Le ministère congolais de l'Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs s'exposait à Berlin, en Allemagne, la semaine dernière avec les grands opérateurs touristiques du pays dans le cadre du Salon international du tourisme ITB Berlin. Dans un entretien exclusif, la ministre Lydie Pongault a accepté de répondre à nos questions.
Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.): Madame la ministre, ces dernières semaines vous avez successivement présenté la République du Congo dans deux salons du tourisme, d'abord Madrid, en Espagne, puis Berlin, en Allemagne. En quoi ces représentations du pays à l'étranger sont-elles utiles ?
Lydie Pongault (L.P.). Elles sont importantes à plusieurs titres. Ces salons à la portée internationale rassemblent les opérateurs de la profession venus de tous les continents. Il est nécessaire de les rencontrer, non seulement pour présenter les atouts de notre pays mais aussi pour comprendre les attentes des voyageurs et réfléchir à ce que nous avons à faire ensemble. C'est pourquoi je suis venue à Madrid comme à Berlin avec les grands opérateurs touristiques du Congo qui sont nos partenaires et je dois dire que le résultat est très positif.
Les visiteurs se disent rassurés par la présence de l'Etat au côté des tours opérateurs, des grands parcs nationaux et des hôtels, qui montre le véritable engagement de la nation dans ce domaine. Pour les professionnels en quête de nouvelles destinations, c'est une garantie en quelque sorte.
Au-delà des rencontres sur le stand, ces grands salons sont l'occasion pour nous de découvrir ce qui se fait ailleurs et de s'en inspirer. L'objectif étant de développer la destination Congo pour que le tourisme prenne toute sa place dans la croissance de notre économie.
L.D.B.: Vous évoquez la question économique. D'ailleurs, l'intitulé de votre ministère précise la mention « industrie ». Pour quelles raisons ?
L.P.: La notion d'industrie accolée à la culture, au tourisme, aux loisirs, ramène à cette idée de contribution à l'économie d'un pays. Désormais, le tourisme est considéré comme un acteur économique majeur. Dans certains pays d'Afrique, il participe significativement au produit intérieur brut, à l'emploi, au commerce et l'on observe, d'ailleurs, que sa croissance est de plus en plus portée par les touristes originaires du continent. Ce qui ouvre des perspectives !
Au Congo, nous avons un patrimoine, des parcs et des sites naturels grandioses, des hôtels de classe internationale, des prestataires expérimentés comme ceux qui m'ont accompagnée dans ces salons à la hauteur des exigences les plus élevées. Nos compatriotes n'en sont pas toujours conscients et je les engage à regarder de près ce qui se fait dans les différents départements du Congo.
Le secteur du tourisme crée des emplois, notamment dans l'hôtellerie, les transports, le divertissement, la gastronomie, l'agriculture... Il génère des demandes pour des biens et des services fournis par des entreprises locales. Par exemple, un hôtel peut s'approvisionner en produits frais cultivés sur place, faire appel à une blanchisserie de proximité, embaucher et former du personnel local. Et ces retombées économiques profitent à l'ensemble de la communauté.
L.D.B.: Au vu de ce que vous avez observé à Madrid, à Berlin et ailleurs, estimez-vous que la République du Congo répond aux exigences actuelles en matière de tourisme ?
L.P.: De mes rencontres à Berlin comme à Madrid, oui, sans aucune hésitation je peux assurer que le Congo a des arguments à faire valoir. Et, d'ailleurs, mes rencontres avec les différentes autorités dans ces deux capitales ont été fructueuses puisque des programmes de coopération vont voir le jour tant dans le domaine culturel que touristique, deux secteurs qui sont étroitement liés.
Par exemple, ma rencontre avec des autorités politiques allemandes a donné lieu à des projets très concrets et, en association avec l'ambassadrice en Allemagne, Edith Itoua, nous allons explorer comment organiser les investissements de ce pays au Congo afin d'optimiser son attraction pour notre pays.
