L'annonce d'un cas de chikungunya en fin de semaine dernière a ravivé de vieux souvenirs au sein de la population. Tandis que certains redoutent une nouvelle crise sanitaire, d'autres se remémorent l'apparition du Covid-19 à Maurice, il y a cinq ans. Comme la dengue, cette maladie virale suscite de vives inquiétudes, incitant les autorités à renforcer les mesures de sensibilisation et de prévention afin de limiter les risques de propagation.
Sur les réseaux sociaux, l'inquiétude est palpable : «Devra-t-on bientôt refaire la queue devant les supermarchés à six heures du matin ?» ou encore «Revivrons-nous un confinement ?» Autant de questions qui résonnent chez les internautes. D'autres, plus pragmatiques, pointent du doigt la prolifération des moustiques et l'entretien des terrains vagues. «Il faudrait inciter les propriétaires à entretenir leurs parcelles» ou encore «Des sanctions devraient être prises contre ceux qui laissent leurs terrains à l'abandon», suggèrent certains.
Si l'inquiétude est présente, la prise en charge du chikungunya a considérablement évolué en 19 ans (voir encadré). «Nous avons l'expérience des cas importés ces dernières années. Nous isolons immédiatement les patients et leur administrons les soins appropriés», explique le Dr Vasantrao Gujadhur, Senior Advisor au ministère de la Santé.
Toutefois, la situation à La Réunion, où le nombre de cas a explosé, renforce les craintes. «Il ne faut pas oublier que certains patients sont asymptomatiques. Chaque semaine, entre 800 et 1 000 Réunionnais arrivent à Maurice. Malgré la surveillance, il est possible que des cas passent entre les mailles du filet. Certains consultent des médecins privés, d'autres ne restent que quelques jours avant de repartir. C'est pourquoi le ministère effectue un contact tracing pour limiter la propagation», souligne-t-il.
Il rappelle également qu'une personne ayant déjà contracté le chikungunya est immunisée. «Certains Mauriciens sont protégés, mais ce n'est pas le cas des moins de 18 ans, ce qui explique la vigilance accrue dans les écoles», précise le Dr Gujadhur. Comme la dengue, le chikungunya est transmis par les moustiques. S'il est rarement mortel, des complications peuvent survenir en l'absence d'une prise en charge médicale. Une consultation est recommandée si la fièvre persiste au-delà de trois jours.
Contrairement à la dengue sévère, qui présente un risque de mortalité plus élevé, le chikungunya est généralement moins dangereux, mais nécessite une surveillance médicale. Le Dr Gujadhur appelle donc la population à la prudence et au respect des mesures préventives.
Rappel du passé : Aux origines de la crise
«L'hystérie grandit face à la menace du chikungunya», titrait l'express dans son édition du 21 février 2006. À cette époque, le ministre de la Santé, Satish Faugoo, se rend sur le terrain pour mener une campagne de sensibilisation, alors que les cas explosent, passant de 341 à 600 en seulement deux jours. «La psychose gagne du terrain.» Les hôpitaux sont débordés, la population est en panique. «La moindre fièvre est assimilée au chikungunya. Certains consultent des médecins privés et paient Rs 500 pour une injection, histoire de se rassurer.»
Aucun vaccin n'existe alors, contrairement à aujourd'hui. Le décès d'un homme de 33 ans fait les gros titres de la presse mauricienne et est relayé par les médias étrangers, notamment TF1. Si l'autopsie conclut à une méningo-encéphalite, l'incertitude demeure quant à un lien avec le chikungunya. La chaîne française recueille des témoignages de voyageurs de retour de Maurice. Une dénommée Ginette raconte : «Les malheureux arrivaient courbés, pliés en deux. On les mettait sur des brancards. C'était l'affolement complet», décrit-elle après une visite dans un hôpital. L'impact sur le tourisme est immédiat : en mars 2006, les arrivées chutent de 14,4 %.
Ce même mois, le directeur de l'Organisation mondiale de la santé, Lee Jong-Wook, se rend à Maurice pour évaluer l'ampleur de l'épidémie. Maurice et La Réunion auraient recensé quelque 157 000 cas en un an, depuis mars 2005. À Maurice, plus de 11 000 personnes ont été infectées durant cette période, un record. Pour endiguer la maladie, le gouvernement lance en août 2006 un plan d'action impliquant les médecins privés, l'introduction de nouveaux tests en laboratoire, des sanctions contre les récalcitrants par un amendement de la loi, ainsi que des opérations de nettoyage des sites de prolifération des moustiques.