injectée dans des programmes de soutien aux secteurs productifs. Au lieu de cela, elle semble s'être volatilisée dans des circuits opaques", a-t-il souligné.

Cette révélation met en exergue un besoin urgent de réformes structurelles. La Banque centrale et les autorités financières doivent renforcer les mécanismes de contrôle et exiger une transparence totale dans l'octroi des crédits. Un audit indépendant des prêts bancaires non garantis pourrait être un premier pas vers une responsabilisation des acteurs du secteur.

L'absence de régulation efficace semble être un mal endémique qui gangrène plusieurs sphères de l'économie tunisienne. Si des mesures fortes ne sont pas prises rapidement, cette situation pourrait accentuer la méfiance des citoyens envers le système financier et aggraver la crise économique du pays.

Une confiance à reconstruire

Le rôle des instances de régulation se retrouve ainsi au centre des discussions. La Banque centrale, en charge du suivi du secteur bancaire, est censée garantir un cadre équilibré et prévenir ce type d'anomalies. L'absence d'informations précises sur l'identité des bénéficiaires et les conditions d'attribution des crédits complique l'analyse des risques liés à ces pratiques. Sans données claires, il devient difficile d'évaluer leur impact réel sur la stabilité financière du pays et la fracture entre une élite financière favorisée et une majorité de Tunisiens en difficulté ne fera que s'accentuer, au risque d'alimenter de nouvelles tensions sociales et économiques.

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