Cadre de l'équipe nationale des Comores, Youssouf M'Changama garde la tête froide au moment de parler du rêve d'une qualification à la Coupe du monde après une belle campagne de qualification à la CAN 2025. Le joueur de 33 ans mesure le chemin parcouru avec les Coelacanthes depuis sa première sélection, il y a près de 15 ans, à ce match d'ouverture de la CAN 2025 qui promet une belle fête face au Maroc en décembre prochain.
Youssef, les Comores sont leaders de leur poule en éliminatoires de la Coupe du monde 2026 devant des « gros » comme le Ghana et le Mali. Comment vous abordez ces prochains matches de qualifications ?
C'est avec beaucoup d'humilité et d'ambition qu'on aborde ces qualifications. Quand on est devant, dans une compétition, l'objectif, c'est de pouvoir rester le plus longtemps possible. Mais il reste encore du temps et beaucoup de matchs. Donc, il va falloir beaucoup travailler, travailler très dur pour obtenir le rêve de tout un peuple...
...une qualification à la Coupe du monde ?
Pourquoi pas...
Est-ce que vous sentez que les regards ont changé et qu'on ne vous voit plus comme le petit poucet ?
C'est sûr qu'au fur et à mesure de nos résultats, il est normal qu'on soit plus attendu que ce que l'on était avant. On va encore être plus attendu pour ces qualifications, comme on a terminé premiers de notre poule en éliminatoires de la CAN 2025. Il y a eu un gros travail du staff, de tout le monde pour qu'on puisse garder la tête froide et continuer d'avancer avec beaucoup d'humilité. C'est ce qui caractérise notre pays. Mais, c'est sûr, plus les résultats sont positifs, plus les équipes sont attendues. Il n'y a plus d'effet de surprise dans nos matchs pour nos adversaires.
Vous êtes qualifié pour la CAN 2025 et vous allez disputer le match d'ouverture contre le Maroc en fin décembre prochain. Rencontrer le pays organisateur et grand favori de la CAN 2025, c'est la meilleure ou la pire chose qui pouvait arriver aux Comores ?
Franchement, on ne pense pas comme ça. On accepte notre destin. C'est vraiment une bonne chose pour nous de pouvoir affronter le pays organisateur chez lui. Et je pense que c'est un honneur, pas seulement pour nous les joueurs, mais pour tout un peuple, d'ouvrir la compétition après la grande cérémonie d'ouverture. Et voilà, les Comores seront à l'honneur, comme le Maroc.
Est-ce que vous commencez déjà à discuter avec vos coéquipiers de ce match d'ouverture contre le Maroc ?
Dans nos entourages, tout le monde nous parle de la CAN ; sur comment s'organiser, les billets, etc. Mais la compétition est quand même assez loin. Il peut se passer tellement de choses d'ici là. Je pense que plus le temps va avancer, plus on va en parler. Mais là, notre réelle projection, elle est vraiment sur les échéances de mars avec les deux journées concernant la qualification à la Coupe du monde. Mais il est vrai que jouer au Maroc, contre le Maroc, c'est aussi l'occasion pour la diaspora comorienne, qui est nombreuse à Marseille, de venir profiter de la CAN.
Natif de Marseille, vous êtes aussi issu de cette diaspora-là, vous vous attendez à ce qu'il y ait du monde, du gros soutien au Maroc ?
C'est sûr, il y en aura. Après la qualification, on a tous reçu de nombreux messages des Comoriens disant qu'ils seront présents à la CAN. Les Comoriens en France, surtout, mais dans toute l'Europe. Le Maroc et la France, c'est très proche, les gens ont vraiment envie d'être là. Et c'est une fierté, un honneur pour eux de pouvoir venir assister à la CAN.
Les Comores sont dans une belle dynamique, mais revenons en octobre 2023, le moment où il y a eu un gros malaise entre les joueurs et la fédération. Sérieusement, si on vous avait dit à cette époque-là que les Comores allaient se qualifier à la CAN et seraient premiers de leur groupe en éliminatoires de la Coupe du monde, vous auriez réagi comment ?
Franchement, je n'aurais pas été surpris. C'est comme dans toute famille, parfois, il y a, on ne va pas dire, des petites frictions, mais de petits malentendus. Après, on avance main dans la main et c'est une bonne chose que tout se règle avec la communication, la bonne entente, la discussion. De la discussion jaillit la lumière, dit-on, et on a tous envie que ce pays évolue. On a tous mis du nôtre et ce n'est que la résultante de tout cela qui nous amène à cette CAN. Mais, il y a toujours eu de la qualité, un groupe de qualité et un staff de qualité qui a poursuivi le travail qui a été fait précédemment. On a toujours eu l'ambition, après notre première CAN, d'être fréquemment à la Coupe d'Afrique. On a raté 2024, et là, on sera au rendez-vous en 2025.
L'une des clés de la réussite de l'équipe, c'est aussi l'arrivée du sélectionneur Stefano Cusinqui a réussi à transformer votre équipe. Comment vous le décrirez-vous ?
Déjà, c'est un coach très humain. Je pense que c'est ce qu'il nous faut parce qu'on est un groupe qui n'est pas difficile à gérer. Il y a vraiment de bonnes personnes et de belles personnes à l'intérieur de ce groupe. On est tous comme des frères et le coach s'est greffé dans le groupe comme un poisson dans l'eau. Il a été bien accompagné par le staff qui était déjà en place. Donc, humainement, déjà, c'est top. Il discute avec nous, il sait rigoler, il prend des nouvelles de tout le monde. Après, tactiquement, je trouve qu'on a beaucoup progressé, surtout défensivement. Tactiquement, on peut jouer de plusieurs façons. Avec très peu de temps, on arrive à travailler de manière très efficace.
Vous êtes en équipe nationale depuis presque 15 ans, au-delà de votre expérience, vous jouez un peu le rôle de grand frère, de cadre dans l'équipe, certainement aujourd'hui...
C'est sûr qu'au fur et à mesure, j'ai eu le temps d'évoluer et d'apprendre des grands frères qui étaient là précédemment. Je pense à Ibrahim Rachidi, que tout le monde connaît sous le surnom de « Bouillon ». Je pense à Nadjim Abdou, à Jamal Mohamed, qui est aujourd'hui le directeur sportif de Martigues, mais qui a été joueur en équipe nationale et a ensuite intégré le staff. Je pense à Ben Attoumani, à Kassim Abdallah et j'en passe. En fait, ceux-là ont tous été des exemples pour moi et je les ai vus faire. J'ai vu comment ils nous boostaient, comment ils nous ont fait grandir. Ils ont fait grandir la sélection grâce à leur expérience, grâce à leur vécu en club aussi. J'ai la chance de m'inspirer d'eux pour pouvoir prendre le relais petit à petit envers les plus jeunes coéquipiers.
Vous mesurez aujourd'hui le chemin parcouru avec la sélection ?
C'est sûr que commencer la sélection sur de la terre à Iconi et maintenant nous voir, - j'espère très rapidement - rejouer au stade de Malouzini (Ndlr : le Stade Malouzini d'Iconi construit en 2019, est suspendu actuellement, la Fifa estimant qu'il ne répond plus aux normes), pour moi, c'est une grande fierté. J'ai commencé mon premier entraînement en équipe nationale sur de la terre et d'avoir pu voir un nouveau stade et être témoin de tout ce qui a été fait, c'est vraiment une fierté immense. Je suis content de pouvoir continuer de jouer, de tout faire pour performer et de continuer à accompagner la nouvelle génération. On est encore quelques-uns de cette première génération à accompagner la nouvelle et franchement, c'est énorme.