Notre pays est doté d'un environnement naturel exceptionnel, je pense à la forêt du bassin du Congo, au littoral, à nos régions riches en cascades et en chutes d'eau, en lacs, en grottes, gorges, savanes... Tout un environnement préservé qui abrite des espèces animales rares et répond à des attentes de découvertes.
Nous sommes un peuple accueillant et fier de sa culture. Alors oui, nous avons les arguments et la capacité. A nous de fédérer, de travailler ensemble avec nos partenaires tant nationaux qu'internationaux pour consolider l'existant, continuer de nous améliorer, concrétiser ces projets et élargir notre offre touristique.
L.D.B. : Quelle est la place de la culture et du patrimoine dans l'offre touristique que vous souhaitez développer ?
L.P.: La culture, la question patrimoniale, sont essentielles. Le tourisme mondial s'oriente dans une direction : la quête de sens. Cela signifie un désir d'aller à la rencontre des populations, de leurs cultures, appréhender les coutumes locales, découvrir la musique, les danses, la gastronomie...
C'est la raison pour laquelle j'avais tenu à associer à ces salons le Festivak panafricain de musique (Fespam) marqué par la présence de son commissaire général, Hugues Ondaye, ou encore la gastronomie avec les dégustations offertes par le jeune chef congolais Alf qui revisite avec talent tous nos produits dans une démarche culinaire contemporaine. Des rencontres fructueuses s'en sont suivies.
J'ai aussi analysé la question patrimoniale culturelle en me rendant dans de grands musées : le Neues Museum à Berlin, célèbre pour son exceptionnel buste de Néfertiti, reine africaine, qui attire un million de visiteurs par an et fait aujourd'hui l'objet d'une demande de restitution par l'Egypte ; toujours à Berlin le Humboldt Forum qui abrite le Berliner Phonogramm-Archiv, l'une des institutions les plus importantes au monde pour la collecte et la conservation de documents sonores de musiques traditionnelles dont l'expérience nous sera particulièrement utile dans le cadre du symposium qui se tiendra fin juillet pendant le Fespam; à Madrid, le musée Reina Sofia qui expose la gigantesque et puissante toile Guernica.
Une oeuvre devenue un symbole universel contre la guerre et la violence, peinte par l'artiste espagnol Picasso que l'art africain a souvent inspiré. Ces visites sont utiles pour préparer les projets de mise en valeur de notre patrimoine muséal, de notre histoire aussi, dans ce qu'elle a eu de plus beau et de plus tragique.
L.D.B.: De retour au Congo, quelles sont aujourd'hui vos priorités ?
L.P.: Vaste sujet ! A court terme, accompagner la préparation du Fespam qui se tiendra en juillet prochain dans l'objectif de faire rayonner la musique continentale. M'assurer aussi de la bonne direction des travaux engagés avec la France pour rénover le Centre de formation et de recherche en art dramatique, un site qui me tient particulièrement à coeur. A moyen terme, poursuivre le travail mémoriel sans faillir, avec en particulier la construction du mémorial de la traite atlantique à Loango.
Dans le plus long terme, nous devons au ministère fédérer les acteurs de la culture et du tourisme pour avancer vite et mieux, soutenir le mieux possible nos artistes, écrivains, musiciens, accompagner les jeunes talents, former, impulser des projets structurants...
Poursuivre en toute confiance et avec conviction les projets avec nos partenaires européens, russes, chinois, américains, africains... Nous avons beaucoup à faire ensemble, à apprendre les uns des autres.
L.D.B.: Quelques mots pour conclure ?
L.P.: Je profite de cet entretien pour saluer deux grands écrivains qui font la fierté du Congo. Emmanuel Dongala, lauréat du Grand prix de littérature française Nessim-Habif 2024, décerné le 8 mars dernier à Bruxelles par l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Et Gabriel Okoundji, publié le 12 mars dans la célèbre collection Poésie/Gallimard qui consacre notre compatriote comme l'une des grandes voix de la poésie africaine francophone des dernières décennies.