Et ça recommence à tanguer au bord de la lagune Ebrié. Le 17 mars dernier, la Commission électorale indépendante de Côte d'Ivoire (CEI) a rendu publique la liste électorale pour la présidentielle 2025. A ce rendez-vous du 25 octobre 2015, huit millions d'électeurs seront au rendez-vous. Le fait notable, c'est déjà l'absence sur cette liste de Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, pour ne citer que les cas les plus emblématiques. Et pour cause : en 2019, les deux avaient été condamnés à vingt ans de prison dans l'affaire dite « braquage de la BCEAO » lors de la crise électorale de 2011-2012.
Après avoir été définitivement acquitté en mars 2021 de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye où il avait été transféré fin 2011, Gbagbo est rentré dans son pays le 17 juin 2021 avec le feu vert du président Ouattara. Il n'a jamais été inquiété depuis lors. Mieux, la grâce présidentielle lui a été accordée en 2022.
Mais les dossiers de l'ancien président et de celui qui fut jadis son ministre de la Jeunesse, ou ministre de « la Rue publique » pour ses pourfendeurs, restaient toujours entachés parce qu'il ne s'agissait pas d'une amnistie. N'étant donc pas électeurs, ils ne peuvent donc pas être éligibles. Sauf tremblement de terre, Gbagbo n'aura donc pas sa revanche, cette revanche à laquelle il tenait vues les circonstances dans lesquelles il avait été éjecté du fauteuil présidentiel.
On se rappelle que le lundi 11 avril 2011, il était délogé du palais et remis à son rival Alassane Ouattara par les forces françaises, une intervention qui, sur le coup s'est muée en un acte d'une coalition internationale où l'on retrouvait l'ONU à travers l'ONUCI, le Burkina et bien d'autres pays.
Certes, la liste électorale demeure provisoire et les plaignants ont 15 jours pour faire opposition (du 22 mars au 5 avril), mais on ne voit pas comment les requêtes de Gbagbo et des autres exclus pourraient prospérer. Humainement, on peut comprendre le ressentiment du Woudi qui n'a jamais digéré l'injustice dont il estime avoir été victime. Mais que peut-il y faire si ce n'est se plier à la loi l'écartant. Lui-même sait qu'en l'état actuel de son dossier, il y avait peu de chances qu'il prenne le départ de cette course vers la magistrature suprême.
De ce point de vue donc, la CEI est dans son bon droit, même si le droit est bien tordu comme on le dit de façon triviale. Car, en l'espèce, les procès dans lesquels Laurent Gbagbo, Simone Gbagbo et Charles Blé Goudé et bien d'autres avaient été condamnés ont été avant tout des procès politiques, qu'on le veuille ou non. Le problème aurait pu donc être réglé politiquement par la loi d'amnistie. Situation à laquelle le premier magistrat ivoirien n'a pas voulu s'y résoudre.
Aujourd'hui, Henri Konan Bédié disparu, et l'Enfant terrible de Mama empêché, ADO est plus que jamais le seul éléphant de la faune politique ivoirienne à barrir comme il veut, balayant tout sur son passage. A moins que la Coalition pour l'alternance pacifique (CAP), un conglomérat d'une quinzaine de partis de l'opposition en Côte d'Ivoire, ne contrarie un peu ses plans. Encore que...
Une fois de plus, c'est de gros nuages électoraux sombres qui s'amoncellent sur la lagune Ebrié. Et il faut espérer que la raison prévaudra de part et d'autre, surtout du côté de Gbagbo et de ses partisans, pour ne pas replonger le pays dans le chaos. On tremble en effet déjà quand on voit des gbagboïstes chauffés à blanc, déjà prêts pour le gnaga (la bagarre) comme on le dit familièrement à Abidjan.
C'est vrai que de nouvelles ambitions ont été contrariées mais il faut quand même que ça s'arrête à un moment. Même s'il est vrai qu'ADO, qui a été la victime emblématique de l'exclusion en politique, ne devrait pas être le même qui, à son tour, ostracise des adversaires juste parce qu'il veut régner ad vitam aEternam.