En attendant le premier exercice budgétaire de l'Alliance du Changement en juin prochain présenté par le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, les grandes manœuvres ont déjà commencé au ministère des Finances et accentueront le mois prochain avec la réception et l'analyses des premières propositions pré budgétaires venant des opérateurs et de la société civile.
Parallèlement, après Moody's, une délégation du FMI est attendue au début du mois prochain pour des consultations tous azimuts avec le nouveau gouvernement. Ces discussions s'inscrivent dans le cadre de la préparation du rapport Article IV, un document jugé crucial qui servira de référence pour la formulation des grandes orientations macroéconomiques du Budget 2025-26.
L'agenda de la mission du FMI comprend des rencontres avec les principaux décideurs économiques du pays : conseillers du bureau du Premier ministre, ministère des Finances, gouverneur de la Banque de Maurice, représentants du secteur privé, économistes indépendants, société civile et opposition. L'objectif : évaluer la situation économique actuelle et établir des recommandations en vue du redressement des finances publiques.
Les conclusions du rapport Article IV seront particulièrement scrutées, car elles coïncideront avec la préparation d'un budget stratégique, censée donner une nouvelle impulsion à l'économie tout en intégrant des impératifs de consolidation budgétaire.
Lors de sa première interview à Business Magazine, Dhaneshwar Damry a insisté sur le fait que le Budget 2025-26 privilégiera l'investissement productif, notamment pour stimuler l'émergence de start-up et encourager un rôle plus régulateur et facilitateur de l'État, plutôt qu'un interventionnisme direct dans l'économie. «Les Mauriciens se rendent compte bien que nous devons gérer les priorités, la première étant de consolider nos acquis, soit conserver notre Investment Grade» ajoute-t-il. Ce qui passe par le maintien de la dette publique à 77% du PIB tout «en ciblant des mesures qui pourront contribuer au bien-être de la population et ce dans le respect des critères macroéconomiques»
"The State of the Economy"
Toutefois, la marge de manœuvre reste limitée. Moody's, qui a récemment maintenu in extremis la notation d'investissement de Maurice, a conditionné son verdict à la mise en place de réformes budgétaires dès 2026. L'agence de notation a notamment exigé un plan de consolidation impliquant des réformes fiscales et des réductions de dépenses, afin d'éviter une dégradation future de la note souveraine. Cette exigence repose en grande partie sur le rapport accablant "The State of the Economy", publié par le ministère des Finances fin 2024, qui a révélé comment l'ancienne administration aurait manipulé des indicateurs économiques tels que la croissance, le PIB et la dette publique pour embellir artificiellement la situation du pays.
Le rapport Article IV 2025 pourrait donner le ton des réformes à venir. L'an dernier, le FMI avait déjà préconisé des mesures structurelles majeures, notamment : une réforme de la Contribution sociale généralisée (CSG) pour que les prestations soient réservées aux cotisants; une refonte du système de pension universelle, en relevant l'âge de la retraite de 60 à 65 ans; et une réduction progressive de la dette publique à 65 % du PIB d'ici mi-2026.
Avec un contexte économique jugé préoccupant, il reste à voir si le FMI renouvellera ces recommandations ou en ajoutera de nouvelles. Le gouvernement, qui n'exclut pas une assistance financière extérieure, pourrait ainsi devoir ajuster sa stratégie budgétaire en fonction des prescriptions de l'institution de Bretton Woods.
En somme, le Budget 2025-26 s'annonce comme un exercice d'équilibre délicat, entre relance économique et rigueur budgétaire, avec un oeil attentif sur les conclusions du FMI et les attentes des marchés financiers.