LOME — Selon les informations météorologiques de l'Agence nationale de la météorologie (ANAMET) publiées fin janvier 2025 et comptant pour la période allant du 1er février au 9 mars 2025, les températures minimales au Togo seront de 20°C tandis que les maximales atteindront 40°C.
« Dans l'ensemble, les températures prévues seront légèrement supérieures à la normale 1991-2020 et pourront occasionner une sensation de chaleur sur le pays », peut-on lire dans ce document.
Face à cette situation, les aviculteurs redoutent des pertes importantes liées au stress thermique des volailles.
"Les poulets de chair à croissance rapide, comme les souches Cobb 500 qui devraient atteindre un poids d'abattage en 42 jours d'élevage peuvent mettre jusqu'à deux mois pour atteindre ce poids en raison du stress thermique. De plus, une température élevée rend les animaux plus vulnérables aux maladies" Metayake Hezouwe, CERSA
Metayake Hezouwe, zootechnicien et expert en sciences aviaires au Centre d'excellence régional sur les sciences aviaires (CERSA) à l'université de Lomé, met en garde contre les effets dévastateurs de cette hausse des températures sur la production avicole.
« Une température élevée peut entraîner des problèmes graves pour les animaux. Ils auront moins d'appétit, préférant plus boire de l'eau que manger. Même s'ils mangent, ils ne pourront pas utiliser efficacement la nourriture pour grandir », confie-t-il.
« Par exemple, les poulets de chair à croissance rapide, comme les souches Cobb 500 qui devraient atteindre un poids d'abattage en 42 jours d'élevage peuvent mettre jusqu'à deux mois pour atteindre ce poids en raison du stress thermique. De plus, une température élevée rend les animaux plus vulnérables aux maladies », illustre Metayake Hezouwe.
« La température ambiante idéale pour élever les poulets devrait être entre 18 et 22°C, mais nous sommes largement au-dessus, surtout en journée. Avec cette canicule annoncée par l'ANAMET, nous risquons de perdre une grande partie de nos élevages », redoute Koffi Ayité qui exploite une ferme avicole à Tsévié, localité située à 35 km au nord de Lomé.
Les auteurs d'une étude publiée en avril 2024 par l'Institut national français de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement (INRAE), soulignent en effet que « l'augmentation de la température a une influence négative sur le comportement, les réponses physiologiques et immunologiques des poulets de chair et des poules pondeuses. »
« Entraînant une diminution de leurs capacités immunitaires, des problèmes endocriniens et un déséquilibre électrolytique qui nuisent au bien-être, à la santé, aux performances voire à la reproduction des volailles », poursuivent-ils.
Toutefois, Ghislain Demanou, ingénieur de conception en agriculture, élevage et produits dérivés, apporte une nuance. Pour lui, les changements climatiques n'affectent pas directement la production avicole. Mais le secteur avicole en subit les conséquences en raison de son interdépendance avec d'autres secteurs comme le secteur agricole, notamment la production céréalière.
« Le choix de la nutrition ou de l'adaptation génétique peut être à la base de la baisse de la production avicole. », indique cette source qui est en service à l'Ecole nationale supérieure polytechnique de l'université de Maroua dans le nord du Cameroun.
Aussi l'ingénieur suggère-t-il un soutien à la pérennité du secteur avicole notamment en garantissant une nourriture de meilleure qualité et plus disponible pour les volailles.
S'adapter aux nouvelles conditions climatiques
Intitulée « Face au changement climatique, quelles stratégies d'atténuation et d'adaptation pour les productions avicoles ? », l'étude de l'INRAE propose que les filières avicoles, comme les autres filières évoluent avec pour premier but de réduire leur impact environnemental et, secundo, de s'adapter aux nouvelles conditions climatiques.
« Il s'agit de coadapter les animaux et le milieu d'élevage, de réorganiser les filières géographiquement et entre maillons des chaînes de production pour faire face aux menaces sanitaires tout en économisant les ressources, et en limitant la production de gaz à effet de serre », Peut-on y lire.
Pour Metayake Hezouwe, l'ajout de vitamine C dans l'eau ou l'alimentation des volailles, l'utilisation de feuilles de Moringa ou encore l'humidification des bâtiments peuvent aider à réduire les effets du stress thermique.
Au ministère de l'Agriculture, de l'élevage et du développement rural du Togo, on rassure que des campagnes de sensibilisation seront menées à l'endroit des éleveurs face à la situation.
« Nous travaillons à sensibiliser les éleveurs aux bonnes pratiques et à renforcer la distribution d'additifs alimentaires adaptés aux conditions climatiques extrêmes », assure, Beleyi Magnimwè, le directeur de l'Élevage au ministère de l'élevage au Togo.
Dans le même temps, les experts appellent les éleveurs togolais à adapter leurs pratiques pour assurer la survie de leurs exploitations. Pour eux, la hausse des températures impose une refonte des stratégies agricoles et un engagement renforcé des autorités pour protéger ce secteur clé de l'économie togolaise.