Ile Maurice: Instabilité économique et fiscale à venir face à la démographie et à l'émigration des talents

La croissance économique de Maurice repose largement sur son capital humain. La diversification et le développement de secteurs stratégiques, tels que les services financiers et les technologies de l'information et de la communication (TIC), dépendent d'une main-d'oeuvre qualifiée et engagée. Toutefois, une analyse approfondie révèle que l'île fait face à des défis majeurs susceptibles de fragiliser son secteur des services.

Dans son rapport intitulé The Hands That Build Mauritius: Challenges, Opportunities, and the Future of Labour, Axys met en garde contre une baisse de la main-d'oeuvre locale, liée à des problématiques démographiques et structurelles. Les auteurs, Sanjay Goolab (Managing Director), Intesh Seebaluck (Research Analyst) et Navnit Seeburrun (Investment Analyst), expriment leurs inquiétudes quant à l'émigration des talents et aux défaillances du système éducatif. Selon eux, la population active devrait diminuer de 11,7 % d'ici 2038 et de 36,8 % d'ici 2063, exerçant une pression croissante sur le marché du travail, les pensions et le système de santé.

Un frein à la compétitivité

Le rapport met en exergue la fuite des cerveaux, qui affaiblit la compétitivité du pays et freine son potentiel d'innovation. Depuis 1990, le nombre de Mauriciens vivant à l'étranger a augmenté de manière constante. En 2020, les Nations unies recensaient 182 973 expatriés mauriciens. Depuis 2010, environ 3 500 personnes quittent l'île chaque année.

Les auteurs du rapport identifient plusieurs raisons à ces départs : des salaires insuffisants pour amortir les investissements éducatifs, un manque d'opportunités de carrière, ainsi que des nominations politiques prévalant sur le mérite. De nombreux travailleurs qualifiés, formés aux frais de l'État, choisissent ainsi de s'expatrier, privant le pays de précieuses compétences.

L'impact des salaires sur l'exode des compétences

Malgré l'accès à une éducation gratuite, les jeunes diplômés se heurtent à une structure salariale peu attractive. Le rapport souligne que ces derniers, après avoir pris en compte le coût de leurs études, se retrouvent avec un patrimoine net implicite inférieur à celui de leurs pairs non diplômés. Cette situation décourage la poursuite d'études supérieures et le retour des jeunes talents au pays, alimentant ainsi le cycle de la fuite des cerveaux.

Pour inverser cette tendance, Axys propose plusieurs solutions :

  • Moderniser et professionnaliser le secteur primaire ;
  • Encourager la migration de retour ;
  • Réduire le taux de décrochage scolaire ;
  • Adapter la grille salariale pour offrir de meilleures perspectives.

Un système éducatif en crise

Le rapport met également en lumière les carences du système éducatif, incapable de préparer efficacement les jeunes au marché du travail. Entre 28 % et 35 % des élèves du primaire seulement parviennent à achever leurs études secondaires, contribuant à une main-d'oeuvre insuffisamment qualifiée. Ce décalage entre l'offre et la demande de professionnels freine la capacité des entreprises à se développer et à rester compétitives.

La baisse de la main-d'oeuvre se fait ressentir dans tous les secteurs, notamment dans l'agriculture, où les effectifs ont chuté de 45 700 en 2007 à 33 100 en 2023. Le secteur secondaire suit la même tendance, passant de 157 000 à 141 300 travailleurs sur la même période. Seul le secteur tertiaire affiche une progression, avec 77 500 emplois supplémentaires depuis 2007.

Une population en déclin

La diminution de la population constitue un autre facteur de fragilisation du marché du travail. Selon les projections, Maurice devrait voir sa population totale chuter de 27 % d'ici 2063, avec une baisse de 36,8 % de la population en âge de travailler. Le vieillissement de la population accentuera la pression financière sur les jeunes actifs, alors que les retraités représenteront 60,5 % de la population en âge de travailler.

Sans mesures concrètes pour stimuler la natalité et favoriser l'intégration professionnelle, le pays risque une instabilité économique et fiscale critique dans les prochaines décennies. Il devient urgent d'inverser cette tendance pour sauvegarder les fondements de l'économie mauricienne.

Pour Axys, le capital humain reste la ressource la plus précieuse de Maurice. Toutefois, les défis actuels nécessitent des réformes profondes. «En investissant dans l'éducation, en incitant le retour des talents et en modernisant les secteurs stra- tégiques, Maurice pourra exploiter pleinement le potentiel de sa main-d'oeuvre et assurer une croissance économique durable», concluent les auteurs du rapport.

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