Cela fait plus de six mois que le groupe minier Barrick Gold et les autorités de transition du Mali sont en conflit. En cause : l'application du nouveau code minier de 2023, qui augmente la part de l'État dans les actifs miniers nationaux. Le gouvernement malien de transition exige aussi le règlement de taxes et redevances qui n'auraient pas été payées. Alors qu'un accord semblait sur le point d'être conclu en février, force est de constater que le conflit perdure. Une association propose désormais une « médiation nationale ».
Depuis la suspension des exportations en novembre et l'arrêt des activités de la mine de Loulo-Gounkoto en janvier, les pertes s'accumulent : pour les 8 000 employés - Maliens à 97%, sans compter les sous-traitants - réduits au chômage technique, pour le groupe Barrick Gold et pour l'État malien. L'or représente un quart du budget national, et le complexe minier de Loulo pèse pour plus d'un tiers des exportations formelles d'or du Mali. L'année dernière, Barrick a déclaré avoir reversé plus de 460 millions de dollars au gouvernement de transition.
Négociations en cours
À l'origine du bras de fer, l'application du nouveau code minier adopté en 2023, qui augmente la part de l'État dans les actifs miniers nationaux, ainsi qu'un audit minier publié en 2023 par le gouvernement malien de transition, selon lequel les entreprises minières opérant au Mali devraient entre 300 et 600 milliards de francs CFA (475 à 950 millions de dollars) en taxes et redevances non versées. Or Barrick est le plus important acteur du secteur minier au Mali.
Les négociations en cours portent sur le versement de plusieurs centaines de millions de dollars par Barrick à l'État malien, en échange de la libération des quatre salariés détenus depuis novembre 2024, de la reprise des activités de la mine de Loulo et de la restitution des trois tonnes d'or saisies. Mais l'accord tant attendu et qui semblait, selon certaines informations de presse, sur le point d'être conclu le mois dernier, n'a toujours pas été finalisé.
En janvier, le syndicat Section du Commerce, des Mines et des Industries du Mali (Secmima) qui rassemble les travailleurs maliens du secteur minier, y compris donc ceux de Barrick, avait déjà proposé de jouer les médiateurs. Désormais, c'est l'association Front pour l'émergence et le renouveau au Mali (Fer-Mali), très impliquée dans le secteur minier et très inquiète des conséquences de ce conflit qui n'en finit pas, qui suggère une « médiation nationale ».
Cette médiation pourrait impliquer, selon le président de l'association Fer-Mali, Sory Ibrahima Traoré, les différents acteurs du secteur minier, mais aussi les chefferies et notabilités traditionnelles et religieuses ou encore le médiateur de la République.
« Un risque dans l'environnement économique et politique malien »
« Nous ne mettons pas en cause la volonté de l'État du Mali d'avoir plus de ses ressources minières, précise d'abord Sory Ibrahima Traoré, nous sommes d'ailleurs, avec d'autres acteurs, en première ligne du combat pour que les richesses minières du Mali profitent mieux aux Maliens. Mais cette crise touche à l'image du Mali à l'international, poursuit le président de Fer-Mali, or nous nous battons aussi au niveau international pour trouver des investisseurs pour les ressources minérales du Mali [l'association Fer Mali a soutenu l'adoption du nouveau code minier ou encore la loi sur le contenu local dans le secteur des mines, tous deux adoptés en 2023, ndlr]. Et la crise entre Barrick et l'Etat du Mali est perçue, à l'extérieur du pays, comme une instabilité, un grand risque dans l'environnement économique et politique malien. Il faut une initiative pour qu'on sorte de cette crise qui n'a que trop duré. »
Et de donner ce proverbe à méditer : « ce n'est pas parce que le berger a tort qu'il faut brûler tout le parc à bétail ».
Un conflit qui a déjà conduit à l'incarcération en novembre 2024 de quatre cadres maliens du groupe minier, à la saisie, au mois de janvier, de trois tonnes d'or puis à la suspension, dans la foulée, des activités de la mine de Loulo-Gounkoto, la plus importante du pays.