Les dernières déclarations de M. Amadou Oury Bah, premier ministre du gouvernement de la junte militaire en Guinée, laissaient entrevoir un éclairci sur le terme de la transition, par l’annonce de la tenue des élections présidentielles et législatives avant la fin de l’année 2025.
Sauf que, de ce point de vue, il n’y avait aucun marqueur visible sur le calendrier du processus devant mener à ces échéances. Beaucoup d’observateurs n’ont pas manqué d’émettre des doutes sur la fiabilité de cette annonce eu égard aux délais légaux qui doivent jalonner le processus électoral. Bref, on peut imaginer qu’en vertu des dispositions du protocole sur la bonne gouvernance de la CEDEAO, dont la Guinée est toujours membre, les autorités guinéennes aient sciemment laissé ouvert la question de la date pour s’aménager une marge de révision, si éventuellement l’échéance de 2025 ne tenait pas. On est en mi -mars, c’est-à-dire à 9 mois de la fin de 2025. Le délai est très serré, en effet.
Il faut rappeler que le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la Bonne gouvernance, Additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité » dispose en son Article 2 alinéa 1, qu'« Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques ».
Si l’on sort de la virtualité, il est clair que l’attitude adoptée ces derniers mois par le pouvoir guinéen en place ne participe guère à créer les conditions d’un consensus pour aller vers des élections, car le dialogue, voire le consensus, n’est pas rompu, mais il n’existe même pas.
Sinon, comment expliquer par une simple mesure administrative que 53 partis politiques soient dissous d’un trait de plume sans aucune procédure, ni un droit de recours précédemment exercé, et 3 autres soient en sursis.
Pis, le pouvoir de transition, au terme d’une procédure cavalière d’évaluation, vient encore de suspendre, pour 3 mois, 28 partis politiques, dont le RPG de l’ancien Président Alpha Condé et l’UFR de l’ancien Premier Ministre Sidya Touré.
Quant à l’UFDG il lui est intimé l’ordre de tenir son congrès dans les 45 prochains jours pour être en règle et, par conséquent, participer au jeu politique.
Ainsi, les principaux challengers du Président de la Transition Mamady Doumbouya, sont quasiment « sur la touche », voire bâillonnés. En lieu et place, 99 partis qui ne représentent aucune menace pour le pouvoir sont dits éligibles pour participer aux activités politiques en Guinée et servir de faire-valoirdans un scrutin dont les résultats ne surprendront guère.
Les motifs invoqués pour cette élimination laissent perplexes et les raisons profondes qui les soutendent encore plus. Le défaut de compte bancaire d’un parti, ou le défaut d’organisation d’un congrès au cours des trois derniers mois, ne semblent pas être sérieux pour des partis qui ont pignon sur rue ou qui ont déjà exercé le pouvoir en Guinée.
Il est difficile de ne pas admettre comme la plupart des mouvements et organisations de la société civile, qu’il ya une volonté manifeste d’opérer une purge dans l’espace politique en Guinée et de baliser la route, sans coup férir, au Général Doumbouya.
Pendant que les germes d’un conflit avant et post électoral s’installent, le camp du Général Doumbouya déroule de façon subliminale sa propagande électorale, avec ses effigies qui tapissent les artères de Conakry appelant à sa candidature et à son élection.
Jusqu’à quand la CEDEAO et l’OIF qui avaient en quelques sorte parrainé le régime de Doumbouya, demeureront-elles silencieuses sur ce biais démocratique qui se joue en Guinée.