Le 8 mars 2025, à Ndjamena, lors de la clôture de la Semaine nationale de la femme tchadienne (Senafet), quinze recommandations visant à améliorer les droits des femmes ont été soumises au gouvernement. Parmi elles, une mesure a particulièrement retenu l'attention : celle d'un projet de loi stipulant qu'en cas de divorce, le domicile familial revienne à la femme et aux enfants. Depuis, celle-ci fait débat : en cas de divorce, à qui doit revenir le domicile conjugal ? L'homme ou la femme ?
À l'origine de cette mesure, la ministre d'État en charge des Femmes, Amina Priscille Longoh, qui propose d'« introduire une loi stipulant qu'en cas de divorce non motivé, le domicile conjugal revienne à la femme et aux enfants ».
« Il s'agit d'une simple recommandation émanant d'un travail collectif dans le cadre de la Senafet et non d'une décision étatique », a précisé le porte-parole du gouvernement dans ce communiqué. « Par conséquent, cette recommandation n'engage en aucune manière le gouvernement », a-t-il souligné en appelant « à la sagesse et à la retenue ».
Le divorce, un facteur de précarité pour les femmes
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Si la condition féminine au Tchad a connu des avancées en matière d'autonomie, de scolarisation et de représentativité ces dernières années, un récent rapport des Nations Unies rappelle que ces progrès restent fragiles dans ce pays du Sahel, marqué par la pauvreté et des inégalités persistantes. En témoigne une statistique : un quart des Tchadiennes âgées de 20 à 24 ans ont été mariées avant l'âge de 15 ans, selon les données du Groupe URD (Urgence, Réhabilitation, Développement).
Aché Ahmat Moustapha, sociologue, féministe et cinéaste tchadienne, explique les conditions dans lesquelles se déroule un divorce et ses conséquences sur les femmes tchadiennes.
Le divorce au Tchad favorise la violation des droits fondamentaux de la femme, qu'il soit initié par l'homme ou la femme. La femme, elle, subit la stigmatisation, la dépossession.
Tollé sur les réseaux sociaux
Chaleureusement accueillies par les femmes, cette recommandation a suscité des réactions négatives sur les réseaux sociaux, allant jusqu'à des attaques personnelles contre la ministre. « Une bonne femme ne cherche pas à vivre célibataire dans une grande maison avec des enfants sans père à côté », fustige ainsi un message Facebook. « Les femmes émancipées peuvent construire leur propre maison, pas accaparer celle de leur mari », commente un autre.
L'influenceur Hayzam770, suivi par plus de 70 000 personnes sur TikTok, exprime : « Un homme épouse une femme, l'amène à la maison et quand ils divorcent, il faudrait qu'il quitte la maison ? Comment c'est possible ça ? Ni la religion ni la loi ne permettent cela ! Non, non, non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas permis dans notre société musulmane, ni dans notre société tchadienne. Si on applique ça, on va avoir des problèmes. »
Le gouvernement tempère
Face à la montée des critiques, l'affaire a été commentée au plus haut niveau. Le Ministre de la Communication, Gassim Cherif, rappelle : « Dans la société touareg, en cas de divorce, c'est l'homme qui quitte la maison. Dans d'autres sociétés, comme au Burkina Faso, il existe des structures matrilinéaires et matriarcales où l'homme doit également partir. Ce n'est donc pas un nouveau phénomène. Les traditions évoluent, et l'argument culturaliste est faible intellectuellement parlant. »
Néanmoins, conscient des résistances au sein de la société tchadienne, le ministre conclut : « Le gouvernement ne compte pas légiférer sur cette question pour l'instant. »