L'agriculture à Maurice a toujours été un pilier fondamental de l'économie et de la société. En 2025, la Chambre d'Agriculture de Maurice souhaite voir développer un secteur agricole résilient, innovant et durable, capable de répondre aux défis contemporains tout en assurant la sécurité alimentaire, la promotion des énergies renouvelables et la prospérité économique. Cette vision repose sur plusieurs axes stratégiques, notamment la souveraineté alimentaire, la redynamisation de l'industrie cannière, l'adoption par tous les producteurs de pratiques agricoles durables et le développement d'une nouvelle filière autour des biomasses locales.
Souveraineté alimentaire
Maurice, étant un importateur net de produits alimentaires, la pandémie de la Covid19 a mis en lumière notre vulnérabilité face aux perturbations des chaînes d'approvisionnement mondiales. Et malheureusement au sortir de cette crise, les autorités n'ont pas réussi à mettre en place le cadre nécessaire pour protéger les producteurs locaux et promouvoir durablement les productions locales et très rapidement, les importations en compétition avec la production locale ont repris.
En 2025, la souveraineté alimentaire reste une priorité. Malgré les efforts pour atteindre une autonomie alimentaire, le pays dépend encore lourdement des importations, représentant 22,51% de la facture des importations totales en 2023. Pour réduire cette dépendance et promouvoir notre souveraineté alimentaire, il est crucial de promouvoir des pratiques agricoles durables, d'avoir une cartographie des filières locales de production et que chaque partenaire de cette filière y trouve son compte, avoir un vrai 'market information system' pour la prise de décision.
Pour y arriver, une série de mesures sont requises : identifier les terres agricoles productives mais abandonnées, enregistrer tout producteur de la filière agricole et mettre en place un système dynamique pour savoir qui produit quoi, où et quand. Pour un retour à la terre, revoir les mesures d'accompagnement aux producteurs et les rendre plus performantes et efficientes.
Faciliter l'introduction de la mécanisation et de la technologie de précision dans les pratiques culturales pour répondre aux enjeux de vieillissement de la population agricole et proposer massivement des formations agricoles diverses répondant aux besoins de ce secteur en sous-effectif. Tout en mettant en place ces mesures, il est nécessaire de protéger les producteurs locaux des importations massives qui créent une distorsion sur les marchés productifs mais aussi dans les modèles de stockage et de transformation.
Redynamisation de l'industrie cannière
L'industrie cannière, autrefois florissante, fait face à de nombreux défis, notamment le manque crucial d'eau, la main-d'oeuvre vieillissante et l'augmentation des coûts de production. Pour assurer sa pérennité, il est crucial de moderniser les pratiques agricoles, d'améliorer la productivité tout en réduisant les dépenses. Mais sans eau ou main-d'oeuvre, toute mesure proposée pourrait être vaine. La mise en oeuvre de politiques telles que la revalorisation à la hausse de la rémunération de la bagasse, la baisse des coûts de production incluant ceux de la main-d'oeuvre et la mise en place d'un plan de développement pour les 10 prochaines années pour l'industrie cannière.
Le ministre de l'Agro-industrie, de la Sécurité alimentaire, de l'Économie bleue et de la Pêche annonce un objectif ambitieux : la production de 300 000 tonnes de sucre. Avant d'envisager cet objectif, mettons en place un dialogue public-privé pour identifier les besoins de chacun des partenaires de ce secteur pour travailler sur un plan de développement sur 10 ans pour cette industrie. Le dernier plan encadrant l'industrie est le Multi Annual Adaptation Strategy Plan 2006-2015. Mais déjà quelques points clés dans la réflexion : inverser la tendance de baisse de superficies de cannes récoltées, promouvoir la replantation des superficies abandonnées avec une vision tournée vers la mécanisation, planifier les besoins futurs en main-d'oeuvre et en eau pour l'irrigation et réduire les coûts de production.
Adoption de pratiques agricoles durables
Le développement durable est au coeur de la vision agricole de Maurice en 2025. La Chambre d'Agriculture pilote depuis 2018 le projet Smart Agriculture, axé sur la mise en place de leviers agroécologiques pour aider les planteurs à être résilients face aux ravageurs et aux impacts liés au changement climatique.
Des pratiques similaires à l'échelle industrielle ont été testées dans les champs de canne, avec l'utilisation d'une légumineuse entre lignes de la canne pour contrer l'enherbement et réduire l'utilisation d'herbicides. Dans les deux cas, culture vivrière et canne, les essais sont positifs ; il s'agit donc maintenant de trouver le mécanisme de vulgarisation à plus grande échelle des résultats obtenus.
