Madagascar: Après sa diffusion en ligne, la vidéo du viol d'une chanteuse prend une dimension nationale

À Madagascar, une sombre affaire embrase les réseaux sociaux. Depuis le vendredi 14 mars, une vidéo montrant une chanteuse malgache victime d'abus sexuels fait le tour de Facebook. Cela fait plusieurs mois que la chanteuse refuse de céder au chantage des détenteurs de cette vidéo, qui menaçaient de la diffuser. Depuis sa mise en ligne, Meizah subit une avalanche de harcèlement et de dénigrement. L'affaire a rapidement pris une ampleur nationale, jusqu'à provoquer une réaction du gouvernement.

Les événements remontent à septembre 2022 : Meizah, une artiste de 31 ans bien connue dans le pays, sort alcoolisée d'un bar karaoké dans le quartier populaire des 67 hectares à Antananarivo. Elle est alors filmée, inconsciente, dans une voiture, violée par deux hommes.

Sans souvenirs de la soirée, elle apprend des mois plus tard qu'elle a été agressée sexuellement, lorsqu'elle reçoit une vidéo anonyme. Sur ces images, la jeune femme est inerte, tandis que ses agresseurs filment le viol.

Depuis la diffusion de la vidéo, des milliers de commentaires ont alimenté la culpabilisation de la victime, en critiquant son état d'ébriété et en qualifiant son style de « provocateur ». « Tout cela aurait pu être évité avec plus de retenue », commente l'un des utilisateurs.

« Je n'étais même pas capable de bouger »

Des propos que Meizah refuse de laisser passer. Elle s'est confiée à RFI, dénonçant cette vision culpabilisante. « Les gens me voient comme une artiste qui a des tatouages, qui est un peu explicite dans ses clips et ses chansons. Mais je n'étais même pas capable de dire non, je n'étais même pas capable de bouger. Sans le consentement, personne n'a le droit d'abuser de qui que ce soit », rappelle la chanteuse.

Elle a depuis déposé plusieurs plaintes pour viol, chantage et diffamation en ligne. Comme souvent dans ce genre d'affaires, Facebook est devenu un défouloir où l'artiste est la cible d'insultes et de haine. Marie-Christina Kolo, fondatrice du mouvement féministe Women Break the Silence, dénonce le rôle amplificateur des réseaux sociaux dans la propagation d'une culture du viol qui imprègne la société malgache. « Facebook à Madagascar, c'est Internet. Les gens ne se cachent même pas derrière leurs propos ultra-violents, qu'ils soient hommes ou, surtout, femmes, fustige-t-elle. On tente de rassurer les victimes en leur disant "vous allez voir beaucoup de gens qui vont vous insulter, mais des mouvements sont là pour vous accompagner. On comprend votre souffrance et vous n'êtes pas seule". »

Face à l'ampleur de l'affaire, le ministère de la Communication a rappelé les internautes à l'ordre. Dans un communiqué publié le 18 mars, il a averti que le simple partage de cette vidéo est illégal et passible d'une amende de 6 millions d'ariary, soit environ 1180 euros.

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