Sénégal: Centralisation de la gestion foncière - Les JAGEF-SEN disent niet

Le collectif dit « Jeunes Acteurs de la Gouvernance Économique et Foncière au Sénégal » (JAGEF-SEN) n'agrée pas la proposition relative à la centralisation de la gestion foncière et portée par le député Amadou Ba, membre du Parti PASTEF.

Cette proposition vise en effet à structurer la gouvernance foncière autour de l'Agence Nationale de l'Aménagement du Territoire (ANAT) et à suspendre temporairement les opérations foncières des collectivités territoriales jusqu'aux élections locales de 2027. Les jeunes acteurs, diplômés en gouvernance foncière et gestion des territoires, expriment de vives inquiétudes quant aux implications de cette mesure sur l'avenir de la décentralisation et du développement local au Sénégal.

Dans leur note adressée au député Amadou Ba de PASTEF, les jeunes experts dénoncent une centralisation foncière qu'ils qualifient de « fausse solution à un vrai problème ». Ils rappellent que la loi n°64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national repose sur un principe fondamental : la gestion foncière doit être décentralisée, impliquant les collectivités locales selon le principe de subsidiarité. Cette approche, bien que perfectible, permet une gestion plus proche des réalités locales et des besoins des populations, avancent-ils.

Les jeunes acteurs reconnaissent que l'application de cette loi a cependant souffert de lacunes, notamment un manque de clarté dans son exécution et des abus dans l'affectation des terres. Cependant, ils estiment que la solution ne réside pas dans une recentralisation, mais plutôt dans une réforme structurelle visant à renforcer les capacités des collectivités territoriales et à moderniser les outils de gestion foncière.

Les JAGEF-SEN mettent dès lors en garde contre les risques d'une centralisation foncière autour de l'ANAT. Selon eux, cette mesure pourrait entraîner un recul démocratique en suspendant les prérogatives des collectivités territoriales, ce qui serait une atteinte aux principes fondamentaux de la décentralisation. Ils soulignent également que « les élus locaux, bien que perfectibles, sont les mieux placés pour comprendre les réalités du terrain et répondre aux besoins des populations ».

En outre, une centralisation risquerait de déconnecter les décisions des réalités locales, favorisant ainsi la spéculation foncière et le favoritisme. Les jeunes acteurs craignent également que cette mesure ne freine le développement économique des territoires, l'accès à la terre étant un levier crucial pour l'agriculture, l'habitat et l'investissement local.

Un précédent inquiétant : l'affaire SEDIMA contre populations de Ndingler

Les jeunes acteurs citent, en argumentaire, l'affaire SEDIMA contre les populations de Ndingler comme un exemple des limites de la gouvernance foncière actuelle et du rôle ambigu de l'ANAT. Ce contentieux, qui oppose deux collectivités territoriales sur des questions de limites, montre que l'ANAT, bien qu'impliquée dans la Commission de Contrôle des Opérations Domaniales, n'a pas su prévenir le conflit. « Confier temporairement la gestion foncière à une institution qui n'a pas démontré son efficacité risque, selon eux, d'aggraver les tensions foncières ».

Plutôt qu'une suspension brutale des opérations foncières, les JAGEF-SEN appellent à une réforme foncière cohérente et inclusive. Ils proposent plusieurs mesures, notamment : une meilleure application des textes existants, en clarifiant les compétences des collectivités et de l'État ; un renforcement des capacités des collectivités territoriales, avec des moyens humains, techniques et financiers adaptés ; une modernisation des outils de gestion foncière, en s'appuyant sur les technologies SIG et une transparence accrue dans l'attribution des terres. Il est aussi question, selon eux, d'arriver à « une implication accrue des populations dans la prise de décision, pour garantir un aménagement du territoire plus équitable et inclusif ».

Les jeunes acteurs insistent par conséquent sur le fait que la solution ne saurait résider dans une mesure radicale de recentralisation, qui poserait à la fois un problème de légalité et d'opportunité. Ils rappellent que « suspendre les prérogatives foncières des collectivités territoriales reviendrait à violer les principes fondamentaux de la décentralisation, consacrés par la Constitution (article 102) et les lois en vigueur ».

Selon les JAGEF-SEN, une troisième voie est nécessaire pour sortir de l'impasse actuelle. Il importe pour eux de rejeter la recentralisation et de réactiver et enrichir le Document de Politique foncière de 2016, également de sanctionner les abus sans priver les collectivités de leurs compétences et enfin d'investir dans la décentralisation effective, condition sine qua non d'une gouvernance foncière apaisée et prospère. Pour autant, les jeunes acteurs de la Gouvernance Économique et Foncière au Sénégal exhortent le député Amadou Ba à repenser sa proposition et se disent mobilisés pour « une gestion foncière qui respecte les principes de décentralisation et qui sert réellement le développement du Sénégal ».

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