Le plan stratégique pour la culture vivrière et l'élevage 2024-2030 du ministère de l'Agro-industrie met également l'accent sur des pratiques agricoles durables. Il propose des mesures pour promouvoir l'agriculture biologique, la gestion intégrée des ravageurs et des maladies, et l'adoption de systèmes de production innovants et intelligents. Le plan vise à augmenter la production de cultures vivrières de 15 % en plein champ et de 100 % en culture protégée, ainsi qu'à améliorer l'autosuffisance en pomme de terre à 90 % et à augmenter la production de viande de 50 % d'ici à 2030.
La Chambre d'Agriculture est d'avis que ce plan ambitieux ne sera réalisable qu'à condition de mettre en place les paramètres pour un dialogue constant public-privé pour trouver des solutions ensemble.
Filières de la biomasse locale
L'énergie, et plus particulièrement l'énergie renouvelable, est étroitement liée à l'agriculture, notamment grâce à l'utilisation de la bagasse comme combustible pour la production électrique. Le National Biomass Framework 2022, élaboré par la Mauritius Cane Industry Authority (MCIA), met en avant le potentiel des biomasses pour contribuer aux objectifs de production d'énergie renouvelable du pays, soit 60 % d'énergies renouvelables dans le mixte énergétique et élimination du charbon d'ici à 2030. Au vu des délais restant face aux objectifs énoncés, une revalorisation de la rémunération des biomasses locales est nécessaire et des mécanismes d'accompagnement tels des mesures d'afforestation, de financements à travers des crédits carbone ou crédits verts sont à mettre en place pour encadrer les nouvelles plantations locales.
Cinq grands défis majeurs à relever
Pour assurer la réussite de cette vision, il est crucial de relever cinq grands défis majeurs. Ces défis sont essentiels pour garantir la durabilité, la productivité et la résilience du secteur agricole.
· Gestion de l'eau et adaptation au changement climatique: L'un des défis les plus pressants est la gestion de l'eau. L'agriculture est souvent la première sacrifiée lors des sécheresses. Il est impératif qu'un dialogue national sur la Politique de l'eau soit lancé au plus vite, dialogue menant à un débat autour du partage équitable de cette ressource pour tous les secteurs de l'économie et d'assurer une gestion efficiente pour limiter les pertes à la distribution et utilisation. L'eau, c'est la souveraineté alimentaire, l'énergie et un environnement stable.
· Modernisation et mécanisation de l'agriculture : La modernisation de l'agriculture, notamment par la mécanisation, est cruciale pour améliorer la productivité et réduire les coûts de production. La mécanisation permet de pallier le manque de main-d'œuvre et d'augmenter l'efficacité des pratiques agricoles. Il est nécessaire de promouvoir l'utilisation de machines agricoles modernes et de technologies innovantes pour la préparation des sols, la plantation et la récolte.
· Renforcement des infrastructures agricoles : Le développement d'infrastructures agricoles adéquates est essentiel pour soutenir la production et la transformation des produits agricoles. Cela inclut la construction de centres de stockage, de transformation et de distribution, ainsi que l'amélioration des routes et des ponts pour faciliter le transport de la canne. Des infrastructures modernes et bien entretenues sont indispensables pour réduire les pertes post-récolte et améliorer la qualité des produits agricoles.
· Accès au financement et aux ressources: L'accès au financement est un défi majeur pour les agriculteurs, en particulier les petits exploitants. Il est crucial de mettre en place des mécanismes de financement adaptés, tels que des prêts à taux préférentiels, des subventions et des incitations fiscales pour encourager les investissements dans le secteur agricole. De plus, il est important de faciliter l'accès aux intrants agricoles de qualité, tels les semences, les engrais et les équipements.
Formation et renforcement des capacités: La formation et le renforcement des capacités des agriculteurs sont essentiels pour assurer l'adoption de pratiques agricoles durables et innovantes.
Il est nécessaire de mettre en place des programmes de formation continue pour les agriculteurs, les techniciens et les gestionnaires agricoles afin de les sensibiliser aux nouvelles technologies, aux techniques de gestion des cultures et aux pratiques de conservation des sols. La promotion de l'agriculture intelligente et de l'agro-écologie est également cruciale pour améliorer la résilience du secteur face aux défis environnementaux.
En relevant ces défis, Maurice pourra réaliser sa vision d'un secteur agricole prospère, durable et résilient à partir de 2025, capable de répondre aux besoins alimentaires de la population tout en contribuant à la croissance économique et énergétique et à la préservation de l'environnement.