On les attendait à Luanda, ils se sont retrouvés à Doha. Mardi dernier, les présidents Félix Tsishekedi et Paul Kagame, sous les bons offices de l'émir du Qatar, annonçaient urbi et orbi être parvenus à un accord sur un cessez-le-feu immédiat. Beaucoup d'observateurs ont alors crié au miracle de la diplomatie du chéquier.
Pas pour longtemps, car le cessez-le-feu, prélude à la poursuite des négociations pour un règlement global de la crise multi décanales qui ravage l'est de la RDC, se fait toujours attendre. En effet, dès le lendemain, les rebelles de l'AFC /M 23 accentuaient leur offensive contre les positions avancées de l'armée régulière congolaise, appuyée par ses supplétifs Wazalendo. Offensive payante puisqu'en une journée de combat, ils entraient dans la ville de Walikalé, capitale du département éponyme.
Comme pour acter le non-respect de l'accord de Doha, le porte-parole de l'alliance qui soutient le pouvoir de Félix Tshisekedi appelait "les frères égarés" à enfin être attentifs à la dynamique africaine et de la communauté internationale pour un retour rapide de la paix en RDC.
De fait, l'initiative de l'émir du Qatar est complémentaire à celle de Nairobi, lancée par la Communauté des Etats de l'Afrique australe (SADC) et la Communauté de l'Afrique de l'Est (EAC), avec l'ancien président kényan Uhuru Kenyatta comme médiateur principal. Cela, c'est d'un. De deux, elle donne plus de pertinence à l'engagement de l'Union africaine pour une solution négociée à la crise, avec l'entregent du président angolais.
En attendant la poursuite de ces initiatives africaines, l'émir du Qatar a réussi ce que les multiples réunions organisées par la SADC, l'EAC, l'UA et l'ONU n'avaient réussi jusque-là : faire asseoir à la même table Félix Tshisekedi et Paul Kagame, qui se regardent plus qu'en chiens de faïence. Et si à Doha les médias ont été sevrés de leur poignée de main avec tout le symbolisme qu'elle peut porter, on a néanmoins eu droit à une photo d'anthologie sur laquelle les 2 hommes d'Etat apparaissent aux côtés de l'émir Ben Hamad Al Thani, arborant un sourire de satisfaction.
Hélas, la diplomatie du chéquier, si promesse de chèque il y a eu, tarde à faire taire les armes. En effet, des sources concordantes ont expliqué à des correspondants de plusieurs médias en RDC que des combats se poursuivaient jeudi 20 mars à Kembé et à Kigoma. Des tirs persistants étaient aussi entendus en milieu de journée hier à Ngora et Muhendo, des villages situés respectivement à 4 et 12 kilomètres de Walikalé.
Cette poursuite des hostilités est un signal de ce que la grande annonce de Doha pourrait être un coup d'épée dans l'eau boueuse de la guerre en RDC. Pour des analystes de la crise congolaise, les territoires de Walikalé sont riches en ressources minières, tandis que la ville éponyme est un carrefour stratégique qui relie les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Tshopo et du Maniema et où passe la RN 3 de la RDC. C'est donc une prise importante pour la rébellion, qui n'a pas voulu se satisfaire de l'accord de Doha.
Et si la conquête de cette ville importante, Walikalé, visait à mettre la pression sur le pouvoir de Kinshasa et à peser dans la balance quant à la poursuite des négociations à Luanda, Nairobi ou de nouveau à Doha ?